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Tai Phong An II
(Best n° 95, juin 1976)

Tai Phong An II
Best n° 95, juin 1976
Alain Pons
Retranscription de Chrystèle

Le premier album de Taï Phong avait été, faute de temps, plus ou moins expédié en trois semaines. Pour le second, le groupe a eu la possibilité d'étaler son travail sur plusieurs mois, de le parfaire tranquillement. "Windows" c'est son nom ne sortira ainsi qu'à la rentrée, et devrait permettre à Taï Phong de s'imposer définitivement, après un prochain single "Games" que vous découvrirez fin mai.

Alain Pons s'est glissé la nuit dans les studios pour voir et entendre de quoi il retourne avant même que la dernière bande soit enregistrée.

Je m'installe discrètement dans un coin de la cabine de prise de son. Le groupe au complet est réuni derrière l'imposante console 24 pistes.

"On termine le minutage de ce titre et nous sommes à toi", me dit Khanh. La musique diffusée à travers les enceintes me rappelle un air connu. Des réminiscences de "Sister Jane" semblent assez évidentes et, d'ailleurs, pas désagréables du tout. Je me dis que le prochain été pourrait être lui aussi bercé par une mélodie due à Taï Phong. Qui s'en plaindra ?

La course au succès de l'été n'est pas encore lancée, mais le groupe a évidemment bien l'intention d'y participer. Cela ne lui a pas trop mal réussi l'an dernier. Jean Mareska, le producteur, confirma mes pensées :

"Le morceau que tu entends est le "tube" de l'album. Nous suivons une politique bien connue qui est d'essayer d'obtenir un succès en 45 tours en espérant que sa clientèle se reportera sur l'album. On peut estimer que le public du groupe s'élargira d'autant que ses hits seront importants."

J'apprends que le "tube" en question s'appelle "Games", un nom prédestiné pour un morceau prêt à entrer dans le jeu du show bizness.

Khanh apporte aussitôt quelques précisions : "Il ne faudrait pas mésestimer ou mépriser des chansons comme "Games" ou "Sister Jane". Elles font partie de notre musique, c'est notre musique. Seulement, elles sont écrites dans l'optique d'un 45 tours qui dure trois minutes. Ce temps très court crée évidemment un goulot d'étranglement qui oblige à se limiter, à n'exploiter qu'une ou deux idées. Nous ne dénaturons pas pour autant notre musique mais il est exact qu'à travers ce procédé nous recherchons le succès. Nous serions très heureux de faire un tube, un seul, aussi marquant que "Whiter shade of pale" ou "When a man loves a woman" et il n'y aurait pas lieu d'en rougir, au contraire. Cela dit, nous ne connaissons pas la recette du "tube" - si recette il y a - puisque "North for winter", notre dernier simple, a fait un magnifique "bide".

Il est évident que le choix de Taï Phong n'est pas le seul possible. Mais il existe et c'est déjà beaucoup.

Taï Phong m'a semblé être un groupe lucide, plein de maturité, capable de prendre en main son existence. Il suffit de les voir travailler pour le penser. Une séance avec eux ne ressemble pas à une valse hésitation. Un plan très net du disque est dans la tête de chaque musicien, ce qui permet une élaboration précise et rapide, tout au moins en ce qui concerne la base. Le reste est une question de temps, de réflexion, de discussion. Tout ne se passe pas sans heurts mais l'objectif visé par tous permet d'aplanir les difficultés et de parvenir au meilleur résultat possible.

Le travail se fait en famille, en circuit fermé. Il n'y a pas d'ingénieur du son dans la cabine. Ou plutôt si, mais il s'agit de Khanh lui-même. Le groupe est donc entièrement responsable de sa prise de son, c'est-à-dire de ce qui donne une couleur à la musique. Khanh m'en explique les avantages :

"Nous savons exactement le son que nous voulons obtenir. Quand nous composons ou arrangeons un morceau, nous nous préoccupons aussi de ce que cela va donner sur une bande magnétique. Nous pensons "technique" si tu veux. Mais un preneur de son, étranger au groupe, lui, ne sait pas ce que nous recherchons. Il faut donc le lui expliquer, le convaincre de travailler de telle ou telle façon et ce n'est pas forcément la sienne. Cette perte de temps et d'énergie n'a jusqu'à présent donné aucun résultat positif. Nous avons donc décidé que j'assurerai la prise de son puisque c'est mon métier. Nous allons ainsi beaucoup plus vite et des tensions supplémentaires sont évitées".

Qu'un musicien soit à la fois devant et derrière la vitre séparant la cabine du studio est un cas assez rare. Cette double position présente peut-être aussi des inconvénients. Khanh :

"Non. D'abord, j'ai un assistant qui peut me remplacer. Quand je joue je prépare les réglages et puis chaque musicien du groupe est capable de faire une prise de son. Il n'y a absolument aucune difficulté à concilier les deux fonctions. Puisque Taï Phong ne semble pas avoir besoin d'aide extérieure, je demande quel est le rôle su producteur souvent considéré comme un tyran, voire un falsificateur.

"Jean (Mareska) est une oreille supplémentaire qui nous est très utile. Il ne connaît pas les morceaux que nous lui présentons. Il peut donc les juger correctement puisque son écoute est neuve. Par contre, nous sommes tellement imprégnés de notre musique que nous ne pouvions avoir un jugement critique lucide".

Mais son rôle ne se limite pas à la critique. Il reçoit les idées, les discute puis les rediffuse d'une manière peut-être plus claire, plus « pratique". Il apaise également les tensions. Il essaye, avec diplomatie, de pousser les musiciens au bout de leurs possibilités même s'ils paraissent satisfaits, quitte à revenir en arrière comme dans la scène qui suit :

Jean-Jacques Goldman doit faire un raccord de voix sur "Games". Il faut savoir que la voix n'est jamais enregistrée en direct, en même temps que la musique qui est elle-même décomposée piste par piste. Le raccord dure moins d'une minute, mais il faudra plus d'une heure avant de choisir la bonne prise.

Jean-Jacques s'assoit tranquillement devant le micro. Il est seul dans la grande pièce. Nous sommes tous dans la cabine. Il ajuste un casque d'écoute et fait signe qu'il est prêt. Khanh presse un bouton lumineux puis branche le micro de liaison. "On t'envoie la musique pour que tu te repères". Jean-Jacques agite la main quelques secondes plus tard : "Je n'entends pas les chœurs". –"OK, je les "monte"".

Un ou deux essais et l'enregistrement démarre. La voix de Jean-Jacques est surprenante, pour ne pas dire stupéfiante. "Il arrive à chanter des notes plus hautes que celles d'une guitare" dit Taï. Cette partie vocale est un véritable exploit physique. Jean-Jacques y met toute sa force. Notre admiration grimpe aussi haut que les notes. Vraiment étonnant.

On écoute. Cela semble bon mais Jean Mareska trouve que la fin est un peu "grailloneuse". "Ça a un côté Janis Joplin pas déplaisant" dit Jean-Alain. On réécoute. Les avis sont toujours aussi partagés. Jean demande une nouvelle prise. Jean-Jacques s'exécute mais il se plante superbement. On recommence deux fois, trois fois, quatre fois. Ah, voilà une excellente prise mais jusqu'au milieu seulement. Des raccords sont tentés, mais sans résultat. Jean-Jacques est épuisé, et il ne veut plus recommencer. Il préfère la première prise : "Je trouve que c'est bien chanté", dit-il simplement. On me demande mon avis. Je me range derrière celui de la majorité. Jean Mareska n'est pas tout à fait convaincu mais il s'incline et la première prise est déclarée bonne.

Cette petite scène sur le vif pour montrer quel peut être, entre autre, le rôle du producteur qui n'est pas toujours le "tout-puissant" que l'on se complaît généralement à décrire. Aussi pour démontrer que l'enregistrement d'un disque ne se fait pas les doigts dans le nez. Il ne suffit pas de jouer sa musique devant les micros. C'est une discipline très différente de celle demandée par la scène. Elle demande beaucoup de patience et met les nerfs à rude épreuve surtout si les musiciens sont, comme ceux de Taï Phong des perfectionnistes.

Il faut donc des heures et des heures pour mettre au point et enregistrer sérieusement un album. Taï Phong ne connaît pas de problèmes de ce côté-là, mais il faut aller vite quand même. Comment cela se passe-t-il ?

"Nous avons enregistré ce disque en deux parties, explique Khanh. La première a été faite au début de l'année, la seconde est actuellement en cours. Cela veut dire que nous n'avons pas passé quatre mois ici mais que nous avons fractionné notre travail, nous l'avons étalé. Les morceaux étaient prêts depuis longtemps, en fait depuis le premier album. Il y en a même un que nous avons dû éliminer à cette époque. La rythmique a d'abord été enregistrée, puis nous l'avons habillé petit à petit. Comme nous disposions de beaucoup de temps nous avons fait beaucoup de re-recording. Il y a des endroits où tu crois entendre six guitares à la fois alors que nous ne sommes que deux guitares. Cette technique donne beaucoup plus d'ampleur et d'impact à la musique, mais pour l'appliquer, il faut pas mal de temps. Nous allons relativement vite parce que maintenant, nous nous connaissons bien, et que nous avons l'habitude de travailler en studio".

Le temps de rechercher les bandes et les poser sur le magnéto et je vais avoir l'occasion d'écouter environ les trois quarts de l'album. Une seule écoute, dans des conditions particulières, n'est évidemment pas suffisante pour donner un avis précis sur ce qu'il va être une fois gravé. Je dois dire cependant que j'ai été impressionné. Je le dis avec d'autant plus d'enthousiasme que je n'étais pas un fan du premier album. J'ai été particulièrement séduit par des passages calmes et très beaux tout à fait digne de Genesis par exemple. D'autre part, la mise en place m'a semblée bien supérieure et la musique "coule" beaucoup mieux qu'auparavant. Les vocaux sont aussi nettement meilleurs bien qu'apparemment très réduits. Mais la couleur reste la même, extrêmement reconnaissable. Elle est cependant beaucoup plus nette et brillante.

Taï Phong est en progrès. Il se classe définitivement parmi les meilleurs groupes français. Mais ce palier ne correspond pas à son ambition. Il veut être parmi les plus grands. Qui sait si Taï Phong n'y est pas déjà ?

TAI PHONG : Khanh (guitare, vocaux), Taï (basse, guitare acoustique, claviers, vocaux), Jean-Jacques Goldman (guitares électrique et acoustique, vocaux), Jean-Alain Gardet (claviers), Stéphane Caussarieux (batterie, percussions).


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