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Entretien vérité
(Ciné Télé Revue n° 19, mai 1987)

Entretien vérité
Ciné Télé Revue n° 19, mai 1987
Bernard Ales

Bernard Ales : Il n'est pas facile de vous parler ! Tous les gens qui font votre métier recherchent un maximum de publicité. Vous, c'est tout le contraire...

Jean-Jacques Goldman : Eux considèrent peut-être qu'ils ont des choses à dire, et pour certains, c'est vrai. Moi, mon métier, c'est faire de la musique. Je n'ai jamais refusé de passer à la radio ou de chanter dans une émission de télévision. J'accepte ce type de promotion de façon à ce qu'on juge mes chansons. En revanche, je ne trouve pas que mes déclarations ou mon visage soient très intéressants. Si c'était le cas, je serais mannequin, acteur de cinéma ou philosophe, mais je ne pense pas avoir les qualités pour cela. Je suis donc chanteur et ce que je produis volontiers, ce sont des chansons. Mes titres passent beaucoup à la radio, presque trop. Si les gens n'ont pas envie de les écouter, je ne tiens pas du tout à les convaincre.

Bernard Ales : On a le sentiment que le succès ne vous atteint pas. Votre vie ne change pas. Vous continuez à travailler dans votre cave. Est-ce par attachement sentimental au décor de vos débuts ?

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne suis attaché ni aux choses, ni aux lieux. Simplement, c'est pratique, il y a le matériel dont j'ai besoin et j'y suis tranquille. Acheter 200 paires de chaussures, posséder des Rolls en or, des manteaux de vison, c'est à la portée de n'importe quel héritier ou n'importe quel propriétaire d'un puits de pétrole. Ce n'est pas très excitant et cela ne m'intéresse pas beaucoup. Je n'ai donc pas à me forcer pour résister. Il y a d'autres choses qui ont de la valeur : des rencontres, des expériences musicales, une indépendance professionnelle et financière, la possibilité de créer avec des moyens. Ça m'intéresse davantage que de posséder les montres les plus brillantes du monde. Je ne refuse pas tout ce qu'apporte l'argent. J'ai une grande maison, je vais en vacances dans de bons hôtels, je prends l'avion quand j'en ai envie, je vais dans les bons restaurants, j'achète du bon matériel... Il y a beaucoup de moyens de dépenser l'argent. Je ne crache pas du tout dans la soupe. Qu'on le veuille ou non, le succès change tout de même pas mal de choses... Il fut un temps où mon gagne-pain n'était pas la musique. Je travaillais comme tout le monde et ça ne m'empêchait pas de faire des chansons dès que j'avais du temps libre. J'ai même l'impression qu'à l'époque, je faisais davantage de musique que maintenant, en travaillant neuf heures par jour.

Bernard Ales : Beaucoup de jeunes connaissent vos chansons par cœur et se retrouvent dans vos paroles. Vous vous considerez comme un « maître à penser ».

Jean-Jacques Goldman : Pas du tout ! Je ne suis ni un leader, ni un führer, je n'ai absolument pas cette vocation-là. D'ailleurs, maintenant, les gens sont assez grands pour se diriger tout seuls. Je ne crois pas du tout au pouvoir des chanteurs. Les gens sont extrêmement critiques. Ils nous entendent tant que l'on dit des choses qu'ils acceptent mais s'ils ne sont pas d'accord avec mes idées, ils me lâcheront immédiatement. Il y a des exemples de chanteurs qui ont cru qu'ils avaient un pouvoir et qui ont été lâchés... Je ne dis pas que le texte n'a pas d'importance mais le plus important, c'est la musique, c'est ce que les gens ressentent en premier. La preuve en est que les chansons anglaises marchent et qu'on ne comprend pas du tout les textes.

Bernard Ales : On voit pourtant, depuis quelque temps, les artistes français revenir en force, dans le « Top 50 », par exemple. Certains disent que ces hits-parades sont truqués. C'est votre avis ?

Jean-Jacques Goldman : Je suis sûr que ce n'est pas truqué, mais la production française ne se limite pas à cinquante titres. Ainsi, on ne programme pas beaucoup de titres qui ne sont pas dans le « Top 50 » mais qui ont quand même un intérêt. C'est dommage. Le travail des programmateurs doit être de trouver des nouveaux talents. Si l'on programmait un peu moins ceux qui sont en haut (dont je fais partie de temps en temps) et un peu plus ceux qui ne sont pas encore classés, en particulier des jeunes, ce ne serait que bénéfique. Même pour nous, car il y a très vite une overdose à écouter tout le temps les mêmes chansons. C'était pire cependant avant le « Top 50 ». Ceux qui marchaient étaient des artistes qui, parfois, n'avaient pas d'écho auprès du public. Mais ils passaient sans arrêt à la télévision et à la radio parce qu'ils avaient auprès des programmateurs, une amitié ou tout simplement une situation assise par les succès d'avant... Maintenant, la sanction du public est extrêmement rapide. C'est fou de voir à quel point le panorama de la chanson française a rajeuni depuis que le « Top 50 » existe. Il y a des anciens qu'on ne voit plus du tout. Cela a fait partir les mandarins, ceux qui avaient leur place au chaud dans les shows des Carpentiers !

Bernard Ales : Vous étiez un des plus ardents défenseurs de TV6 au moment où le pouvoir politique a décidé de supprimer cette chaîne musicale...

Jean-Jacques Goldman : Tous les chanteurs se sont associés pour le retour d'une chaîne musicale. Nous nous sommes partagés les rôles pour aller expliquer aux hommes politiques l'importance de cette chaîne, de Michel Sardou à Bernard Lavilliers en passant par Alain Souchon, Jane Birkin et les autres, tout le monde. La suppression de la sixième chaîne musicale change beaucoup de choses. Cela a été très net. Le jour où elle a été supprimée, le marché du disque a baissé de 30% ! Pour la chanson française, c'est quasiment un arrêt de mort ! On avait sous-estimé le phénomène, à tel point que les gens reviennent en arrière et nous font de nouvelles propositions...

Bernard Ales : On vient de vous proposer de tourner un film et vous avez refusé. Pourquoi ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas un tempérament d'acteur. J'aime beaucoup le cinéma mais pour le moment, je ne me vois pas en train d'en faire. Je ne crois pas être un très bon acteur.

Bernard Ales : Vous avez récemment composé le dernier 33 tours de Johnny Hallyday, « Gang ». C'était vraiment une association surprenante. Tout ou presque vous oppose...

Jean-Jacques Goldman : Effectivement, il n'y a pas beaucoup de rapports. Johnny Hallyday est un personnage très différent de moi et qui possède une voix très puissante et grave. J'ai pu ainsi composer des chansons différentes de ce que je fais d'habitude. Ça m'a stimulé. Il a une grande expérience, il est très attentif à ce qu'il chante. Il intervient beaucoup sur les textes et les arrangements, mais d'une façon très humble, jamais en s'imposant. C'est franchement très facile de travailler avec lui. Quand on a des interprètes de cette qualité, c'est comme un charpentier avec de bons outils !

Bernard Ales : Comment s'est décidé cet album ?

Jean-Jacques Goldman : Dans ce milieu, les rencontres se passent toujours par amis communs. Il savait que j'avais de l'estime pour lui et je savais qu'il en avait pour moi. Nous avons aussi aimé les mêmes musiques. Un jour, il est venu chanter avec moi au Zénith. On avait répété un morceau et il est monté sur scène. C'est ce soir-là que nous avons parlé de l'album. Michel Berger qui avait écrit son dernier album à l'époque, avait vraiment révélé ce dont était capable Johnny Hallyday, avec des chansons de qualité. Ça m'intéressait beaucoup de continuer ce mouvement.

Bernard Ales : Pensez-vous que vous auriez pu réussir, avec la même personnalité qu'aujourd'hui, à l'époque des débuts de Johnny Halyday, devenir une idole des années 60 ?

Jean-Jacques Goldman : Si cela avait marché pour moi à cette époque, j'aurais eu une autre mentalité. Ce n'est pas uniquement une question de personnalité, nous sommes aussi très influencés par les gens qui nous entourent et par la période.

Bernard Ales : Cela ne vous dérange pas d'écrire pour d'autres et de rester dans l'ombre ?

Jean-Jacques Goldman : Au départ, c'est même un peu ce que je souhaitais. Je ne pensais jamais faire une carrière d'interprète. C'est presque un hasard si je chante moi-même. Je travaillais avec un jeune éditeur à qui je donnais les chansons que j'avais faites. J'ai essayé de placer mes titres auprès d'un peu tous les interprètes existants. Cela se passait en 1979 ou 1980. A l'époque, ils ne faisaient pas beaucoup confiance à un inconnu. J'étais le seul qui aimait ce que je faisais. Mais ces refus n'étaient pas durs à vivre puisque je n'en dépendais pas pour gagner ma vie, je n'avais jamais pensé vivre de la musique. J'avais fait des études, j'avais un métier, je travaillais. Pour moi, la chanson était un hobby. Je faisais ça avec beaucoup de décontraction. Comme ça ne marchait pas, j'ai été conduit à interpréter moi-même mes chansons. Mon éditeur a proposé un jour des maquettes que je chantais. Une maison de disques s'est intéressée à moi. C'est ainsi que j'ai enregistré un album pendant mon mois de vacances, ne pensant pas une seconde que ça marcherait... Et ça a marché ! Je continuais toujours à travailler puis j'en ai enregistré un deuxième. Ça commençait à me prendre beaucoup de temps et j'ai quitté mon travail après « Quand la musique est bonne », alors que j'avais vendu plus d'un million de disques. Jusque là, j'avais envisagé la chanson comme un jeu et non comme une façon de vivre.

Bernard Ales : Vous n'aviez pas tout à fait le même « look » à vos tout débuts. C'était au moment du service militaire...

Jean-Jacques Goldman : Pendant les permissions, je répétais avec un groupe qui s'appelait Taï Phong et, l'année d'après, nous sortions le premier disque. C'est la raison pour laquelle, sur la pochette de ce premier album, j'ai les cheveux tout courts !

Bernard Ales : Quelles impressions du service militaire ?

Jean-Jacques Goldman : Tel qu'il est actuellement, on y perd son temps. Il ne sert à rien. Je suis pour un service civique de 18 à 20 ans, avant d'entrer dans la vie active, mais le côté militaire est dépassé. Je serais favorable à un service national civil, pour les garçons et pour les filles, dans les domaines de l'écologie, du défrichage des forêts, dans des musées, des hôpitaux...

Bernard Ales : Vous ne revendiquez même pas, comme beaucoup de vedettes, un passé d'adolescent révolté... Vous étiez plutôt tranquille à l'école.

Jean-Jacques Goldman : C'est vrai, dans la chanson, il vaut mieux être un cancre mais malheureusement, je n'ai jamais eu ce genre de qualité-là.

Bernard Ales : Vous donnez l'image d'un jeune homme sincère, honnête, aimable... On cherche en vain une qualité que vous ne possédez pas. Vous n'avez vraiment aucun défaut ?

Jean-Jacques Goldman : A travers ce qu'on écrit, les gens peuvent se faire une idée fausse de nous. On peut se décrire dans des chansons d'une façon plus généreuse et avec davantage de qualités que nous en avons vraiment. Mais je connais mes défauts et, en fait, je m'en arrange très bien, je vis avec.

Bernard Ales : La « presse à scandale », dont vous parlez dans votre dernier succès n'est pas toujours tendre avec vous. Voici un peu plus d'un an, vous aviez créé l'événement en vous offrant dans les journaux une pleine page de publicité reprenant toutes les critiques qui vous démolissaient et, en regard, vous remerciez le public pour votre succès... Cela vous touche ce que les journalistes disent de vous ?

Jean-Jacques Goldman : Il est assez normal d'être critiqué par des gens pour lesquels on n'a pas beaucoup d'estime. Je comprends que je puisse énerver beaucoup de gens. Il ne faut pas généraliser, il y a de tout, mais la manière dont on parle de la chanson dans ce qu'on appelle la grande presse est vraiment affligeante. Ils publient des mensonges. C'est une presse pour laquelle je n'ai pas non plus beaucoup de respect.


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