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L'invité de Laurent Boyer
(Europe 1, 10 février 1999)

L'invité de Laurent Boyer
Europe 1, 10 février 1999
Laurent Boyer
Retranscription de Jean-Michel Royer et de Jean-Michel Fontaine

Laurent Boyer : Entre 16 heures et 17 heures, vous allez entendre une interview de Jean-Jacques Goldman réalisée par moi-même mais sachez pour ne pas vous mentir que cette interview a été réalisée, il y a 8 jours en studio en fin d'après-midi à Paris. Donc, vous ne pourrez pas poser de questions à Jean-Jacques Goldman cet après-midi. En attendant, et bien écoutez-le, j'ai essayé de poser des questions pour vous, pour faire le point, parler des Restos du Cœurs, faire le tour des questions avec Jean-Jacques Goldman.

[Il suffira d'un signe - Obispo, Cabrel & Mulder - Enfoirés 98]

Laurent Boyer : Cet après-midi sur Europe 1, juste avant la diffusion des Restos du Coeurs, on va en bavarder tout à l'heure, Jean-Jacques Goldman est avec nous. Avant de commencer avec les Restos du Coeurs, Jean-Jacques, selon des statistiques du Syndicat National des Editions Phonographiqes, en 98, tu as été l'artiste le plus diffusé sur les radios : 16 700 diffusions. Soit le double d'Obispo en 97, plus que Cabrel en 96 qui lui avait bénéficié de 10 000 diffusions. Source : le SNEP évidemment et commenté longuement par Libé en juillet 98. Ça fait quoi de se retrouver, après 20 ans de carrière, comme l'artiste le plus diffusé à chaque fois qu'un album sort. Là, on parle d'En passant. C'est des diffusions sur l'album "En passant", le dernier album solo. Se retrouver une fois de plus comme l'artiste le plus diffusé en radio, peut-être pas le plus vu en télé mais en tout les cas le plus diffusé en radio. Quel sentiment ? Une satisfaction ou bof ?

Jean-Jacques Goldman : Bah, non, ça fait plaisir. On fait ça pour ça. On fait des chansons pour que les gens les entendent, les écoutent. Comme maintenant on sait que la majorité des radios programment en fonction des désirs des gens, ils font des espèces de tests, des sondages, des choses comme ça. Donc ça signifie très probablement que ça plaît au gens. Et bah, moi je trouve cela très satisfaisant, c'est sûr.

Laurent Boyer : C'est vrai que ça marche pour 98. Mais si on avait pris l'année précédente , cela aurait été un peu la même chose mais cette fois-ci avec un Jean-Jacques Goldman auteur ou compositeur. Ça veut dire aussi que ça fonctionne quand tu écris pour les autres. Il y avait eu la même chose avec Céline Dion peu de temps avant. Est- ce qu'il a la même satisfaction quand c'est pour soi parce qu'il y a l'angoisse de l'artiste qui écrit pour lui, que quand on écrit pour une Céline Dion et qu'on fait le carton qu'on sait avec l'album de Céline ?

Jean-Jacques Goldman : C'est à dire pour moi, ça fait plus longtemps que ça dure donc c'est vrai que c'est pas le même plaisir que quand tu es un nouvel artiste par exemple comme Céline, c'était son premier album, enfin c'était pas son premier album mais elle n'était pas si connue que ça ou quand Florent Pagny est revenu ou quand Patricia fait une chanson. C'est vrai que j'éprouve presque plus de plaisir de voir que ça marche : je sais pas pourquoi. Peut-être parce que à chaque fois c'était plus des challenges que quand je sors un album moi.

Laurent Boyer : Quoique, quand tu sors un album, toi, on se souvient que la fois dernière c'était en trio. Par deux fois pour Rouge et Fredericks - Goldman - Jones. Là, tu es revenu tout seul, en passant, comme tu dis. C'est-à-dire glisser quelques chansons histoire de... Avec un album très dépouillé. Il y avait un petit côté flippant quand même comme de remonter sur scène et de se dire je fais 4 Zénith et de finir par en faire 25 ?

Jean-Jacques Goldman : Non pas trop. En fait, la vraie question qui n'en était pas une parce que j'avais pas trop le choix. Est-ce que les gens vont rester fidèles quand je serai dans un groupe ? Enfin, en trio. Mais le fait ensuite de passer du trio et de revenir au fait de chanter tout seul, je savais que les gens resterait fidèles. Je pense que le challenge, enfin, la question, c'était plus dans l'autre sens.

Laurent Boyer : C'est-à-dire ?

Jean-Jacques Goldman : De savoir si les gens qui étaient rester attachés aux albums Gris Clair et Gris Foncé, Non Homologué, allaient me suivre si je partageais l'affiche avec Carole et Michael, ça c'était pas sûr mais le fait de revenir seul après, je savais qu'ils resteraient.

Laurent Boyer : Je parlais de la scène. Il y a cette scène assez surprenante avec une première partie surprenante. On sent que tu avais tout travaillé, tout a été peaufiné pour cette scène. Est-ce que là il y a une angoisse aussi de retrouver le public ? Tu dis qu'au début de ta carrière, tu prenais des cachets, carrément, pour affronter le public, mais que maintenant tu es un plus rassuré. Mais rassuré par quoi ? Tu les connais les gens ?

Jean-Jacques Goldman : D'une part, on connaît mieux le public puis surtout, j'ai 1 000 concerts derrière : ça fait quand même une différence par rapport à la première fois où tu rentres sur scène puis la lumière s'allume et tu sais rien. Tu connais pas les gens et tout ça. Nous maintenant quand on est en concert, il y a des visages familiers qui sont là et puis on a cette expérience là de centaines et de centaines de concerts avant. Je sais mieux comment ça se passe.

[Blondie : Maria]

Laurent Boyer : Quelles relations tu as avec ton public ? Moi, je t'ai vu en concert, tu t'en vas très vite après. Je pense que ou tu as trop donné, ou tu as trop pris, voire les deux. En fait, tu les croises très peu, ce public. Il a peu l'occasion de te voir, de bavarder avec toi, ou à la limite, comme à tes débuts, je me souviens de "Il suffira d'un signe", de faire une séance de dédicaces ou de prendre une photo avec Jean-Jacques Goldman. Maintenant, Jean-Jacques Goldman c'est plus l'icône, qu'on vient voir, avec qui on partage, mais qu'on peut pas toucher. Est-ce que ça c'est un désir d'artiste ?

Jean-Jacques Goldman : Je pense que les conditions de concerts ou d'émissions ne sont pas des bonnes conditions pour rencontrer les gens. C'est sur un statut très particulier. Ce matin, j'ai crevé, avec ma voiture. Je suis allé changer mon pneu. Dans la rue, il y a une fille qui m'a arrêté, qui m'a dit qu'elle m'avait vu en Nouvelle-Calédonie, qui m'a parlé de la Nouvelle-Calédonie. Après, j'ai discuté avec le mec qui m'a changé mon pneu. Après, il y a la secrétaire qui est venue me voir, qui m'a dit qu'elle m'avait vu en concert. A ces moments là, tu peux rencontrer des gens. Parce qu'ils sont dans un rapport, je dirais, sain. Ils sont en train de bosser. Je sais pas comment te dire. Les relations sont beaucoup plus normales. C'est comme si moi je leur parlais de leur travail, eux, ils me parlent du mien. Toute la journée, moi, j'ai des relations avec des gens qui ne sont pas forcément… qui ne m'auraient peut-être pas suivis en bas d'un hôtel, ou à la sortie d'une salle, mais qui apprécient, ou qui n'apprécient pas d'ailleurs… Ceux qui n'apprécient pas, bon, ils ne me parlent pas. Il y en a qui viennent. Toute la journée, quand même, il y a des gens qui viennent nous témoigner de l'attachement qu'ils ont pour notre travail, ou pas, d'ailleurs.

Laurent Boyer : Je pense au public en général. Pour ceux que tu rencontres, évidemment, pour ceux qui t'aiment bien, en plus, c'est une chance parce qu'ils ont la possibilité de bavarder. Là, tu es en train de nous dire que tu es abordable dans ces cas là.

Jean-Jacques Goldman : Dans la vie de tous les jours quoi !

Laurent Boyer : Pour tous les gens qui viennent te voir en concert. Ils viennent te voir en concert, point, ça suffit. Tu n'as pas envie d'aller plus en avant vers ce public. Tu le rencontres peu. Il faut qu'il vienne t'écouter sur disque, ou qu'il vienne te voir en concert. C'est pas ta fonction que d'être plus présent ? C'est sûrement un parti pris, il y a une raison ?

Jean-Jacques Goldman : Non, et ce n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant. Moi, quand je vais voir Mark Knopfler, j'ai envie qu'il joue de la guitare, tu vois, j'ai pas trop envie de boire un verre avec lui. Je sais pas si ça serait passionnant. Moi, ce qui me passionne, chez Mark Knopfler, c'est quand il a fait sa mise en scène, quand il joue tel morceau, quand il a choisi ça, quand il joue. C'est dans son activité qu'il m'intéresse le plus. Ou n'importe quel artiste. J'ai l'impression que c'est plus intéressant de venir me voir sur scène, avec les musiciens, dans le cadre d'un spectacle, que boire un verre, ou discuter. Ce n'est pas passionnant. J'ai l'impression que le meilleur de nous-mêmes, on le donne dans ce qu'on fait.

Laurent Boyer : Est-ce que le fait d'être monté en scène, d'avoir retrouvé la scène, cette fois-ci, il y avait Michael Jones, il n'y avait pas Carole Fredericks, est-ce que tu aimes cette humeur de route ? La tournée de Goldman a été très longue, de par le succès, en plus, tu as remis des dates un peu partout, est-ce que là tu prends un réel plaisir ? Parce qu'on a l'impression que tu es très souvent en studio, et que tu y passes du temps. Ce moment de rencontre où tu vas jouer tes compositions pour un public, est-ce que ça fait partie de l'excitation ? Est-ce que tu étais heureux de partir en tournée ou est-ce que tu es content d'avoir fini, et de te dire, tiens, je vais retourner en studio, je m'occupe des Restos, je prépare mes trucs. Tu es plus toi à ce moment là ou tu t'éclates plus quand tu es sur scène ?

Jean-Jacques Goldman : Je suis super content de partir en tournée, et je suis content quand ça se termine aussi. C'est un moment où tu as vraiment envie de manger de la route, de voir des gens, de jouer live, et tout ça, parce qu'en général, on sort d'un ou deux ans de studio. Une fois que tu as fait 150 concerts comme on a faits, presque un an, tu es content de rentrer chez toi aussi. D'allumer une télé, de voir la famille, des choses simples, comme ça.

Laurent Boyer : Tu vis simplement – moi, je t'ai vu vivre un peu à la montagne – j'ai l'impression que tu partages les choses simplement. Tu n'es pas ennuyé non plus. J'ai l'impression que les gens ne t'agressent pas. Moi, je t'ai vu à la montagne, en famille, pendant des vacances de Noël, et tu vis le truc tranquille.

Jean-Jacques Goldman : Les gens sont super sympa. Ils ne sont pas du tout intrusifs. Pour ce qui me concerne, on me laisse vraiment tout à fait tranquille. Je me balade tranquillement, ils ne sont pas du tout harcelants.

Laurent Boyer : Et tu l'as vécu, pourtant, le côté harcèlement, au début ?

Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire qu'au début, c'était surtout des gamines de 13 à 15 ans, et c'est vrai qu'à ce moment là, on va dire que c'est plus enthousiaste, jusqu'à la déraison. Ça se termine toujours un jour. C'était très bien aussi de vivre ça. Maintenant, je laisse les boys bands, et puis Pascal, et tout ça, prendre ça.

Laurent Boyer : Et tu regardes ça avec quoi ? Tu penses à ce que tu as connu, justement ? Tu pourrais leur dire quoi, à ces boys bands, ou à Obispo ? Vas-y, profites-en, ça arrive, ça passe, puis c'est un moment qu'il faut prendre, c'est comme ça ?

Jean-Jacques Goldman : C'est un moment qui n'est pas donné à tout le monde ! Il y a des gens qui ont fait des carrières extrêmement longues et qui n'ont pas connu ça, cette espèce d'attachement amoureux. Je trouve que c'est vraiment une grâce, et c'est extraordinaire d'avoir vécu ça. D'avoir été aimé par les gamines. Je trouve ça super.

[Elle ne me voit pas]

Laurent Boyer : Jean-Jacques Goldman, tu dis que tu n'as pas rêvé de notoriété, et que maintenant que tu y as goûté, je me rends compte que cela n'a aucun intérêt. Tu n'en as pas rêvé, tu y as goûté, et tu dis que cela n'a aucun intérêt, la notoriété. C'est-à-dire ? Il y a tellement de gens qui en rêvent justement ?

Jean-Jacques Goldman : Ce sont des gens qui ont des problèmes personnels, et qui s'estiment en fonction du regard des autres. Moi, je me suis jamais estimé en fonction du regard des autres. Je n'ai jamais trouvé que j'étais nul quand quelqu'un me descendait dans les critiques, et je n'ai jamais trouvé que j'étais magnifique quand une jeune fille s'évanouissait. Mais je comprends qu'il y a des gens qui soient si peu sûrs d'eux qu'ils aient besoin du regard des autres pour exister, et qui sont complètement abattus après une mauvaise critique. J'en connais beaucoup, des gens comme ça, et qui se trouvent absolument magnifiques quand on scande leur nom. C'est comme ça. Ça n'a jamais été mon cas.

Laurent Boyer : La notoriété ne t'a pas troublé la tête. Enfin, ça t'a jamais pris le choux, à un moment ? Tu ne t'es pas senti autre ? Tu es adoré maintenant, tu as été adulé à un moment ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai jamais eu une telle confiance dans le regard des autres.

Laurent Boyer : Qui ? Quel est le regard… ? En qui tu as confiance, tiens ? Alors ça par contre j'aimerais bien savoir ! Ta femme, tes gosses, ton frère ?

Jean-Jacques Goldman : Plein de gens ! Plein de gens. Pleins de gens. J'ai eu plein d'amis véritables. Plein de gens à qui je donnerais ma carte de crédit, ma femme et ma clé de voiture et d'appartement sans aucun problème. Il y a beaucoup de gens en qui tu peux faire confiance. Beaucoup.

Laurent Boyer : Tu as des amis donc ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, beaucoup.

Laurent Boyer : Tu as des copains ou des amis ? Tu as des amis.

Jean-Jacques Goldman : Oui, je crois. Des vrais amis, oui, oui.

Laurent Boyer : De ce milieu ? Est-ce que tu fréquentes beaucoup ce milieu ? Evidemment, tu écris, tu es sollicité. Tu fréquentes des artistes, des chanteurs, des compositeurs, des auteurs… Est-ce que tu arrives à sortir du milieu ? Est-ce que tu as pu rencontrer des gens ailleurs ? Ou est-ce qu'on se fait des amis dans un, pas dans un microcosme, ça peut être un macrocosme, mais plutôt dans son milieu, de par l'échange, de par la profession ?

Jean-Jacques Goldman : C'est un milieu très large. C'est un milieu qui effectivement, concerne les artistes et les chanteurs eux-mêmes, que je fréquente – il y en a des fréquentables et des pas fréquentables, c'est comme chez les cordonniers !

Laurent Boyer : Des noms, des noms !

Jean-Jacques Goldman : Il y a aussi des musiciens, il y a aussi des techniciens, il y a aussi des journalistes, il y a beaucoup de monde dans ce métier. Et effectivement, c'est ceux-là que je rencontre le plus, comme un boulanger, je suppose, qui voit plus des gens qui vendent de la farine, et puis ceux qui conduisent des trains, il sont plus entre gens de la SNCF. C'est vrai que nous, on est un peu plus dans ce milieu là, parce que je les fréquente quotidiennement. Mais c'est un milieu où on rencontre beaucoup, beaucoup de gens. C'est pas une question de niveau, c'est le fait d'être dans ce métier là.

Laurent Boyer : A brûle pourpoint, si tu arrêtais tout de suite, tu ferais quoi ?

Jean-Jacques Goldman : C'est trop tard maintenant. [rires de Laurent Boyer] D'abord, je serais à la retraite, parce que c'est possible maintenant.

Laurent Boyer : Est-ce que tu en as besoin ?

Jean-Jacques Goldman : Maintenant, je ne travaille plus que pour le plaisir ! C'est un grand privilège…

Laurent Boyer : C'est une liberté incroyable…

Jean-Jacques Goldman : Oui. J'ai beaucoup de chance ! Je m'en rends compte au moins.

Laurent Boyer : Tous les jours tu te rends compte que tu as de la chance ? Tu fais partie des chanceux à ce niveau là, j'entends.

Jean-Jacques Goldman : Enormément, oui.

Laurent Boyer : Tu te le dis, tu le dis aux autres.

Jean-Jacques Goldman : Je me le dis, en tout cas.

Laurent Boyer : Petite question saugrenue : à propos de la techno, tu dis "Je pensais que le rock était là pour toujours, et je crois que ces nouvelles musiques lui donnent un coup de vieux". Qu'est-ce qu'elle t'apporte la techno ? C'est pas forcément ta musique, mais qu'est-ce que tu as senti en écoutant de la techno ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne dis pas que c'est un sentiment personnel ! Je reste avec ma génération, c'est-à-dire le blues, le rock, le folk song, toute la musique qu'on écoutait dans les années 70, qui m'a marqué, et qui me fera toujours vibrer. Je pensais que c'était infini. Et là, je me rends compte qu'il y a de nouvelles musiques, de nouveaux rythmes. Ça, vous le savez, en particulier à la radio. J'ai lu justement hier ou avant-hier des statistiques là-dedans, disant qu'on écoute plus de soul et de rap que de rock et de variété. Jamais j'aurais cru que cette musique, essentiellement de danse, au départ, pourrait faire que le rock devient, un peu comme est devenu le jazz pendant un moment, une musique de vieux, un peu. Mais bon, c'est comme ça.

Laurent Boyer : La musique de danse, on en a parlé une fois tous les deux. Où tu en es ? Je sais qu'un jour, tu vas tous nous planter, parce que tu vas sortir un album de dance, et on ne saura pas que c'est Goldman ! Il va signer, il y aura un pseudo, ou un nom de groupe, je sais pas quoi, Phung Tai, et on saura pas que c'est lui. Tu avances, ou tu n'as pas le temps ?

Jean-Jacques Goldman : Khaled m'a demandé une chanson, je lui ferai sûrement un truc qui peut se danser. J'ai la possibilité de composer pour un certain nombre d'artistes dans ce style là. Mais bon, c'est pas mon style. Je swingue à peu près comme une tartiflette.

Laurent Boyer : Puisqu'on était à la montagne, c'est impérial ! Tu m'as dit que tu avais beaucoup d'admiration pour les gens qui font de la musique de danse. Tu le penses toujours ?

Jean-Jacques Goldman : Ah oui, je trouve ça hyper-émouvant, quand tu es dans un bal, et que tu vois des gens qui se touchent, qui rient, qui s'embrassent, et qu'il y a un musicien qui est là et qui fait tourner tout ça. Je trouve que ça lui donne un pouvoir magnifique. Je te l'avais déjà dit, d'ailleurs, je crois, dans une émission. Je trouve que c'est ce qu'il y a de plus noble dans notre métier.

[Brown New Heavies : You've got a friend]

Laurent Boyer : On a parlé de musique, on a parlé d'à peu près tout. En revanche, à propos de tes propres titres et de ta montée en scène, tu dis que les vrais chanteurs ont un pot incroyable. Toi, il te faut au moins un mois pour retrouver ta voix. Tu ne te considères pas vraiment comme un chanteur. Tu vas en choquer plus d'un, qui te considèrent au contraire comme le meilleur chanteur.

Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire, par chanteur, je veux dire vocaliste.

Laurent Boyer : Poussée, étendu de voix… ?

Jean-Jacques Goldman : Bah, travail, simplement ! Moi, je termine mon dernier concert, je rechante pas jusqu'à la télé d'après, ou le concert d'après, c'est-à-dire que je chante pas régulièrement. Quand tu vois des gens comme Carole Fredericks, ou Céline, ce sont des gens qui chantent tout le temps. Qui s'entraînent tout le temps, comme quelqu'un qui joue au tennis. Ou quelqu'un qui fait du violon. Ça demande un entraînement quotidien, que je ne fais pas, donc évidemment je le paye à un moment, sur scène, en particulier. Pour remonter sur scène et chanter cinq jours sur six, il me faut effectivement plusieurs mois avant que la voix soit musclée, que ça se passe sans douleur.

Laurent Boyer : Dans le même ordre de question tu dis que tu travailles dur pour faire simple. Est-ce que c'est l'art aussi d'une chanson ? Plus elle est dépouillée et plus elle tient piano / voix ou guitare / voix, plus la chanson est forte ? Il n'y a pas besoin de faire beaucoup de bruit autour pour qu'elle porte ? Ce qu'on dit d'une mélodie, en principe. Mais en revanche, il est difficile de faire simple. Tu le ressens ? C'est pour ça que l'album "En passant" est très dépouillé ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. Ça a été un travail. Dès que tu commences à travailler avec un arrangeur, tu as tendance à en mettre des kilos. C'est un travail de faire des choix. Te dire, bon, ça, on va l'enlever, on va plutôt privilégier ça. Ça demande une vraie réflexion. Ceci dit, je ne pense pas que cela soit un système. Je ne crois pas qu'il faille que tout le monde fasse ça. Il y a des titres archi-produits, par exemple, "Relax", de Frankie goes to Hollywood, qui existe par sa complexité, et puis par le fait qu'il y ait eu des centaines d'heureux. Ça dépend du style de musique qu'on fait. Je ne pense pas du tout qu'une chanson guitare / voix, si elle tient comme ça, et tout ce qu'on dit, c'est forcément une bonne chanson. Il y a des chansons de production qui sont de bonnes chansons parce qu'elles sont hyper- produites.

Laurent Boyer : Par rapport aux textes… Tu m'avais glissé à l'oreille un jour que c'était la musique qui supportait tout, le texte était peu important, et que c'était la musique qui emmenait l'affaire.

Jean-Jacques Goldman : Non. Ce que j'ai dit, c'est que ce qui séduisait d'abord, c'était la musique, toujours, mais par contre, c'est le texte qui fait la fidélité. Tu peux être séduit par une chanson, mais si tu te rends compte que le texte est un peu nase, tu en veux au chanteur après d'avoir été séduit comme ça, et abandonné, je dirais. Il me semble que c'est la musique qui fait la séduction, parce que la chanson, c'est ça, c'est la première approche d'une chanson, elle est sensuelle, c'est la voix, elle n'est pas dans la réflexion. Mais par contre, c'est ensuite, à force de chanter la chanson, c'est si le texte tient debout que tu restes fidèle au chanteur. En France, en particulier.

Laurent Boyer : Qui te touche, toi, ici, en ce moment, en France ? Dans ce sens, j'entends. Tu vas faire des malheureux, mais tu vas sûrement faire un ou deux heureux.

Jean-Jacques Goldman : Il y en a beaucoup qui me touchent. Il y en a beaucoup. J'ai écouté des choses du prochain album d'Yves Simon, je trouve ça super, ce que fait Marc Lavoine aussi, j'ai écouté du travail qu'a fait Pascal Obispo avec Patricia Kaas, je trouve ça vraiment intéressant. Il y a plein de choses qui me touchent. Un type comme Lavilliers m'a toujours beaucoup touché dans sa façon d'écrire. Evidemment, Francis, Alain Souchon, Laurent Voulzy, voilà.

Laurent Boyer : Est-ce qu'il y a une famille d'auteurs et de compositeurs ?

Jean-Jacques Goldman : Je crois pas qu'il y ait une famille. Mais en tout cas, il y a une bonne génération. On est une dizaine de chanteurs entre 45 et 50, peut-être 55, et on s'entend vraiment bien.

Laurent Boyer : Alors justement, on va y venir. Les Restos du Coeur. C'est là, sur France 2, à 20 h 50. C'est l'événement de l'année. J'entends qu'on va y retrouver, je ne sais pas combien cette année, peut-être une soixantaine d'artistes sur scène, pour un événement à la hauteur du plateau. Pour aider les autres, tout bêtement. Il semblerait que tu prends un peu les choses en main. Tu n'es pas tout seul, mais tu t'en occupes et tu y passes du temps. Faisant un peu ce métier, j'imagine le temps qu'il faut pour faire répéter tout ça pour en arriver à l'émission de télé. Trouver les chansons, faire répéter les gens, le fait qu'ils soient là, en faire une émission de télé, faire du son, ça doit te prendre un peu d'énergie non ?

Jean-Jacques Goldman : Ça a été beaucoup d'énergie au début, et ça en est de moins en moins. Pourquoi ? Parce que l'équipe, maintenant, a pris beaucoup d'assurance, que ce soit Anne Marcassus pour la production de l'émission, que ce soit Pascal Duchêne qui maintenant a tous les plans, que ce soit Andy [Scott] pour le son, Guy Delacroix pour la direction de l'orchestre, et puis évidemment les éclairagistes qu'on ne voit jamais qui font toujours bien leur travail, Véronique [Colucci] qui s'occupe du fond. Chacun a vraiment son département, mais alors en plus, depuis, moi j'ai eu des apports fondamentaux, j'ai eu Pascal Obispo et Marc Lavoine qui ont été là tout le temps. Ça change le travail en rigolade ! Je suis beaucoup moins sur la brèche, ils m'aident énormément, ils proposent beaucoup de choses, donc maintenant, ce n'est vraiment plus que du plaisir. Il y a quelques années, c'était lourd. J'oublie, évidemment, pour tout ce qui est présentation, Muriel [Robin] à la base, maintenant Bigard qui l'aide beaucoup, les autres qui viennent aussi. Ils prennent tout cela en charge, moi je ne fais plus rien là-dedans.

Laurent Boyer : Les choix ne viennent pas de toi ? On a dit souvent, que le fait de réunir un tel plateau d'artistes – je crois qu'il y en a une soixantaine par émission – étonnamment, on aurait du mal à réunir un plateau comme ça si c'était pas les Restos du Coeur, et d'une – c'est une oeuvre caritative importante, française, Coluche derrière, on sait où ça va, on sait comment c'est traité, donc c'est peut-être pour ça que les artistes participent – et en même temps on dit que s'il n'y avait pas Goldman, ce serait nettement plus difficile. C'est-à-dire que c'est le patron qui convoque, un peu.

Jean-Jacques Goldman : Ah non, pas du tout ! D'abord, je ne m'occupe pas du tout d'appeler, ça c'est Anne [Marcassus] qui s'en charge. A peu près tous les mois, on fait des réunions. A ces réunions participe qui veut ! Je ne suis jamais tout seul. On est cinq ou six comme ça, et on commence à délirer, en disant, bah ouais, ça serait bien de l'avoir. Après, il y a ceux qui peuvent, et ceux qui ne peuvent pas. C'est vrai qu'on est quatre-cinq à faire les choix déterminants de façon à ce que cette émission se tienne, et sur le plan artistique, et surtout sur le plan de l'audience.

Laurent Boyer : C'est important ça, l'audience, quand on fait les Restos du Coeur ? Il faut que les gens voient, que les gens aient envie de participer, d'acheter le disque ? D'envoyer de l'argent ? Donc, l'audience c'est important. On sait que c'est important.

Jean-Jacques Goldman : Ce n'est pas important, c'est fondamental ! C'est notre but. On ne travaille pas pour nous, on travaille pour les Restos du Coeur. On sait très bien quelles sont les règles à la télé. Il faut qu'on fasse de l'audience, sinon, l'émission saute. On ne fait pas une émission artistique. On fait avant tout une émission d'audience, et puis on essaie de la faire artistiquement convenable. Chaque fois qu'on fait un numéro, chaque fois qu'on fait une chanson, on se dit, est-ce que ça, ça va être regardé ou pas. C'est pour ça qu'il y a certains artistes qu'on n'appelle pas, alors qu'on les adore. Peut-être qu'ils font moins d'audience que d'autres, qu'on aime peut-être moins, il faut que ce soit clair, et qui apportent quelque chose à l'émission.

Laurent Boyer : C'est la question que j'allais te poser, parce que c'est la réflexion qu'on fait : je crois que vous avez plus d'une centaine de demandes et il y a soixante places. Il y a un moment où il faut choisir. C'est un collectif qui choisit dans ce cas là ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, avec beaucoup de doutes. Il y a toujours des gens qui sont pour une personne, et puis d'autres qui disent non. Et ça crée des drames, parce que j'ai eu des demandes de gens qui sincèrement voulaient le faire, et puis voilà…

[Khaled : Aïcha]

Laurent Boyer : A propos des Restos du Coeur, cette année, comment cela va-t-il se passer ? Je sais qu'il va y avoir un peu plus de trois heures de spectacle, ça se passera donc le 13, à 20 h 50, sur France 2. C'est un grand spectacle, à l'honneur des Restos du Coeur. Plus de trois heures de spectacle. Comment ça s'organise, au niveau des duos, des associations de chanteurs. Comment tu fais ou comment vous faites ? Raconte.

Jean-Jacques Goldman : On se rend compte à quel point il y a beaucoup de hasard. Nous, on propose des tickets, on propose des chansons, on propose des associations, et puis finalement, chaque artiste décide. Ils disent oui ou non. Ils nous proposent eux-mêmes des choses. Et puis tout à coup, il se passe quelque chose sur une petite idée, par exemple il y avait un medley dont le thème était les bébés. Les chansons n'étaient pas forcément attrayantes, ça se passait comme si comme ça, et puis tout à coup, Marc a eu l'idée de mettre une table. Et puis que les gens viennent autour et parlent comme si c'étaient des vieux potes. C'est arrivé au dernier moment. Et tout à coup, il s'est passé quelque chose sur ce medley. On avait proposé une chanson à voix, "Femmes", à trois chanteuses à voix. On ne savait pas trop ce que cela allait donner. Elles ont répété au dernier moment. Et puis tout à coup, il s'est passé ce soir là quelque chose de magnifique entre Liane Foly, Véronique Sanson et Maurane. Des fois ça se passe, des fois ça se passe pas. Il y a un beau moment aussi avec Dan Ar Braz et un baghad sur une chanson de Souchon, et des percussions un peu africaines, avec un solo africain en plein milieu des cornemuses, de Cumba Gawlo, qui est magnifique. Il y a des moments comme ça.

Laurent Boyer : Ça, ça va être l'émission. Les Restos du Coeur. En télévision. C'est le spectacle de l'année. Si vous aimez la chanson, de toute façon, vous les retrouvez. Plus les reportages, évidemment, consacrés aux Restos du Coeur. Pourquoi la télé t'attire si peu, Jean- Jacques ? On t'y voit très peu. Et pourtant, là tu t'y intéresses. Quand tu fais les Restos du Coeur, forcément, tu travailles avec l'outil télé. On t'y voit peu, tu fais peu d'apparitions. Tu vas probablement faire les Victoires de la Musique, tu es nommé en plus. Mais ce n'est pas un outil qui te convient. Tu préfères la radio.

Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas. Je ne la regarde pas beaucoup. Je ne sais pas trop quoi y faire. Je ne m'y sens pas très très bien, mais je sais qu'il faut en faire, par contre. Je suis sûr que ça fait partie de notre métier, comme la presse, comme la radio. Ce sont les médias. Les médias, c'est ce qui nous met en contact avec les gens.

Laurent Boyer : Tu dis justement, à propos de contact, tu dis que la difficulté à correspondre avec les autres m'a poussé à écrire des chansons. Me mettre en avant ne m'a jamais vraiment attiré. Tu communiques contre toi, contre ta volonté. Tu n'as pas envie, ou tu as du mal à le faire ? Tu as envie, mais tu n'y arrives pas ?

Jean-Jacques Goldman : En général, quand on peint, ou quand on écrit, ou quand on fait des chansons, cela veut dire qu'on a passé beaucoup de temps tout seul, quand même, globalement. Je vois mes copains qui étaient dans les bistros, qui jouaient au flipper, qui avaient des facilités avec les filles, c'est rare qu'ils soient devenus des grands instrumentistes. Ils avaient autre chose à foutre ! Très souvent, au départ, pour se spécialiser comme ça, pour passer du temps à jouer du piano, à jouer de la guitare, il a fallu - c'est aussi par attirance, mais aussi parce que l'on passait beaucoup de temps seul. Il y a beaucoup quand même de difficultés de communication. Ça a été une fenêtre, pour nous, en général. Quand je parle à mes collègues, aussi, on a tous fait un peu ça pour ça. C'est beaucoup de temps à travailler et à rester tout seul, quand même.

Laurent Boyer : Ça reste après, ou ça s'arrange ? Ou on passe du temps avec les autres. Ça permet de communiquer avec les autres aussi.

Jean-Jacques Goldman : Ah oui, ça permet très clairement d'entrer en contact avec les autres. Nous on propose des choses comme ça de façon un peu abstraite, et par ricochet, les gens entrent en contact avec nous.

Laurent Boyer : Jean-Jacques, qu'est-ce que tu fais pour toi, maintenant ? La tournée est terminée, les Restos du Coeur sont là, tu es avant les Victoires de la Musique. Qu'est-ce qui va se passer ? Tu en profites, tu récupères, tu vois ta famille, tu écris pour les autres, tu prends du temps, ou tu continues à être surnuméraire et à être extrêmement demandé et sollicité et à faire tes choix.

Jean-Jacques Goldman : Là, un petit peu. Je vais repartir sur des petites tournées vacances avec les musiciens, juste pour le plaisir, dans l'Océan Indien. C'est Madagascar, la Réunion, l'Île Maurice. Tu vois, c'est pas la mort ! Après on enchaînera sur les Antilles… Sinon, je lis un journal, j'écoute des disques, je vais réparer mes roues, et c'est en faisant ça que des idées de chansons viennent. Il faut vivre normalement.

Laurent Boyer : Est-ce que tu te sens mieux dans tes pompes maintenant qu'à 20 ? Proche de la cinquantaine on va dire…

Jean-Jacques Goldman : Forcément, oui. Mais je regrette de ne plus avoir 20 ans quand même ! Je préférerais être mal dans mes pompes et avoir 20 ans plutôt qu'être bien dans mes pompes à 47.

Laurent Boyer : Il va falloir attendre combien de temps pour avoir un album de Goldman ? Le temps de l'écrire ? Ou tu t'en fous… Contractuellement, tu en as rien à foutre, donc tu sors un disque quand tu as envie de le sortir. C'est un peu ça. Tu l'imagines comment ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne l'imagine pas, pour l'instant. Je n'ai absolument aucune idée. Le rythme, en général, il faut un ou deux ans pour ne rien faire, et puis après, ça revient.

Laurent Boyer : Jean-Jacques Goldman, brièvement. Tu gagnes de l'argent. Le magazine Capital a estimé tes gains à 25 ou 40 millions de francs par an. Qu'est-ce qu'on en fait quand on s'appelle Goldman de cet argent et qu'on vit d'une façon non ostentatoire et très simplement ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne vis pas si simplement que ça ! Je ne me prive de rien. Je te l'ai déjà dit, quelle que soit la somme que tu gagnes, il y a quand même plus de 60 % qui part aux impôts. Et puis c'est très bien comme ça, parce que ça t'évite de réfléchir.

Laurent Boyer : Je ne vais pas te forcer à réfléchir plus. Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Bonne tournée pour les DOM et les TOM.

Jean-Jacques Goldman : Normalement, ça devrait bien se passer. Merci.

[Tout était dit]


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