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Patrick rencontre Jean-Jacques GOLDMAN
(14 - Le Journal (magazine du club de Patrick Bruel))

Patrick rencontre Jean-Jacques GOLDMAN
14 - Le Journal (magazine du club de Patrick Bruel)
mars 93 Propos recueillis par Thierry Klifa

Il y a des choses que l'on ne peut se dire qu'en musique. Quand dans la nuit du 27 Février, juste après l'enregistrement de "Starmania", Jean-Jacques Goldman et Patrick Bruel se sont retrouvés, devant le piano d'un bar privé des Halles, quand dans un même élan ils ont repris chansons d'hier et d'aujourd'hui, entraînant dans leur sillon Muriel Robin, Pierre Palmade, France Gall et les autres... Il se passa alors quelque chose d'extraordinaire, un plaisir innocent plein de fous-rires, et d'enfance. Entre les deux hommes, il y avait de l'amitié, de la considération et de l'humour. Ils étaient heureux, je crois... Deux jours plus tard, dans un club de tennis de la région parisienne, j'installais mon magnétophone indiscret entre eux, et je les écoutais parler - Précis, virulent mais toujours honnête, Jean-Jacques Goldman se prêta au jeu de l'interview. C'était bien. Très bien - TK.

14 le journal - Vous voir tous les deux sur le même générique de "Starmania", chantant en duo. "Monopolis", c'était pour le public une affiche de rêve. On. ressentait, vraiment une notion de fraternité... Une complicité...

Jean-Jacques Goldman - Mais c'est une complicité qui existait, avant, que l'on n'a, pas inventée pour cette soirée. C'était un vrai plaisir qui était partagé des deux cotés. Nous étions contents de chanter ensemble et je crois que nous avons rendu les gens heureux.

14 le journal - Qu'avez-vous ressenti ?

Jean-Jacques Goldman - Mon sentiment est assez mitigé car je ne suis pas un fou de scène... Je suis mieux dans l'ombre de la salle que sous les lumières des projecteurs. Ce n'est pas vraiment de la peur parce que je fais ce métier depuis une dizaine d'années... mais il faut être attentif à tout... En général, c'est au bout de trois ou quatre mois de tournée que je commence à être à l'aise à me lâcher, à prendre vraiment du plaisir. Pour "Starmania", c'est la même chose, je suivais les enchaînements, l'orchestre... Je n'en ai pas profité sur le moment, et cela même si je me suis, rendu compte qu'il se passait quelque chose de fort entre les artistes et le public, entre nous. Je crois que c'est maintenant que vais en mesurer l'importance.

Patrick Bruel - Ce qui m'a toujours un peu frappé, c'est que j'ai l'impression que ta carrière de chanteur est un peu venue par hasard...

Jean-Jacques Goldman - Mais c'est vrai. Je connais ma femme depuis dix-sept ans, et je suis devenu chanteur professionnel à trente-deux ans. Entre-temps, jamais dans nos conversations intimes, jamais au milieu de mes doutes et problèmes professionnels, nous n'avons émis cette hypothèse. Jamais. J'espérais devenir auteur-compositeur, je savais que j'allais y arriver, que j'en avais le talent, qu'un jour je placerais une de mes chansons mais je n'ai jamais parlé d'une éventuelle carrière de chanteur.

Patrick Bruel - Pourtant, auparavant tu avais été chanteur-guitariste du groupe Taï-Phong...

Jean-Jacques Goldman - Oui, comme je l'avais fait auparavant pour d'autres groupes. Mais je n'y croyais pas vraiment et je n'ai jamais quitté mon travail. D'ailleurs le jour où l'on m'a proposé de faire une tournée, je me suis dégonflé. C'était une trop grosse décision. Alors j'ai quitté le groupe, ils ont passé une petite annonce et c'est Michael Jones qui m'a remplacé.

14 le journal - Qu'est-ce qui a provoqué le déclic?

Jean-Jacques Goldman - Je travaillais dans un magasin de sport en banlieue parisienne quand un jour un ancien assistant de chez Barclay - avec qui j'avais été en contact du temps de Taï-Phong - me commande une chanson pour une fille qui passait à la télévision dans un radio crochet. Elle a gagné trois ou quatre semaines de suite et a chaque fois je lui redonnais une nouvelle chanson. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à recevoir des propositions des maisons de disques. Après les choses sont allées assez vite. Cependant, ce n'est qu'en décembre 82 que j'ai quitté mon premier boulot, alors que j'avais déjà sorti "Il suffira d'un signe", "Quand la musique est bonne" et "Comme toi". La nuit, j'étais à la télévision, la journée au magasin... Il a bien fallu que je choisisse. Pourtant jusqu'au bout je n'y ai pas cru !

14 le journal - On vous a beaucoup critiqué à vos débuts. Avec méchanceté et férocité. Qu'est-ce qui, à votre avis, il dérangé le plus les gens ?

Jean-Jacques Goldman - Je pense qu'il y a trois raisons importantes. Tout d'abord, ma voix hyper aiguë est en contradiction totale avec ce qui fait l'essence de la "bonne" chanson française. On ne peut pas imaginer quelqu'un d'intelligent avec cette voix là. Ensuite mon succès qui n'est pas du tout passé par les médias, ce qui les a profondément énervés. Et enfin cette apparence de jeune minet de 17, 18 ans qui plaisait aux filles.

14 le journal - Avez-vous souffert de toutes ces attaques? Avez-vous cru qu'ils allaient avoir votre peau ?

Patrick Bruel - La question qu'il pose n'est pas tout à fait innocente, puisque je me sens beaucoup plus démuni que toi face aux attaques...

Jean-Jacques Goldman - Pour moi, c'est le contraire car je ne sais pas du tout comment réagir face à l'amour des gens. La haine me va très bien. C'est un sentiment que je connais qui ne me fait pas peur, contre lequel je sais lutter. L'amour m'intimide, me désarme. Il y a plus de choses, dans une vie, faites par haine que par amour.

Patrick Bruel - Y a-t-il eu des choses très violentes dans ton passé qui t'ont fait réagir ainsi?

Jean-Jacques Goldman - Non, ce sont des choses qui viennent... Comment dire?... Je suis né en France mais chez moi à table on parlait yiddish. Mes parents ressentaient le danger tout le temps. Partout. A travers une certaine façon de marcher dans la rue, à travers leurs visages qui étaient typés, à travers ces injures qu'ils redoutaient. Quand tu es enfant, tu sens tout ça, tu n'es pas tranquille. C'était les années cinquante alors la guerre n'était pas loin... Ils avaient cette inquiétude dans leur sang. Ce n'est pas tragique mais cela te permet de prendre conscience de certaines choses.

Patrick Bruel - Tu as toujours réussi à te mouvoir dans cette profession sans problème. Tu arrives à rester totalement en dehors du métier sans pour autant te faire détester. Tu parviens à refuser pratiquement toutes les sollicitations sans qu'immédiatement on dise des choses sur toi. A cela qui m'a toujours fasciné, ton frère m'a dit : < Jean-Jacques théorise ses penchants naturels >...

Jean-Jacques Goldman - A chacun sa maladie. Certains veulent séduire, d'autres désirent être considérés intelligents... La mienne, et je n'en suis absolument pas fier, est une envie de ne pas me faire remarquer, quand j'arrive dans une salle, je n'aime pas que l'on me regarde. je n'aime pas le regard des autres sur moi. Je ne peux pas dire que j'en souffre mais je déteste être la vedette d'un endroit. Cela a toujours été comme ça, même à l'école.

Patrick Bruel - Est-ce qu'une partie de ton succès ne vient pas de là justement ? Tu es à l'antithèse des stars strass et paillettes des années 70, tout en étant l'un des premiers à avoir un succès populaire et social...

Jean-Jacques Goldman - Celle qui a fait la jonction, c'est France Gall qui parvenait, tout à la fois, à avoir des chansons avouables et à remplir des salles. Puis il y a eu Renaud... Mais pour te répondre franchement et avec prétention, le succès d'un chanteur vient de sa musique et de ses textes. C'est ça le vrai succès.

14 le journal - Vous n'abordez pas le succès de la même manière. Alors que vous semblez le fuir, Patrick l'affronte...

Jean-Jacques Goldman - (sourire) Mais Patrick en a rêvé de ce succès. Je suis sûr qu'à sept, huit ans, il allait dans les salles de spectacle et il se disait "Un jour je serai là"...

Patrick Bruel - (rire) Exactement mais à sept ans je voulais être joueur de foot... enfin en tout cas quelque chose de public...

Jean-Jacques Goldman - ... Et je ne trouve pas du tout ça honteux. Je suis heureux qu'il ait réussi à faire ce qu'il a toujours souhaité. C'est magnifique d'aller au bout de son rêve.

Patrick Bruel - je ne sais pas si tu te rappelles d'un télégramme que je t'ai envoyé après l'un de tes concerts au Zénith où je te disais "Merci pour ce que tu donnes au public, bravo pour ce qu'il ne te prend pas". C'est vrai qu'il y a un don absolu de toi sur scène mais qu'en même temps tu ne te laisses pas entamer...

Jean-Jacques Goldman - Je suppose que dans ma vie privée, c'est pareil. On me le reproche souvent, on me dit que je ne me laisse pas assez aller, que je ne donne pas assez... Je crois plutôt que c'est une question de nature. Il y a des gens plus expansifs que d'autres alors sur scène c'est pareil.

14 le journal - Il y a autre chose d'important dans votre parcours, c'est votre méfiance vis à vis des médias. Vous êtes l'un des seuls à avoir refusé de faire des émissions comme "Mon Zénith à moi" de Denisot, ou "7/7" d'Anne Sinclair...

Jean-Jacques Goldman - Je fais un métier où tu es obligé de faire de la promotion. Je choisis donc les émissions par intérêt... C'est dégueulasse mais c'est ainsi. Je ne suis donc pas obligé de faire "Mon Zénith à moi" ou "7/7". Je crois que ce n'est pas utile pour ma carrière sur le plan artistique. Et en plus, je n'ai pas de plaisir à y aller. Par contre, j'accepte volontiers de faire un clip et de passer sur des chaînes musicales comme M6 ou MCM. Avant d'aller à la télévision, je me demande si c'est utile sur le plan artistique. Car mes chansons sont la seule chose que j'ai à offrir aux gens.

Patrick Bruel - Ne crains-tu pas que ton engagement pourrait changer certaines choses dans la tête des gens ?

Jean-Jacques Goldman - Si un jour je le sens, je le ferai. Pour l'instant ce que j'ai à dire n'est pas déterminant. Mais s'il faut choisir son camp, je serai là.

14 le journal - Vous vous êtes peu engagé politiquement, avez-vous eu peur d'être prisonnier des politiques?

Jean-Jacques Goldman - Cette notion de danger est méprisable car il y a des choses beaucoup plus importantes que nos petites stratégies d'artiste. Si je ne me suis pas engagé politiquement, c'est que je ne pense pas qu'il y ait d'engagement fondamental actuellement. En douze ans, la société française n'a pas vraiment changé. Ni les communistes, ni le front national ne font 30%, le jour où cela arrivera je n'hésiterai pas à m'engager.

Patrick Bruel - Tu penses qu'il ne faudra réagir qu'à ce moment là ?

Jean-Jacques Goldman - Je crois que l'on agit beaucoup en amont sur le plan culturel en écrivant nos chansons.

Patrick Bruel - Les chansons peuvent-elles changer l'image du monde ?

Jean-Jacques Goldman - Non, mais je pense qu'elle sont de formidables photographies de notre époque. La chanson est un art précis qui permet d'ausculter la société. Les gens s'accrochent à elles de façon passionnée... Ce sont des repères dans nos vies, comme un parfum que tu retrouves après des années.

Patrick Bruel - La question que tout le monde se pose, le prochain album sera-t-il avec Fredericks et Jones ?

Jean-Jacques Goldman - Oui (sourire).

14 le journal - Romain Gary a dit un jour "La vérité meurt jeune". Etes vous d'accord avec ça ?

Jean-Jacques Goldman - J'ai toujours pensé que l'on avait tout dit en quatre ou cinq albums, à part Gainsbourg. L'essentiel est dit en cinquante chansons, même si cela ne nous empêche pas de faire de beaux albums après...

14 le journal - Comment l'enfant que vous étiez, verrait la star que vous êtes devenue.

Jean-Jacques Goldman - Avec un regard incrédule, complètement incrédule, je pense que pour y arriver, il fallait que je sois très très balaise...

(rires)


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