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La chanson en question
(Voir, 6 novembre 1997)

La chanson en question
Voir, 6 novembre 1997
Fred Hidalgo
Retranscription de Monique Hudlot

La chanson française à l'aube de l'an 2000 Entre gris clair et gris foncé

Jusqu'au début des années 80, la situation de la chanson française, en France, était assez claire - parce que contrastée - avec une chanson conformiste et populiste d'un côté, novatrice et contestataire de l'autre; les médias accompagnant volontiers la première et occultant généralement la seconde, celle-ci vivant et s'épanouissant sur le terrain grâce à un public concerné. Aujourd'hui, si la censure politique n'existe plus, si les clivages ont disparu, si sa création se porte au mieux, les nouveaux talents ont néanmoins toutes les peines du monde à assurer la relève…

Depuis les années 50, la chanson française est passée par toutes les couleurs de la palette, des plus éclatantes et rayonnantes (aux plans de la création ou de la production) jusqu'aux teintes les plus sombres et menaçantes (quant à la diffusion et à la distribution). En 1997, c'est le gris qui domine…

Héritière de la tradition des trouvères et des troubadours du Moyen-Âge, entrée dans l'ère moderne avec l'apparition au début du XIXe siècle du premier auteur-compositeur-interprète connu, Pierre-Jean de Béranger, la chanson française attendra jusqu'à Mireille et Jean Nohain, mais surtout Trenet dans les années 30, influencés par la musique de jazz américaine, pour connaître une dimension nouvelle où le rythme va occuper une place inédite. L'explosion musicale américaine des années 50 va confirmer et accentuer cette évolution, en faisant déferler sur la France au fil des années 60 la vague éphémère mais puissante des yéyés, avec lesquels le mot va perdre de son sens au profit de sa sonorité. À l'anglo-saxonne.

La chanson française de cette fin de siècle, en revanche, revendique fièrement son héritage poétique ancestral sans renoncer pour autant aux apports musicaux d'outre-Atlantique. Elle s'inscrit dans la filiation directe de cette génération d'auteurs-compositeurs-interprètes de la fin des années 70 qui, du fait même de son avènement, rendait définitivement caduque cette querelle revisitée des classiques (les tenants de la rive gauche pure et dure) et des modernes (les yéyés à la vue courte). Ainsi, les années 80 seront-elles celles des Cabrel, Souchon, Bashung, Higelin, Lara, Thiéfaine, Clerc, Sanson, Sheller, Renaud, Couture, Manset, Jonasz, Aubert, Lavilliers et autres Goldman. Les grands noms d'aujourd'hui sont, en somme, tous peu ou prou des enfants de Brel, Brassens, Ferré, Leclerc, Nougaro, Trenet, etc., mais aussi des premiers rockers américains, de Dylan et des Beatles.

En rejetant le manichéisme des années 60, puis en relevant le défi de l'internationalisation dans les années 70, la chanson française entrait, dans les années 80, dans le "Métis Âge". Nourrie de nouveaux apports extérieurs, de nouveaux rythmes et de nouvelles musiques, elle allait prendre des couleurs, et Paris, simultanément, devenir le carrefour incontournable de la sono mondiale. Car la chanson française, ce n'est pas la moindre de ses qualités, a cette faculté de s'inspirer de cultures différentes, d'intégrer des éléments disparates, pour les fondre finalement dans un creuset commun qui n'appartient pourtant qu'à elle.

De Kent, l'ancien rocker de Starshooter renouant avec ses racines qu'il entremêle aux arabesques musicales de l'Orient, à l'Hispano-Français Nilda Fernandez qui vient de publier un album dédié aux Indiens d'Amérique, les années 90 voient le triomphe d'une chanson (indubitablement) française mais ouverte à tous les vents, aux rythmes d'Afrique, aux musiques des Îles, au rap, au raï… Une relève dont la qualité d'inspiration n'a rien à envier à celle de ses aînés, tout en y ajoutant des facultés techniques et musicales qui faisaient parfois défaut à ceux-ci.

Malgré cela, sa situation actuelle, en France, n'est pas des plus florissantes. Si les quotas radiophoniques instaurés le 1er janvier 1996 (40 % au moins de chanson d'expression française) ont permis, à l'exemple québécois, de relancer l'industrie phonographique nationale (les ventes de disques de chanson française dépassent désormais celles des disques étrangers, anglophones pour l'essentiel, d'où une production accrue de premiers albums), c'est en grande partie grâce aux scores importants des Cabrel, Goldman et autres Souchon (plus d'un million d'exemplaires chacun par album).

L'exposition médiatique des jeunes talents, la diffusion radiophonique de leurs chansons reste en effet minoritaire, très en deçà de ce qu'elle devrait normalement être. Et le travail de découverte effectué par la presse écrite (sur plus de mille artistes francophones présentés par Chorus en cinq ans, les deux tiers d'entre eux sont des nouveaux talents…), pour indispensable et irremplaçable qu'il soit, ne saurait suffire à compenser la carence audiovisuelle pour propulser un jeune artiste sur le devant de la scène… Pour un Thomas Fersen, un MC Solaar ou un Arthur H qui passent l'obstacle, combien de Pascal Mathieu, d'Éric Lareine, de Vincent Baguian, de Sinclair, de Véronique Rivière, de Marilis Orionaa, de Daran, de Fabulous Trobadors, de Gildas Arzel ou de Juliette qui demeurent dans l'ombre ?

Hostiles aux quotas, à l'origine, sous prétexte qu'ils feraient baisser l'audience, les radios ont enregistré au contraire une augmentation de leur écoute. L'émergence nécessaire de la relève semble donc passer par un aménagement desdits quotas, qui favorise une diffusion élémentaire des nouveaux talents.

D'ici là, la chanson française des années 90 restera comme une pierre précieuse dans sa gangue, sans pareille dans le filon de la chanson mondiale, dans l'attente d'être exposée au regard de tous. Sans quoi, l'éclaircie qui caractérise le monde du disque depuis quelques années pourrait bien s'avérer un trompe-l'oeil, avant de faire place à une noire dégringolade. Avec toutes les conséquences en chaîne que cela suppose…

Situation paradoxale donc que celle de la chanson française actuelle qui, tel un iceberg dissimulant 90 % de sa masse aux regards, n'a jamais été aussi florissante et ouverte sur le monde que méconnue des siens. "Entre gris clair et gris foncé", dit la chanson. Il suffirait pourtant de peu pour la parer, au vu et au su de tous, des couleurs de l'arc-en-ciel.

Fred Hidalgo

Fondateur du mensuel Paroles et Musique (1980-1990), éditeur d'ouvrages sur la chanson (Cabrel, Nougaro, Renaud, Trenet…), Fred Hidalgo a également créé en 1992 Chorus - les Cahiers de la chanson, publication trimestrielle, parrainée par Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Yves Simon et Alain Souchon, considérée aujourd'hui comme la revue de référence de la chanson francophone. Son numéro actuel (n 21, automne 97), qui consacre sa couverture et un dossier important à Robert Charlebois, est disponible au Québec dans les Maisons de la presse internationale, ou par correspondance: CHORUS, BP 28, 28270 BREZOLLES (site Internet : www.club- internet.fr/chorus/; Courriel: chorus@club-nternet.fr).


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