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J'aurais pu rester dans mon magasin de sport et être heureux
(Télé Moustique 3771)

J'aurais pu rester dans mon magasin de sport et être heureux
Télé Moustique 3771
06 mai 1998 Jean-Luc Cambier

Triple platine chez nous, vendu à un million deux cent mille exemplaires en France, "En passant", album discret et intime, confirme la constante popularité de Jean-Jacques Goldman.

Avant une première volée de concerts depuis longtemps complets il réagit à ses onze dernières chansons.

Sache que je : "Il y a des ombres dans "je t'aime" / Pas que de l'amour, pas que ça".

Jean-Jacques Goldman : C'est la chanson d'un chanteur qui ne veut pas chanter "je t'aime". Je suis "remarquable" par mon très petit nombre de chansons d'amour écrites. On m'a souvent demandé pourquoi cette phrase-là, "je t'aime", me gêne. C'est ma réponse.

Bonne idée : "Des vertiges à prendre, à comprendre et des filles à caresser / J'me suis dit / Bonne idée".

Jean-Jacques Goldman : Il faut prendre le texte au pied de la lettre. Les spaghetti, les mots de Frédéric Dard, Johnny Winter, le public, tout ça me fait penser qu'être né est une bonne idée. Le rugby aussi parce que c'est un sport où chacun a sa place. Il n'y a pas, comme au foot, de possibilité d'exploit. Les gros travaillent pour les petits et vice versa. Une entente parfaite entre eux est absolument nécessaire pour que l'équipe marche. C'est beaucoup plus qu'un sport dans ce sens-là. Mais j'ai oublié aussi beaucoup de choses, comme le café du matin ou la douche après le sport.

Tout était dit : "On ne ment qu'avec des mots (...) mieux vaut de beaucoup se fier aux apparences / aux codes des corps.

Jean-Jacques Goldman : Bien sûr que je suis quelqu'un qui observe beaucoup, mais le thème de la chanson est ailleurs. A mon avis, il faut se fier aux apparences. Contrairement à ce que prétend l'adage j'ai constaté avec le temps que, finalement, les apparences sont assez peu trompeuses.

Quand tu danses : "J'ai fait la liste de ce qu'on ne sera plus (...) mais que deviennent les amoureux perdus ? /Quand tu danses, y songes-tu ?"

Jean-Jacques Goldman : A l'instant du bonheur je ne pense pas forcément au moment où il cessera. Mais je pense ensuite, quand il s'est enfui. J'ai un peu de recul et je me rends compte qu'il y a plusieurs problèmes : le problème de l'amour, le problème de la fuite de l'amour mais également de l'après-amour. Quelle relation instaurer avec quelqu'un qu'on a touché, à qui on a fait l'amour ? Est-ce que "après" c'est rien ? Comment ce serait possible ça ? Est-ce comme un ami ? Tout le monde s'est posé ce genre de questions.

Le coureur : "On m'a mis un numéro sur le dos / Y avait des gens qui criaient, des drapeaux / On courait toujours en rond des clous aux deux pieds pour écorcher la terre / Je la caressais naguère".

Jean-Jacques Goldman : A la télévision je vois le sourire de Gebre Selassié victorieux. On le montre aussi, quinze jours auparavant, dans son village en Ethiopie où il n'y a peut-être pas l'électricité partout, peut-être pas le téléphone. Il s'est mis a courir parce qu'il fallait faire 20 km pour aller à l'école. Et tout à coup, il est devant des millions de téléspectateurs, des caméras ultramodernes, des gars avec les micros. Cette opposition entre sa culture et ce milieu complètement différent tellement artificiel me choque, me surprend, me frappe. Je me dis qu'il pense peut-être à un ami qui n'a jamais pris l'avion, qui garde des chèvres, l'essentiel de son monde mais je ne prends pas du tout parti. Je me dis qu'il a eu de la chance. Quand il revient, il a un téléphone portable, un pantalon que les gens n'ont jamais vu. Il ne fait plus partie de son village mais, d'un autre côté il a vécu des choses que les gens de son village ne vivront jamais.

Juste quelques hommes : "Où plus rien ne frissonne / Plus rien ni personne / Juste quelques hommes".

Jean-Jacques Goldman : C'est une chanson sur le fait que les hommes peuvent être excessifs dans le bien comme dans le mal. Des hommes vont là où on ne peut pas aller. Certains passent leur vie - la référence c'est mère Teresa - à aider, à essuyer des malades. Le courage physique ne me paraît pas si extraordinaire. Un gars qui monte à huit mille mètres en quatre jours c'est très bien, c'est beaucoup pour lui mais ça n'a rien à voir avec les médecins qui vont chez les lépreux. Il en faut, mais moi je n'irais pas.

Nos mains : "Sur une arme les doigts noués / Pour agresser, serrer les poings / Mais nos paumes sont pour aimer".

Jean-Jacques Goldman : Mais un jour si tu n'as rien à foutre, si à la télé le feuilleton ne te plaît pas, regarde tes mains. Sur le dessus, tout est dur. La peau est tannée. Tu as des ongles durs qui peuvent griffer, des articulations pour faire des poings, pour frapper. Si tu retournes ta main, l'intérieur est extrêmement doux, il y a les lignes de la vie, presque des confidences, des choses intimes. Et après, tu te rends compte que quelqu'un qui se présente paume tendue ou poing fermé, ça fait une énorme différence. C'est une image jolie pour une chanson mais ça ne veut pas dire plus que cela. Je n'ai pas besoin de toucher pour croire. Par contre, je préfère un geste à une parole. On a appris à se méfier des paroles.

Natacha : "De mille ans de froid de toundra / De toutes ces Russies qui coulent en toi".

Jean-Jacques Goldman : C'est une référence, venue naturellement, aux origines slaves de mon père. Cette musique qui peut être tzigane est comme le blues de l'Est. Qu'il soit tzigane ou russe, ce blues a des sanglots dans les violons, dans les accordéons. De la même façon qu'à l'Ouest, quelle que soit la forme prise, rhythm'n'blues, blues rural, électrique, des années soixante ou septante, il y a toujours le même ton blues.

Les murailles : "Et j'avais fait des merveilles en bâtissant notre amour / En gardant ton sommeil en montant des murs autour / Mais quand on aime on a tort on est stupide on est sourd".

Jean-Jacques Goldman : C'est le son du clavecin au début qui la fait ressembler un peu à « La vie par procuration » mais sur le plan musical je ne pense pas qu'il y ait une grosse analogie. (Il fredonne). Oui, tu as raison. Il y a un rapport, il n'y a pas que le clavecin. Ce doit être la « touche Goldman ». (Sourire). Ce serait de l'autoflagellation si je ne reconnaissais pas que j'ai un style, une façon d'écrire, d'arranger. Je ne ferai jamais certaines choses au niveau de l'orchestration parce qu'elles ne me touchent pas. Je ne bute pas contre mes limites parce que je ne compose que dans mon style. Je ne pourrais pas écrire une chanson qui devrait être jouée par un grand orchestre. « L'envie » (écrite pour Johnny Hallyday) a été repris par un autre arrangeur et, sur scène, joué avec un philharmonique. C'était pas mal mais la version originale m'allait aussi bien.

On ira : "On n'échappe à rien pas même à ses fuites / Quand on se pose on est mort / Oh j'ai tant obéi, si peu choisi petite / Et le temps perdu me dévore".

Jean-Jacques Goldman : J'écris des chansons, j'en chante mais j'aurais pu rester dans mon magasin de sport et être heureux. Hier, j'ai déjeuné avec Philippe, un très très bon ami qui a repris le magasin et je trouve qu'il a une belle vie même s'il doit fermer à cause d'une grande surface qui s'installe juste à côté, il va changer de vie mais c'est une belle vie qui ne m'aurait pas fait peur. Pas du tout. Et je n'aurais pas été différent parce que ces réflexions qui mènent mes chansons ne datent pas d'aujourd'hui. Elles viennent de l'habitude familiale de discuter, de réfléchir et qui se poursuit encore le samedi midi chez ma mère. Ma soeur médecin, mon frère, producteur de tournée, ma belle-soeur, maintenant nos filles qui sont étudiantes en psycho ou en droit, tous les gens présents discutent, ça n'a rien à voir avec ce que je fais. Là où je ne suis pas le même, c'est par rapport à des expériences que j'ai pu vivre et qui sont très rares comme le détachement possible à l'argent, le fait d'être reconnu partout où je vais, de m'être présenté devant des milliers de personnes et de savoir communiquer avec elles. Ce sont des expériences que tout le monde ne partage pas. Mais elles me sont arrivées tard. J'avais déjà 32 ans, donc je n'ai pas l'impression d'avoir changé fondamentalement.

On ira : "On ne changera pas le monde / Mais il nous changera pas".

Jean-Jacques Goldman : La phrase est piquée, avec son autorisation au roman « Océan » d'Yves Simon. On parle assez peu de mes albums et de ses livres, mais il y a d'autres connivences entre nous. On se laisse quand même lire un peu de notre travail au fur et à mesure. Donc, le héros répond à un prof qui se moque de sa dissertation et lui dit d'une façon très ironique: Et alors monsieur, vous pensez changer le monde ? " II repond: "En tout cas, j'essaierai qu'il ne me change pas" et il sort de la classe. Je ne sais pas si c'est une phrase si profonde que cela. Elle vaut pour ce type qui se casse et qui pense que seules les routes sont belles. Ce gars-là n'est pas forcément moi. Je ne suis pas convaincu qu'on ne changera pas le monde et je ne suis pas convaincu que le monde ne nous changera pas non plus. L'antidote existe. On n'est pas tout seul. Il y a une espèce de courant, de professeurs, de gens normaux qui résistent. Les valeurs négatives et individualistes ne sont absolument pas les valeurs du monde. Il y en a plein d'autres.

En passant : "Déjà ces discrets manques de courage / Tout ce qu'on ne sera jamais, déjà".

Jean-Jacques Goldman : Aller derrière les apparences est une des choses qui m'intéressent. Observer, chercher la faille, le détail, est-ce caractéristique de mes chansons. On y trouve quand même pas mal de contrepieds, comme « Je te donne toutes mes différences » ou « La vie par procuration ». Oui, cela revient souvent, en passant, derrière le maquillage.

II y a une note manuscrite en fin de livret: "Nous flânons donc, De ces flâneries certains tirent des reportages ou des livres des films des chansons (...) d'autres flâneurs s'y arrêtent en passant".

Jean-Jacques Goldman : Ce petit mot en conclusion ou en préface, à chaque fois, Alexis, qui travaille avec moi, me dit: "tu ne crois pas qu'il faudrait faire quelque chose et je m'y colle. Je trouve que c'est bien, comme Ie fait d'écrire quelque chose sur le billet d'entrée des concerts. C'est une attention.

Avez-vous le sentiment qu'il est de votre devoir de faire à chaque fois quelque chose de différent ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai aucun devoir.


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