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[ Qui était Pierre Goldman ? ]

L'histoire de Pierre Goldman commence en Pologne le 17 novembre 1909, avec la naissance de son père, Alter Mojze Goldman, à Lublin. Alter est orphelin de père avant sa naissance. A 15 ans, il fuit l'antisémitisme et vient en France après avoir lu "Quatre-vingt-treize", de Victor Hugo, traduit en yiddish. La réalité de la France le déçoit, et il tente sa chance en Allemagne. Horrifié par ce qu'il y pressent, il revient en France. Il devient mineur, puis s'engage dans les chasseurs d'Afrique, en Algérie, ce qui lui permet d'obtenir la nationalité française. Le climat de violence raciale entre les gens l'écoeure profondément, et il revient en France où il devient ouvrier tailleur ; "un métier de Juif polonais" comme dira son fils Pierre Goldman.

Il pratique le basketball dans un club d'ouvriers immigrés, le YASK (Yiddische Arbeiter Sporting Klub), qui fournira aux FTP-MOI (Francs-Tireurs Partisans - Main d'Oeuvre Immigrée) leurs plus redoutables combattants. C'est là qu'il devient communiste et militant. L'arrivée de Staline au pouvoir, et l'assassinat de Trotsky, le révoltent. Il cesse d'être militant pour devenir simple sympathisant. Lorsque les premiers combats de la guerre d'Espagne éclatent, il est à Barcelone avec une délégation sportive de la FSGT. Il cherche à s'engager dans l'Unité Française des Brigades Internationales, mais il est rejeté à cause de sa réserve à l'égard du Parti.

En 1939, il est mobilisé. Le 10 mai 1940, alors qu'il est en permission à Paris, il rejoint le front, se bat, est cité pour sa bravoure, et décoré - au Front - de la croix de guerre. "Il a mérité sa nationalité française et n'a jamais été aussi juif qu'à ce moment" (Pierre Goldman). Démobilisé, il passe en zone non occupée, à Lyon, et milite au sein de la résistance juive. Lorsqu'en 1942, les Allemands occupent la zone sud, il se lance dans la lutte armée. Il fonde et dirige l'UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide). Bien que ses membres conservent une activité professionnelle, sous des faux papiers, ils s'initient à la lutte armée à travers des opérations de guérilla urbaine. Alter est alors complètement clandestin. Des collaborateurs, des miliciens, des policiers, un magistrat, sont exécutés.

Il rencontre alors la future mère de Pierre, Janine Sochaczewska, née à Lodz, en Pologne, militante du Parti Communiste Français. Alter et Janine sont tous deux clandestins ; du fruit de leurs amours nait Pierre, le 22 juin 1944, à Lyon. Ils se séparent à la libération. Après la guerre, la mère de Pierre travaille à l'ambassade de Pologne. En 1947, elle doit rentrer en Pologne. Alter, accompagné de camarades de résistance, vient enlever Pierre. Alter ne voulait pas que son fils grandisse dans un pays ou des millions de juifs avaient été exterminés, un pays antisémite. Antisémite et stalinien.

En juin 1949, Alter se marie avec Ruth Ambrunn, une résistante juive née à Munich en 1922, dont les parents, sentant le vent tourner, étaient venus s'installer à Lyon en 1933. Pierre est légitimé en tant que fils du nouveau couple. En 1956, les Goldman quittent l'Avenue Gambetta pour s'installer à Montrouge, qu'ils ne quitteront plus.

A l'âge de 12 ans, en 1956, Pierre devient interne. En 1959, il est exclu du lycée Michelet et part à Evreux. Il demande à son père son émancipation, après avoir organisé une mutinerie des internes. Là, il découvre que le fascisme n'est pas mort, à travers de jeunes catholiques intégristes, et vichyistes. Comme les autres membres de sa famille, Pierre faisait partie des Eclaireurs de France, mais "l'aspect paramilitaire de leurs activités" ne lui inspirait que du dégoût. Pierre adhère alors a l'Union des Jeunes Communistes, bien qu'il n'apprécie guère le communisme tel qu'il est pratiqué en Pologne, où il a déjà séjourné trois étés, à partir de 1956, avec sa mère naturelle, qu'il n'avait pas vue depuis 1947.

L'été 1960, en Pologne, Pierre fait sa première rencontre amoureuse en la personne de la fille d'un noble polonais. 1960 - 1961 : Classe de seconde à Etampes. Eté 1961 : Initiation à la vodka, en Pologne. 1961 - 1962 : Classe de première à Compiègne. Pierre arrête le lycée pour devenir surveillant d'un internat à Chauny. Il prépare le bac en candidat libre et le réussit du premier coup. Pierre rompt avec ses parents, s'inscrit à la Sorbonne, mais suit les cours par correspondance, car il ressent "la collectivité universitaire entassée dans les salles de faculté comme un pullulement, une promiscuité répugnante".

Avril 66 : Pierre quitte la France pour Anvers, où il espère embarquer sur un cargo à destination de l'Amérique latine. Il se fait engager comme cuisinier sur un cargo norvégien, débarque clandestinement en Floride, sans argent, sans son passeport que le capitaine conserve. Après avoir gagné le Mexique en auto-stop, il est arrêté et envoyé en prison à San Antonio, puis à la Nouvelle Orléans. Après quelques jours passés en prison, où il fait la connaissance de malfaiteurs qui lui donneront plus tard des modèles pour ses propres méfaits, Pierre Goldman est raccompagné à bord du navire norvégien. Le parcours du cargo une fois terminé, Pierre débarque à Bergen, en Norvège, et rentre en France, en passant par la Suède, le Danemark et l'Allemagne.

Alter, en revoyant ce fils dont il n'avait plus de nouvelles, pleura. Ce fut la première et la dernière fois que Pierre vit son père pleurer. Pierre promet alors à son père de s'engager dans l'armée. Le jour de son incorporation, au lieu de partir à Nancy, il prend l'avion pour Prague. Ne parvenant pas à rencontrer de révolutionnaires latino-américains, Pierre part rejoindre sa mère, qu'il n'a pas vue depuis cinq ans, en Pologne. Ses recherches sont à nouveau vaines. Pierre quitte sa mère, qu'il ne reverra plus. Il erre entre Bruxelles, Amsterdam et Rotterdam, à la recherche d'un moyen pour gagner l'Amérique du Sud. Pierre finit par regagner Paris, clandestinement, puisqu'il est recherché en France pour insoumission. Pierre, grâce à quelques amis, parvient à rejoindre Cuba sur un cargo est-allemand.

Pierre est à Cuba au moment de l'annonce de la mort du Che, qui est vécu comme un drame national. Il est alors enrôlé dans la guérilla vénézuélienne, à Cuba, mais on lui demande de rentrer à Paris en attendant une "mission". Pierre arrive à Paris en novembre 1967, toujours clandestinement. Il se tient à l'écart de mai 68, contrairement à ce qu'on prétendera lors de son procès. Fin juin 1968, Pierre part pour le Vénézuéla, où il demeure 14 mois au sein d'un groupe armé qu'il avait connu à Cuba. Pierre n'a pas eu l'occasion d'utiliser son arme, mais il noue de solides amitiés avec ses camarades révolutionnaires.

En septembre 1969, Pierre repart à Paris, via Bogota, Carthagène, Berranquilla, Porto Rico, et Madrid, toujours sous une fausse identité. Il revoit son père, sa belle-mère, sa soeur et ses deux frères. De ces retrouvailles, il écrira ces quelques lignes : "Je fus surpris de découvrir que ma soeur avait 19 ans, qu'elle étudiait la médecine, savait danser, avait un amant, militait et croyait que le développement des forces productives s'était arrêté en 1939. Mes frères étaient âgés de 16 et 18 ans. Ils étaient jeunes, fins, enjoués, plaisants. Ils aimaient la musique pop et portaient chacun une longue chevelure. Il me semble qu'ils étaient lycéens, à moins que le plus âgé ne fût déjà bachelier. Je fus quelque peu ému, étonné, qu'ils m'aiment et se souviennent de moi, que pour eux je sois un frère. Je ne les avais pas vus depuis des années et quand je les avais quittés, ils n'étaient que des enfants. Je me demandai si j'aimais mes frères, ma soeur. Je conclus que je les aimais bien". Alter insiste pour que Pierre, qui a été condamné à un an de prison par contumace, se rende aux autorités. Dès lors, Pierre cesse de revoir son père.

Le 4 décembre 1969, Pierre braque une pharmacie. C'est son premier hold-up. Des 2 500 F du butin, il en donne 500 F à un ami qui veut séduire une femme qu'il aime. Le reste de la somme est dépensé au cours d'une soirée avec trois amis. Pierre envisage de séquestrer Jacques Lacan (célèbre psychanalyste), puis Jean-Edern Hallier, mais abandonne au dernier moment. Le 20 décembre 1969, il braque une usine de haute-couture, et empoche 23 000 F. Le 16 janvier 1970, il dérobe 8 000 F à un trésorier-payeur des allocations familiales.

Le 8 avril 1970, il est arrêté pour le meurtre de deux pharmaciennes, assassinées lors du braquage d'une pharmacie le 19 décembre 1969, boulevard Richard-Lenoir. Pierre a été dénoncé par un de ses amis, dont il ne donnera jamais le nom. Pierre passe cinq ans en détention préventive. Peu de choses sont connues sur ces cinq années que Pierre passe en prison. Lui-même ne s'est guère étendu sur le sujet. Les neuf premiers mois furent purgés suite à sa condamnation par contumace pour insoumission. En prison, Pierre entreprend des études de philosophie et lit Kant et Hegel. Il obtient même une licence en philosophie. Il poursuit également son apprentissage de l'espagnol. Pierre est autorisé à recevoir des visites une fois ces neuf mois passés. C'est Ruth qui viendra en premier. Alter ne viendra que deux ans plus tard, une fois convaincu de l'innocence de son fils.

Après plus de quatre ans et demi de détention préventive, et à l'issue d'un procès particulièrement tronqué, éminemment politique et aux relents antisémites qui n'était pas sans rappeler celui du Capitaine Dreyfus, Pierre Goldman est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Nous sommes alors le 14 décembre 1974. Pierre reçoit, dans les jours qui suivent, des centaines de lettres de soutien. Des pétitions sont signées, des comités de défense s'organisent, des meetings sont tenus. Pierre, par un communiqué publié dans Libération, demande la cessation de ces activités.

En janvier 1975, Pierre reçoit une lettre d'une jeune Antillaise qu'il a connue en décembre 1969, quelques jours avant son arrestation. Il entreprend avec elle une correspondance passionnée, et parallèlement, entame la rédaction de Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France. Le livre sort en octobre 1975. En avril 1976, le procès est rejugé. Lors de la plaidoirie, le 4 mai 1976, l'avocat de Pierre, Maître Kiejman, dira : "Comme chacun, j'ai voulu comprendre pourquoi ce procès me fascine. C'est en raison de la personnalité de Goldman. Certains en ont fait un héros des Possédés de Dostoïevski. Je ne partage pas cette impression. Avec son mélange d'ambition, il est banalement un homme du XXè siècle. Or, nous lui faisons un procès du XVè". Pierre est libéré. Le 20 septembre 1979, il est abattu alors qu'il sort de chez lui, par une organisation d'extrême-droite, "Honneur de la Police", qui revendique le meurtre à l'AFP. Les meurtriers ne seront jamais arrêtés.

Quelques heures plus tard, sa femme, Christiane, donne naissance à leur premier enfant, Manuel.

Le 19 novembre 1988, un groupe d'anciens résistants se retrouvent à Vénissieux près de l'emplacement du camp de concentration. Pour la première fois, une municipalité communiste a décidé d'ériger un mémorial en l'honneur des FTP-MOI, qui comptaient dans leurs rangs le plus important groupe de combattants juifs clandestins. Alter Goldman devait mourir à peine un mois plus tard, à l'âge de 78 ans, quelques semaines à peine après avoir reçu la légion d'Honneur pour son rôle dans la résistance. Jean-Jacques Goldman venait de dédier un de ses concerts, à Lyon, aux anciens camarades de son père.

 

Source : Pierre Goldman : Souvenirs obscurs d'un Juif polonais né en France (Points Actuels, 1975)

 

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