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Radios et télés en concerts
(Le Monde, 17 avril 1989)

Radios et télés en concerts
Le Monde, 17 avril 1989
Jean-Louis André
Retranscription de Monique Hudlot

Quand le sigle de NRJ ou celui de RTL brille au-dessus d'une scène, quand le logo de TF1 ou celui de M6 apparait dans le coin d'un billet, cela signifie tout simplement que la station ou la chaine parraine le spectacle. Un moyen d'affirmer son image de marque auprès de son public.

NRJ avait lancé la mode, avec son défilé de vedettes qui proclamaient toutes, et dans toutes les langues, que la "plus belle des radios" avait définitivement conquis leur coeur. Cette forme de jingle a depuis été reprise un peu partout. Quand on veut séduire par la musique, autant se rendre sur son terrain. Question de marketing ou question de bon sens : une grille, une programmation, une couleur ne suffisent pas s'il n'y a pas, derrière, une image qui se façonne à la source, là où sont les artistes et leur public, c'est-à-dire sur scène. Du coup, Goldman ou Lavilliers portent désormais les couleurs de RTL, Daho, Jeanne Mas ou Mylène Farmer tournent dans toute la France avec NRJ, et le retour de Reggiani à l'Olympia se fera sous l'égide de France-Inter. Les télévisions ont emboité le pas : si vous voyez briller le sigle de TF1 au-dessus d'une scène, si vous apercevez, dans le coin d'un billet, le logo de M6, cela ne signifie pas forcément que le concert passera à l'antenne quelques mois plus tard mais tout simplement que la chaine assure sa communication sous la forme de parrainage de spectacles.

Chacun a de bonnes raisons pour se lancer dans de telles opérations. "Nous sommes la première radio musicale de France, explique Max Guazzini, directeur général de NRJ. Nous nous associons donc aux grands événements musicaux de l'année. Franchement, nous n'avons aucun mal. Notre public correspond exactement à la cible visée par les organisateurs de concerts. C'est donc à nous que l'on propose, en priorité, U2, Springsteen, Prince ou Madonna".

Image de marque

Sur RTL, on parle plutôt d'image de marque à défendre, par l'intermédiaire d'artistes sélectionnés par un comité qui réunit aussi bien des directeurs de programmes que des spécialistes du marketing, et qui choisit, deux fois par an, les grandes opérations de l'année. Mêmes motivations, évidemment sur M6, née dans le souvenir d'une chaine musicale, et soucieuse de proclamer haut et clair qu'elle reste, comme son ainée, tout à fait intégrée dans le milieu.

Parfois, les rapports sont plus inattendus. Qu'est-ce qui a pu pousser la 5, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle n'investit plus guère dans les programmes de variétés, sur la scène de Bruce Springsteen ? "Nous sommes une chaine populaire, nous affirmons par là notre présence sur les grandes manifestations populaires", affirme Marie-France Brière, qui a été l'une des premières, lorsqu'elle était à TF1, à lancer une chaine de télévision dans la course du sponsoring.

Pour France-Inter, ces parrainages, qui n'ont démarré qu'au début de cette année, correspondent à un changement très net de politique, auquel l'arrivée d'Eve Ruggieri n'est bien sûr pas étrangère. "Ces dernières années, constate François Besson, nouvellement chargé des relations de la station avec les maisons de disques, France-Inter avait un peu délaissé son programme musical. Parallèlement, la tradition des opérations spéciales, des podiums Inter s'était progressivement éteinte. Pas question aujourd'hui de revenir à ce type de parrainage. Nous choisissons une forme plus moderne qui passe par des accords de promotion. Pour être efficace, cette stratégie doit être globale : le prochain slogan de France-Inter, qui déclinera plusieurs thèmes, présentera notre activité dans ce domaine".

Une forme moderne de promotion : la formule, peu à peu, se met en place. Les contrats se discutent, intègrent à chaque fois des clauses particulières, dans un domaine où les règles sont encore loin d'être figées. Le principe, pourtant, est constant : les organisateurs de concerts, en accord avec la maison de disques de l'artiste, proposent leur poulain à une télévision et / ou à une radio. Celles-ci obtiennent le droit de s'afficher dans la salle, sur les programmes, sur les billets.

En échange, les sponsors offrent sur leur antenne un certain nombre de spots publicitaires annonçant le concert. "Il y en a en général trois vagues, explique Catherine Régnier, qui dirige les variétés sur M6. La première correspond à l'ouverture des locations ; la seconde fait le forcing une quinzaine de jours avant la date du concert ; la troisième couvre en quelque sorte l'événement. En plus de cette promotion, l'artiste fait également l'objet d'une attention particulière dans la programmation : on lui consacre une émission et un portrait spécial, et chaque fois que le clip passe, il porte une bande-annonce".

Mais, au-delà de ces conditions générales, tout peut être inventé. La 5, par exemple, acquiert en même temps et systématiquement les droits de diffusion des concerts. Les spots de promotion relèvent alors de l'annonce de programme ("Prochainement sur votre antenne…"), et non pas de la simple publicité. Quant aux radios, elles ajoutent des services supplémentaires. La plupart pratiquent en effet des échanges de publicité avec d'autres médias. Elles disposent donc d'un certain quota d'espace dans divers supports écrits. Elles peuvent décider d'offrir cet espace à l'artiste qu'elles parrainent. Quitte à faire figurer, bien en évidence, leur propre logo. Mais attention : fermeté dans les maisons de disques ; on veut un contrôle strict de ce planning dont dépend, en fin de compte, l'image publique de l'artiste. En théorie, et même si chacun montre du doigt son voisin, non sans quelque perfidie, le tout se fait sans échange direct d'argent. "Le temps d'antenne, c'est déjà de l'argent", lance Marie-France Brière. "C'est de l'espace que je retire à la pub", poursuit Max Guazzini. Au reste, qui en verserait à qui ? Dès que la tournée atteint une certaine importance, on ne sait plus très bien où est le demandeur. "J'ai dû me battre pour assurer la présence de M6 au concert de Johnny Clegg, raconte Catherine Régnier. Mais, en revanche, pour Sardou ou Starmania, les avances sont venues des organisateurs".

Pour les têtes d'affiche internationales, la compétition est plus dure, et la venue en France de Michael Jackson a par exemple marqué le début d'une brouille prolongée entre NRJ et RTL. Qui allait couvrir l'événement ? CBS penchait pour NRJ. L'organisateur de la tournée préférait, lui, RTL. Il a fini par l'emporter. Mais voilà : "Alors que les locations pour le concert des Pink Floyd, que nous parrainions, marchaient très bien, les tourneurs avaient du mal à vendre les places pour Michael Jackson, raconte Max Guazzini. Nous nous sommes donc payé le luxe de leur offrir, une semaine avant la date, toute une série de spots radio". "Propos de mauvaise foi, rétorque-t-on à RTL. Les locations ont démarré quand Michael Jackson est arrivé en France et qu'il a créé un véritable mouvement. NRJ n'a fait que prendre le train en marche et profiter du travail de fond que nous avions effectué".

Mariages difficiles

Certaines exclusives, comme le refus de M6 de s'associer à toute manifestation parrainée par NRJ, ne sont sans doute pas étrangères à cette guerre des radios. Pour paraitre fort, chacun en rajoute. Si l'on reste encore relativement modeste sur M6, en avouant que l'on commence à peine à contrôler véritablement la place et la lisibilité du logo de la chaine sur les affiches et les billets, on affirme simultanément, à RTL et à la 5, que l'on n'accepte de travailler avec un autre sponsor (jamais deux radios ou deux télévisions ensemble...) qu'à la condition d'occuper la première place… Certains mariages doivent du coup être particulièrement difficiles. Même France-Inter n'échappe pas à ces préoccupations : la station évite, par exemple, de s'associer avec une autre radio du groupe Radio-France ; les objectifs recherchés, l'image à dégager ne sont pas forcément les mêmes pour France-Culture que pour Inter…

En province, les problèmes se compliquent encore : que faire, lorsque Jean-Jacques Goldman, lié depuis ses débuts à RTL, donne un concert à Toulouse ou dans le sud-est de la France, là où précisément la station compte très peu d'auditeurs ? Il faut bien, dans ces cas-là, fermer les yeux, et faire gagner quelques places aux auditeurs de la radio privée locale…

Les conséquences de ce système qui peu à peu gagne l'ensemble des tournées sont encore difficiles à repérer. Bien sûr, chacun se défend de laisser sa politique de promotion influencer sa programmation. Mais tout le monde reconnait, d'un autre côté, que, les semaines décisives, il faut bien un peu forcer sur l'artiste, histoire de mobiliser les auditeurs. Les plus astucieux s'en tirent en rappelant que les vedettes qu'ils choisissent sont déjà en "play list" chez eux. Plus dangereux encore : le silence sur les concerts marqués par les concurrents. "A la télévision, plaisante Henri de Bodinat, PDG de CBS France, ce n'est pas vraiment un problème : comme de toute façon aucune chaine généraliste ne peut traiter de l'actualité des concerts, autant vaut-il obtenir quelques annonces sur une chaine associée…"

Mais, surtout, ce parrainage représente, une fois de plus, une prime aux meilleurs, aux vedettes déjà confirmées. Daniel Martig, à la tête d'Artistic Partners, qui produit des artistes "marginaux" comme Bernard Lavilliers ou le récent spectacle de l'American Indian Dance Theater s'en inquiète : "Pour avoir le soutien d'une radio, il faut entrer dans sa programmation. Pour entrer dans sa programmation, il faut la plupart du temps être classé au Top 50. Pour entrer au Top 50, il faut un soutien populaire. Mais comment gagner ce soutien, sans faire des tournées ? En fait, la situation est en train de se bloquer, un peu comme si le milieu fonctionnait en circuit fermé. Il est devenu pratiquement impossible d'imposer quelqu'un par des voies parallèles". Danger, donc, dès que se rapprochent d'une manière ou d'une autre les producteurs et les diffuseurs. Les maisons de disques organisent déjà la réplique, et font le chemin en sens inverse. Pour la sortie de compilations, elles ont déjà proposé de parrainer à leur tour des émissions à thème qui mettent en valeur leur produit. Mais la pratique a ses limites : "Ce que nous vendons, rappelle Henri de Bodinat, ce sont d'abord nos artistes. Nous n'avons pas à communiquer sur le label et peu importe, au fond, si le public connait CBS. "Le développement du disque compact vidéo va encore bouleverser ces données: avec ou sans le soutien technique des télévisions, il faudra bien, en effet, filmer les concerts. Puis les vendre au public. Et pourquoi pas, même, aux chaines de télévision ? Le parrainage aura alors laissé la place à ce qu'il tente pour l'instant de dissimuler : une affaire d'argent.


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