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L'invité du mois
(Graffiti, mai 1987)

L'invité du mois
Graffiti, mai 1987

Ex-vendeur de pompes, reconverti dans l'art de fabriquer des tubes, Goldman, le super chanteur des années 80 “non homologué” au répertoire des “grands de la variété” se présente tout à fait “conforme” au portrait qu'on imagine. Looser, “transparent”, le générateur d'indifférence, “banal en tout genre” a su prendre son ticket pour la notoriété version “cartes jeunes”.

Goldman, l'homme grand public, Jean-Jacques le citoyen privé hautement “confidentiel”, deux visages à la fois, confondus et parallèles.

On ne prête qu'aux riches, mais lui, le monsieur tout le monde de conviction n'entend guère épouser les traits de la star qu'il est devenu !

“Comme avant” pourrait être sa devise ! “Comme toi”, son public tel est son leitmotiv...

Pas du style “Etat d'urgence”. Non branché sur les signes extérieurs de déglingue, Jean-Jacques, le chroniqueur musical d'aujourd'hui, appartient à une race en voie de création, celle qu'il a baptisée lui même : “armée de simples gens”. En rupture de stock discographique, Goldman est entré en écriture, il compose, enregistre, voyage, peaufine... La sortie de son album est prévue pour octobre, mais peut- être qu'en juin, le “tuboman” nous proposera sous la forme d'un 45 tours, l'ébauche de cette nouvelle cuvée qui n'est d'après lui “ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre”...

Jeudi 7 mai

Rendez-vous 15 h studio Top Model. A l'heure, pas rasé, avec des fringues de rechange, escorté de sa guitare, il débarque pour remplir ses obligations plus “amicales” que promotionnelles... “Il y avait quelque chose dans l'air” cet après-midi là, “un je ne sais quoi” ressemblant à de la complicité ! Drôle, pas coincé, jouant le jeu des photos et d'un questions-réponses particulièrement “lourd de conséquences”, Jean-Jacques dans la joie, la bonne humeur, nous a encore plus convaincus que d'habitude... Il parle... alors laissons s'exprimer celui qui n'a rien à dire, ça c'est lui qui le revendique...

Ton livre de chevet : “Martin Eden de Jack London. C'est un thème un peu bateau, mais qui marche à tous les coups chez moi, ce mec qui s'en sort, tout ça. Cela dit, je ne l'ai pas relu car ce n'est pas comme les “pensées” de Montaigne, le bouquin sur lequel on peut revenir souvent”.

Ton disque phare : “Spencer Davis Group” (le Best-of). Là, il y a tout ce que j'aime. C'est sorti dans les années 65 à peu près, il y a “Give me some loving”, “l'm a man”, les versions blues de “Nobody loves you”, “When a man love a woman”.

Ton concert choc : “Le meilleur spectacle que j'ai vu, je crois que c'est vraiment Dire Straits, il y a un an ou deux. Il y avait vraiment tout au niveau de la construction de deux heures de scène, avec le démarrage, le choix et l'enchaînement des morceaux, les montées, les descentes, les intensités, l'humour, enfin de temps en temps parce que ce n'est pas un groupe foncièrement marrant, les visuels, les lumières tout ça. C'est véritablement un spectacle qui m'a mis par terre, il y en a d'autres, pleins d'autres..”.

Ton émission T.V. préférée : “Celle que je regarde systématiquement ? Télé-foot le dimanche à midi et même quand je ne suis pas là, je la “magnétoscope”.

Ton film révélation : “Celui qui m'a le plus impressionné, c'est un film que j'aimerais revoir si j'arrive à le trouver en cassette, parce que ça doit être faux. Mais je m'en rappelle, j'étais sorti, dans un état second, c'est un film en noir et blanc. “The last picture show”. Ça m'a bouleversé, il n'y a pas d'histoire, et l'image que j'ai gardée, c'est surtout celle d'une porte qui claque avec du vent, à travers un climat complètement désespérant où prédominent des personnages très attachants.

J'aimerais le revoir parce que je me demande si c'est dû au film lui- même ou plutôt à l'état dans lequel j'étais à l'époque, peut-être est- ce dû aussi à la rencontre des deux. En tout cas, ce film m'a marqué.

Sinon, cette année, j'ai vachement aimé “Le nom de la rose”, évidemment et puis “Le déclin de l'empire Américain”.

Ton clip référence : “Tennessee”, il est bien fait et en plus il sert bien la chanson. Il y a une petite histoire dedans. Celui que j'ai le plus regardé, c'est le clip de Kate Bush “Les hauts de Hurlevent”, où elle bougeait formidablement dessus”.

Actualités - les “crackings”

Les derniers disques achetés : “L'album de France Gall parce que je ne l'avais pas encore reçu. Elle me l'a envoyé mais je l'ai acheté en cassette pour l'écouter dans ma voiture et après l'interview j'irai acheter le titre que je viens d'entendre, de Gérard Blanc qui s'appelle “Une autre histoire”. Ça m'arrive très rarement de craquer instantanément sur une chanson, les dernières en date, c'était “Magie Noire” de Philippe Russo, et “Mourir les sirènes” du groupe Canada”.

Le dernier bouquin : “Le Parfum” de Patrick Suskind que j'ai lu pendant mes vacances. C'est une histoire vraiment extraordinaire. Ça se passe au Moyen-Âge et ça raconte l'itinéraire d'un type qui est un génie des odeurs, et qui ne vit que par elles. Il devient donc un faiseur d'odeurs chez un parfumeur, c'est-à-dire que quand il sent quelque chose, il a le pouvoir, le don, de disséquer, de recréer l'odeur en question. Obsédé, il le devient, et ça bouleverse totalement ses rapports avec les autres. En plus la fin est vraiment délirante”.

Les chroniques lues en premier dans les journaux : “En général, je commence par la fin, la page des sports, les feuillets artistiques, les faits divers puis les papiers politiques. Je lis la presse quotidienne toutes tendances confondues. Par contre au niveau des hebdos, j'ai choisi le Point qui n'est pas un canard passionnant mais à qui on peut faire confiance. Parce que dans le “Nouvel Obs” ou “L'Événement du Jeudi”, dès qu'ils se mettent à parler “Sports” ou “Musiques”, deux des domaines que je connais bien, je m'aperçois qu'ils croulent sous des propos inventés. C'est n'importe quoi !”

Questionnaire proustien

Que représente pour toi le comble de la misère ? “Ce que je me dis, c'est que, comme les Éthiopiens enfermés dans des camps ne se suicident pas et que Dalida, elle l'a fait, ça revient à penser qu'elle était dans un état de misère supérieure à des gens qui crèvent de faim. Alors peut-être que le comble de la misère, c'est cette solitude, cette envie de ne plus vivre..”.

Quel est le personnage historique que tu aurais aimé être ? “Je ne vois pas. Parfois, je me dis, j'aurais bien aimé être un musicien, par exemple vivre comme vivent mes musiciens. Je les envie, c'est-à-dire, bénéficier de temps en temps d'une parcelle de gloire, tout en ayant la possibilité de pouvoir redevenir anonymes. Je trouve qu'eux mènent une existence idéale. Ils peuvent être des stars dès qu'ils sortent de scène, goûter à ce plaisir, et puis rentrer chez eux, incognito. En plus, ils gagnent très bien leur vie, ils sont à l'abri du besoin aussi, bon c'est vrai qu'ils ne jouent pas toujours la musique qu'ils aiment. Non en fait, le mieux est d'être membre d'un groupe connu, être par exemple le bassiste de “Talking Heads” ou le batteur de “U2”. Qui les connait ?”.

Quel est ton rêve ? “Je ne sais pas, rien de spécial, on passe !”

Quelle est la qualité que tu préfères chez une femme ? “Je ne peux pas répondre à ça ! Graffiti, c'est la presse jeunes [rires] !”

Et la qualité que tu recherches chez un homme ? “En fait, c'est la même réponse, ce que j'aime bien chez les gens en général, parce que chez les femmes, il y a le côté... hein ! bon... ! C'est d'avoir affaire à des personnes qui existent, qui ont une personnalité à eux, et qui ne vont pas réagir en fonction de moi, mais par rapport à leurs points de vue propres, personnalisés”.

Comment aimerais-tu mourir ? “Serein, en ayant l'impression que c'est bouclé un peu comme Romain Gary, par exemple, lui a choisi de mourir, il a dit “Merci, je me suis bien amusé”, au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable, c'est ce qu'il avait déclaré, je crois”.

La mort est-ce une fin ? “Ou un commencement, et Dieu dans tout ça ? J'avoue ne pas être compétent pour pouvoir répondre à ce genre de questions”. [rires]

Voyage au bout des mots

La solitude : “Ça n'évoque rien de spécialement négatif. Je suis dans une situation actuellement où je n'ai pas à avoir la démarche d'aller vers les autres. A la limite, je la recherche, c'est un besoin, peut- être même que c'est une des choses qui me soit devenue absolument indispensable. Certains éprouvent le besoin de boire, moi ce sont des instants de solitude dont j'ai envie. A 15 ou 18 ans, j'ai ressenti, c'est vrai la sensation d'être seul au milieu de tas de gens, parce que j'étais incompris, que personne ne s'intéressait à moi ou pas bien, en tant que chanteur, tu as une position particulière, très spéciale, car dès que tu arrives quelque part tu deviens aussitôt le centre d'intérêt. Au niveau de la solitude sur scène, je ne le vis pas car il y a du monde dans la salle [rires] et j'ai l'impression qu'on y va ensemble. Tu sais, je n'ai pas demandé aux gens de venir, à la limite, c'est le public, qui lui m'a invité à faire de la scène. Je le fais dans cet esprit-là, le jour où ils ne voudront plus que je vienne, je n'irai pas”.

L'argent : “J'en gagnais avant, vois-tu, j'ai toujours relativement bien gagné ma vie. J'en perçois plus mais ça n'a rien bouleversé fondamentalement. En tout cas, ça n'a jamais été une motivation, au niveau de la musique, puisque je jouais par hobby. Par rapport à mon travail, ça l'a été dans la mesure où j'ai toujours fait en sorte d'exercer un boulot rentable. L'argent, oui c'est important, d'ailleurs je m'en sers, j'en use, et j'en abuse même. Aux Etats-Unis, le pouvoir de l'argent a des effets presque risibles, un type là-bas qui change de place et de revenus, il déménage pour habiter dans un autre quartier, il change de voiture, d'amis, c'est hallucinant à quel point c'est serré et quand il perd son emploi, alors il rechange de quartier, de maison, de voiture, d'amis... C'est vraiment très, très net, tandis qu'en France, il y a par exemple des chanteurs qui gagnent beaucoup de fric et qui ne sont pas reçus obligatoirement dans des endroits un peu fermés, alors qu'il y en a d'autres qui ne représentent absolument rien au niveau commercial et qui sont admis et respectés par tout le monde, regarde un mec comme Godard, lui, ne remplit pas forcément les salles, pourtant il a ses entrées probablement partout, il est estimé et puis il y a ceux qui font des gros cartons et recherchent terriblement une respectabilité. En France, je crois que l'argent ne fait pas tout. Moi,l'argent m'a permis de m'offrir les choses dont j'avais envie. Pour partir en tournée, on s'est offert la plus grosse voiture possible pour des raisons de sécurité. Ou sinon, rouler dans Paris au volant d'une Roll's Royce, ce n'est pas vraiment mon truc. Et puis dernièrement je suis parti en vacances avec toute ma famille, plus la nurse, dans des palaces pendant 15 jours et vois-tu, ça coûte beaucoup plus cher que n'importe quelle bagnole. Ou alors, quand il n'existait pas de ligne directe pour aller quelque part, je louais carrément un avion, histoire de ne pas perdre six heures. Idem, pour la dernière tournée qu'on a effectuée en avion parce que ça nous gonflait de faire du car en plein soleil. Par contre, je ne couvre pas mes amis de cadeaux, car l'idée de faire les grands magasins, ça me gonfle”.

L'amour : “J'avoue ne pas être très compétent dans ce domaine-là [rires]. Je suppose que l'amour en tant que concept, je ne sais pas très bien ce que cela veut dire et ce que cela représente. Je crois qu'il y a des moments, des périodes... J'ai l'impression que le fait d'aimer l'amour est plus important que la personne qu'on aime. Quand tu as besoin ou envie d'aimer, à la limite, tu peux aimer presque n'importe qui. Il suffit que la personne arrive au moment opportun. Alors que si c'est le contraire, la femme de ta vie peut passer, eh bien, tu ne la verras pas”.

La vérité : “Elle est souvent difficile, mais comme le mensonge est à mes yeux, plus redoutable, j'ai choisi de dire la vérité. Dans mes rapports avec les autres, j'essaie de simplifier le plus possible les choses, donc je m'explique. Ce n'est pas toujours facile, mais bon quelque part, ça purifie ta relation avec autrui”.

L'amitié : “Elle a besoin d'être perpétuellement nourrie d'un vécu identique et de points communs. L'éloignement par exemple, tue forcément les liens amicaux, du moins, pour moi, ça s'est toujours passé ainsi. Imagine, ton ami d'enfance, déménager, lui se retrouve à Auxerre, tandis que toi tu restes à Laval, eh bien, par la force des choses, tu le perdras de vue”.

L'envie : “Elle baisse en ce moment, disons qu'il m'a manqué six mois d'arrêt que j'ai consacré pas mal à l'album d'Hallyday et je crois que le temps m'a manqué”.

L'habitude : “Ça me terrifie, finalement par contre, je suis tout à fait capable de vivre de façon banale pendant un certain temps à la manière d'un employé de bureau, tu sais, pendant 7 ans, j'ai partagé les horaires de la plupart des gens, je vendais des pompes et à 20 h le soir, je rentrais à la maison... Oui, mais à 20 h 15, je partais répéter. Donc en étant honnête, je n'ai jamais mené la vie typique du salarié moyen. En définitive, la différence qu'il y a entre la vie d'un employé et celle que j'ai eue, ce sont les perspectives. Quand tu te retrouves face à quelqu'un qui rentre dans une banque en pensant que dans 35 ans, il aura droit à la retraite, avec à la clé tant de points et que tel est le but de sa vie. La différence elle, réside là. Car le mec qui vend des pompes, il écrit aussi des chansons en se disant que peut-être un jour, il serrera la main à Bob Dylan”.

Chanteur des années 80 ? “Vois-tu, ça se situe juste en termes du succès et de vente, des goûts du moment. Ce sont les gens qui m'ont choisi, ce n'est pas moi qui ai décidé qu'ils m'aiment ! Il se trouve que par mon passé musical, à travers le style de mots que j'emploie, je suis en phase avec ce que le public a envie d'entendre. Bon c'est une chance et non pas une démarche”.

Le public : “Est-ce qu'on compose pour le public, je ne le crois pas ! Je peux jouer deux heures, deux jours, deux semaines au piano sans rien trouver et tout à coup, il y un truc qui me séduit. On compose et on écrit vraiment par rapport à soi, et en fonction de sa sensibilité propre”.

Interview

Graffiti : Tu passes le plus clair de ton temps actuel en studio, une phase créative que tu apprécies, n'est-ce pas ?

Jean-Jacques Goldman : C'est vrai. Je préfère d'ailleurs le studio à la scène, parce qu'on a le droit à l'erreur. Si un morceau ne nous plaît pas, au moins, on peut le retravailler tandis que sur scène, si tu dis une connerie, elle est dite, et puis en studio, je ne suis pas stressé.

Graffiti : Tu ponds et tu jettes un peu, beaucoup, à la folie, ou pas du tout ?

Jean-Jacques Goldman : Il y a des titres loupés, évidemment, mais comme je démarre sur 13 titres, je peux me permettre d'en laisser 2 ou 3 tomber. Ce qui se passe plus généralement concerne les morceaux sur lesquels on comptait beaucoup, et qui à l'arrivée se plantent. Par exemple, sur le dernier album, il y avait un titre, “Bienvenue sur mon boulevard” que je voulais même sortir en premier simple et qui est passé complètement inaperçu sur le 30. Je pense qu'il y a eu des problèmes de tonalité, de voix trop aiguë.

Graffiti : En studio, es-tu du genre à tout faire ou bien délègues-tu tes pouvoirs ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne suis pas du tout technicien. D'abord je n'aime pas manipuler des boutons, en plus, ça ne m'intéresse pas du tout. Alors j'arrive avec les maquettes que j'ai réalisées et je m'en remets aux techniciens pour traduire tout ça.

Graffiti : As-tu fait appel à des “musts” comme pour les albums précédents ?

Jean-Jacques Goldman : Quand le morceau a vraiment besoin de quelque chose d'exceptionnel, alors là, oui, je fais appel aux meilleurs.

Graffiti : Pour la scène, tu établis ta sélection en fonction de critères “feelingtiques” ?

Jean-Jacques Goldman : Mais ce sont les meilleurs aussi, dans leur catégorie, dans la mesure où sur scène, les qualités humaines sont primordiales.

Graffiti : Alors ton emploi du temps musical, quel est-il ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai commencé en décembre mon nouvel album et je pense le terminer en octobre de cette année. Comment ça se passe ? Eh bien, je travaille un mois chez moi, puis je rentre pendant 10 jours en studio et ainsi de suite.

Graffiti : La cuvée sera-t-elle très nouvelle ?

Jean-Jacques Goldman : Elle ne sera pas très différente des précédentes.

Graffiti : Inspiré, l'as-tu été ?

Jean-Jacques Goldman : Relativement, je n'ai pas ressenti de problèmes majeurs.

Graffiti : Y aura-t-il ou non un 45 tours pour l'été ? Car un été sans Goldman, ça risque de désarmer bien des programmateurs ! [rires]

Jean-Jacques Goldman : Ce n'est pas impossible, la maison de disques n'est pas contre, effectivement.

Graffiti : Synchro, reposé, tu sembles t'être “retrouvé de vue” ?

Jean-Jacques Goldman : Je regrette que cette période ne dure pas plus longtemps. J'aurais aimé avoir six mois à ne rien faire, de repos total.

Graffiti : “Non conforme”, “Non homologué”, l'es-tu vraiment ?

Jean-Jacques Goldman : “Non conforme” ça voudrait dire que je me ressens très différent des autres et ça je ne l'ai jamais revendiqué ! “Non homologué” par contre, c'est vrai parce que ça ne dépend pas de moi, mais des autres. On ne peut pas nier que les gens dits intelligents, qui s'expriment sur la chanson, m'ont tous plus ou moins craché dessus pendant très longtemps, même si maintenant, Il y a une récupération un peu a posteriori de certains, c'est sûr que tous ceux qui parlaient de la chanson en lettres majuscules ne m'ont pas homologué.

Graffiti : Toujours envie de choisir pour cibles les intellocrates ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne considère pas que les critiques musicales soient des intellos, dans la mesure où les intellectuels sont des gens qui réfléchissent et qui possèdent de nombreuses connaissances. Non je m'insurge contre le manque de conscience professionnelle de certains journalistes pris en flagrant délit d'informations fausses. Notamment, le mec de l'AFP qui citait trois titres de chansons que je n'ai pas chantés au Zénith ou encore lorsqu'on affirme que dans la salle, il n'y avait que des douze, treize ans.

Qu'on me trouve mauvais, je suis d'accord, mais qu'on ne vienne pas sur place constater, ça me parait grave. En tant que chanteur, on mérite au moins ça...

Graffiti : Le succès dérange en France ! Il est générateur de jalousie, n'est-ce pas ?

Jean-Jacques Goldman : Il y en a qui s'en sortent bien. Au niveau de la presse rock, ça c'est sûr que pour eux, le succès est incompatible avec le talent, mais cette presse là a quasiment perdu son pouvoir, et les jeunes d'aujourd'hui ne s'y réfèrent plus du tout.

Graffiti : Image, as-tu envie de casser ce miroir fort sage ? Te verra-t-on un jour avec des cheveux verts et rouges, histoire de manifester publiquement ton humour ?

Jean-Jacques Goldman : Mais tu sais, je ne suis pas un mec très drôle et puis tu parles d'images comme si forcément cela correspondait à un autre calcul ! Est-ce si compliqué que cela d'admettre qu'un chanteur ne fonctionne pas obligatoirement par rapport à une image ? Pourquoi toujours chercher des arrière-pensées, des seconds degrés ! Je ne suis pas un joyeux drille, c'est vrai mais j'ai des tas de copains qui sont comme moi.

Graffiti : Et l'acteur que Bernard Schmitt voit en toi, il dévorera l'écran, quand, où et comment ?

Jean-Jacques Goldman : Quand le film de Bernard Schmitt se fera mais pour le moment il n'en est pas question.

Graffiti : Croules-tu sous les propositions pelliculaires ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai reçu des scénarios de gens connus, de films qui sont sortis d'ailleurs mais je ne les ai même pas lus, car je n'ai vraiment pas le temps ni l'envie de faire un autre métier que la chanson.

Graffiti : De quels films et de quels rôles s'agissaient-ils ? 37°2, Jean de Florette ?!

Jean-Jacques Goldman : Tu rigoles, imagine-moi une seconde torse nu à la place d'Anglade...

Graffiti : Pourquoi, tu es pudique ?

Jean-Jacques Goldman : Non, mais j'ai des osselets en guise d'épaules. Je ne suis pas bâti pour.

Graffiti : Pourtant je t'avais baptisé le Stallone de la chanson !

Jean-Jacques Goldman : Qui, moi [éclats de rire] ? Je serais plutôt le Woodie Wood Pecker de la musculation.

Graffiti : Et tes fans, comment vont-elles ? Tes biceps ne leur manquent pas trop ?

Jean-Jacques Goldman : Elles sont gentilles,elles me laissent tranquilles.

Graffiti : Toujours pas de Fan-Club ?

Jean-Jacques Goldman : Non, car ça impliquerait des choses que je n'ai pas envie de faire, notamment de sortir tous les 3 ou 6 mois, un bulletin avec un compte rendu de ce que je ou de ce que je ne vais pas faire, des projets. Ça se nourrit un Fan-Club et ça ne me dit rien de répondre à ce genre de questions. Ils peuvent trouver sur les marchés les briquets, les T Shirts à mon nom, des gens s'occupent de ça sans me demander mon avis.

Graffiti : La Goldmanophilie existe, tu ne peux pas le nier !

Jean-Jacques Goldman : Elle concerne toutes les personnes publiques. Il suffit pour cela de passer à la télé ou d'avoir du succès pour susciter les excès. Je suppose que Marie-Laure Augry ou le gars de la météo eux aussi, ont des fans. Il y a des gens qui sont prêts à aimer tout ce qui bouge. Je vais te répéter un truc que j'ai raconté souvent : “Jusqu'à l'âge de 30 ans, j'ai vendu des pompes et je peux t'assurer que jamais personne ne s'est évanoui pendant que je lui essayais les chaussures.

Graffiti : Elles n'ont jamais craqué ?

Jean-Jacques Goldman : Non, vraiment, jamais, elles ne m'ont pas remarqué le moins du monde.

Graffiti : Tu devrais donc remercier le succès, la notoriété ?

Jean-Jacques Goldman : Mais justement, quand on m'aborde, j'ai souvent l'impression que ce n'est pas à mol qu'ils parlent mais au mec qui a du succès. J'ai vécu longtemps auprès des gens, une vie normale et j'ai constaté l'effet que je leur faisais ou plutôt l'absence totale d'effets.

Graffiti : Une des raisons du titre “Tout mais pas l'indifférence !”

Jean-Jacques Goldman : Tout à fait. Dernièrement j'ai fait une émission sur RTL avec Evelyne Pagés, elle a téléphoné à tous mes anciens profs, et aucun ne se souvenait de moi. Ils répondaient “Oui, je crois l'avoir aperçu dans ma classe, on m'a dit que, des anciens élèves me l'ont dit” mais aucun n'avait le moindre souvenir de mon passage dans leur cours !”

Graffiti : Tu étais si discret que cela ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'étais pas discret mais transparent, disons que je ne marquais pas vraiment les gens ! [rires]

Graffiti : Et depuis le succès, t'es-tu fait de nouveaux vrais amis, ceux qui craquent plus sur le Jean-Jacques privé que sur le Goldman grand public ?

Jean-Jacques Goldman : Tu sais, même parmi les artistes, il y en a qui se font copains avec toi parce que tu as du succès, et que tu es au Top 50. Ou sinon, j'ai rencontré des gens extérieurs du métier. Là, je suis parti en vacances dans la ferme des parents d'un ami, chez des paysans avec lesquels j'ai partagé de vraies relations, ils me connaissaient sans vraiment me connaître, dans la mesure où ils écoutent la radio aussi souvent que moi je trais les vaches. Cela m'a fait du bien, car il y a longtemps que je n'avais pas vécu ce genre de rapports normaux. Basés sur ma capacité à porter une meule de foin ou à pêcher la truite.

Graffiti : Les chanteurs sont soumis de plus en plus à des interrogatoires, ils se doivent de répondre aux pires questions ! Qu'en penses-tu ?

Jean-Jacques Goldman : Et toi, ça ne te dérangerait pas si je te posais des questions intimes ?” [Je passerai sous silence les termes employés non par mesure de censure, mais pour ne pas choquer le jeune lectorat, ça c'est Jean-Jacques qui l'affirme !] “Non, moi je ne demande pas à mon boucher s'il a le sida ou pas, s’il est homosexuel ou non, alors je ne vois pas pourquoi on demanderait ça à un chanteur !”

Graffiti : Pourtant, Il y a des chanteurs qui jouent le jeu de l'indiscrétion publique ?

Jean-Jacques Goldman : Oui mais parce qu'ils pensent que leur public a des droits sur eux, ce que je ne trouve pas méprisant en soi. Mais en ce qui me concerne, le public n'en a pas.

Graffiti : On ne te verra jamais à 7 sur 7 etc...

Jean-Jacques Goldman : Non, car je n'ai rien à exprimer.

Graffiti : Dans 5 ans, serais-tu comme tu l'affirmes, un has been ?

Jean-Jacques Goldman : Je serai démodé, ça c'est une certitude. Donne- moi l'exemple d'un type qui a 40 ans et qui est toujours en haut de l'affiche.

Graffiti : Johnny Hallyday.

Jean-Jacques Goldman : Oui, mais c'est le seul, l'unique exemple qu'on puisse citer. Ou alors il existe des chanteurs tels que Sardou, qui d'emblée se sont adressés à des publics plus âgés. Je pense que je conserverai le public qui est le mien mais qui va vieillir aussi. Je ne crois pas que je resterai celui que j'ai été cette année.

Graffiti : Comment s'amorce la redescente ?

Jean-Jacques Goldman : Je sens déjà les autres derrière qui arrivent et c'est bien. Je suis content d'avoir vécu ça parce que c'était rare et marrant à faire, mais je serais ravi aussi que le public se réduise un peu afin de me retrouver avec des gens plus attentifs, ceux du début. J'ai hâte que ça redevienne plus ciblé, d'attirer des gens qui n'aiment pas le succès pour le succès mais qui aiment d'abord mes chansons.

Graffiti : “Voyages Voyages”, je crois que tu as eu ta dose, n'est-ce pas ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, j'ai fait 4 continents en 15 jours, je suis allé en Chine aussi, je retournerai certainement à Nouméa, aux antipodes.

Graffiti : Touriste mais pas chanteur. Tu te dis trop vieux et pas assez ambitieux pour une carrière interplanétaire, tu n'as toujours pas changé d'avis ?

Jean-Jacques Goldman : Le seul moyen de déferler sur le monde, c'est de s'installer en Angleterre ou aux Etats-Unis ; d'ailleurs je pense que c'est tout à fait possible car si Iglesias ou Clayderman y sont arrivés alors... mais par contre il faut y passer du temps, 5 ans au moins, donc je n'ai plus envie et puis je ne suis plus assez jeune pour être crédible.


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