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Olivier Gann : “On peut me classer où on veut”

Entretien exclusif pour "Parler d'sa vie”, enregistré par téléphone les 2 et 18 mai 2007
Parler d'sa vie, le 09 juin 2007

Retranscription de Perrine Berge, Sandrine Descargues, Mercedes Descornez,
Jean-Michel Fontaine, Julie Lajeunesse, Nadine Lorec.

Propos recueillis par Jean-Michel Fontaine

Crédits photos (de haut en bas) : Pierre Terrasson / Nathalie Gann / Alexis Grosbois / Pierre Terrasson
Reproduction interdite sans autorisation préalable.

Olivier Gann (c) Pierre Terrasson

De l'énergie tranquille d'un Aldebert (“A l'ouest”, “40 ans”) aux chansons douces-amères qui ont fait sa patte (“A part elle”, “Tout le reste”, “J'oublie pas”), en passant par une petite pique adressée aux prétendants aux trois clés Télérama (“La nouvelle chanson française”), Olivier Gann signe le troisième album d'un jeune quadra bien dans ses baskets, qui a passé le cap de l'adulescence, sans rancœur, mais sans illusions non plus. “A l'ouest” est l'album le plus personnel, le plus intime d'Olivier. Les influences goldmaniennes font désormais clairement partie du passé, la production épurée faisant parfois penser au perfectionnisme d'un Voulzy.

Sur la pochette de ton nouvel album, tu as vraiment l'air “à l'ouest”. Est-ce que tu n'as pas eu peur que l'on ne retienne de cette pochette que la connotation négative de l'expression, alors même que cette chanson, qui a donné son titre à l'album, parle avant tout de ton attachement à la région nantaise où tu vis ?

Hou là ! C'est une question… J'adore tes questions, Jean-Michel. C'est une question… Déjà j'ai oublié le début. Tu peux la recommencer ? [rires]

[je répète la question]

Je me suis beaucoup questionné sur cette pochette. C'est-à-dire qu'à la base, il a fallu me convaincre que c'était la bonne. Cela n'a pas été facile. Alexis Grosbois, qui travaille aux éditions JRG et qui a travaillé sur la pochette et sur le livret, a beaucoup insisté pour qu'on mette cette photo-là. Il trouve que les photos où on sourit, où on est trop joli, ce n'est pas forcément bien. Il m'a un peu influencé pour que l'on choisisse cette pochette. Je me suis laissé convaincre. Avec le recul, j'en suis très content. Finalement, la peur s'est dissipée. Je n'ai plus peur du tout que la pochette fasse un peu triste. C'était cela qui me dérangeait. Et finalement, les gens ne l'ont pas du tout perçu ainsi.

Alexis Grobsois, Olivier Gann, Yannick Saillet (c) Nathalie Gann

Alexis Grobsois, Olivier Gann, Yannick Saillet

Tu évoques Alexis Grosbois, qui est le bras droit de Jean-Jacques et de Robert Goldman. Tu parles de L&G Design, la société de son frère, qui réalise toutes les pochettes et les boîtiers de Jean-Jacques Goldman, entre autres. Comment as-tu été amené à travailler avec cette fine équipe ?

Grâce à Alexis. Ça fait à peu près quatre ou cinq ans que j'envoie mes maquettes et mes disques à Alexis. Il vient me voir en concert régulièrement et je pense qu'il aime bien mon travail. Ça s'est passé naturellement : à un moment, je lui ai dit que j'étais sur un projet de nouvel album. Je lui ai envoyé les maquettes et c'est lui qui s'est proposé. D'abord, il m'a présenté Yannick Saillet que je connaissais et qui avait fait mon premier clip pour “On m'a dit”. Yannick Saillet s'est prêté au jeu et a fait les photos. Et puis par la suite, de fil en aiguille, on a travaillé sur la conception du livret avec Bruno Loirat, qui travaille avec moi depuis des années. Ils ont travaillé tous les deux pour ce packaging, mais, à la base, c'était vraiment une proposition d'Alexis et j'étais un peu “sur le cul', quand il me l'a proposé… et quand j'ai vu le résultat !

Je trouve que physiquement, et tout particulièrement sur la pochette de ton nouvel album, tu ressembles de plus en plus à Michel Delpech.

A Michel Delpech ? Tiens donc…

Est-ce que tu ressens une filiation avec lui ?

J'aime bien ce qu'il fait. J'ai toujours bien aimé. Artistiquement, c'est vraiment quelqu'un, même humainement. Physiquement, je trouve qu'il dégage quelque chose, il dégage de la chaleur, il dégage de la sympathie, il dégage tout ce que j'aime bien chez les gens. Il a une certaine humanité dans le regard. J'aime vraiment bien, donc je prends ça vraiment comme un compliment.

Si tu devais, tout comme lui, enregistrer un album de tes chansons sous forme de duos, dans tes rêves les plus fous, quelles chansons choisirais-tu et avec qui les interprèterais-tu ?

Dans mon répertoire ?

Oui, dans ton répertoire. Que ce soit des interprètes morts ou vivants d'ailleurs, puisque pour l'instant, ce n'est qu'un fantasme.

Alors là, aucune idée. J'avais imaginé, mais c'était sur mon premier album, que tous les artistes que je cite dans “On m'a dit” tournent dans le clip. Ça, c'est un vieux fantasme.

On en avait parlé à l'époque, je m'en souviens.

C'était une idée que j'avais soumise à ma maison de disques et qui me paraissait un peu compliquée à mettre en œuvre mais encore aujourd'hui, je pense que c'est une bonne idée. Évidemment, pour la mettre en application, cela aurait été extrêmement compliqué. Pour revenir à ta question, je n'ai pas vraiment réfléchi à ça, mais c'est vrai que j'aurais adoré un duo avec Francis Cabrel, une vraie réponse. Peut-être sur “La nouvelle chanson française”. J'aime beaucoup mon duo avec Nérac, mais je voyais bien une voix cabrélienne sur cette chanson-là. Je le sens bien. En règle générale, je préfèrerais des rencontres avec des voix masculines. Je me verrais bien faire un duo avec Souchon, j'adorerais. Ou une chanson comme “Les vieilles affaires” avec Laurent Voulzy, ça me plairait bien.

Sur cet album, seuls deux auteurs interviennent : Véronique Chanat, qui a collaboré aux deux premiers albums déjà, et Nérac qui écrit neuf des douze textes. Tu m'avais dit, lors de la sortie de ton deuxième album, que Véronique Chanat avait écrit tous ses textes à Astaffort il y a plusieurs années, et que les deux chansons que l'on trouvait sur ton deuxième album étaient des fonds de tiroirs. Est-ce que c'est également le cas de ces trois nouvelles chansons ?

C'est encore vrai aujourd'hui : elles ont été réadaptées, mais que ce soit “Les vieilles affaires”, “Tout le reste” et “A part elle”, elles datent d'au moins une dizaine d'années. “Les vieilles affaires” ne s'appelait pas du tout comme cela, je crois qu'elle s'appelait "les Kabylistères”, quelque chose comme cela. “A part elle”, c'était forcément “A part lui”, donc il a fallu que je la réadapte. “Tout le reste”, c'était encore un autre titre et cela a changé parce que c'était une chanson où il s'agissait d'une fille qui parlait des hommes, c'était même un petit peu méchant. Je l'ai réadaptée à ma sauce. Elles ont été transformées par Véronique Chanat, mais ce sont effectivement des textes qui ont dix ans.

Et cela ne lui donne par envie de recommencer à écrire, avec toutes les chansons que tu composes sur ses textes ?

Je crois d'ailleurs que le seul qui lui prend des textes, c'est moi. C'est ce qu'elle me dit au téléphone. Je suis le seul. Quand je lui demande de refaire des textes, elle n'est pas très motivée. Je crois qu'elle a un petit peu perdu l'envie, ou peut-être qu'elle écrit et qu'elle ne me le dit pas, c'est possible aussi, je ne sais pas. Véronique Chanat est un mystère pour moi. C'est vraiment quelqu'un que j'aime beaucoup mais qui est très discrète. On communique très peu. Je récupère ses textes parce que, franchement, je trouve que c'est dommage de les laisser dans des tiroirs

Sur ton premier album, tu as écrit ou co-écrit quatre titres. En 2005 tu me disais : “je lance des sujets aux auteurs et les auteurs travaillent. Je me détache de plus en plus de l'écriture. Ils savent trop bien faire cela. J'ai trop de lacunes, je préfère les laisser faire”. Visiblement c'est toujours le cas puisque tu n'as écrit aucun texte sur ce troisième album. Est-ce que, malgré tout, ce n'est pas une certaine appréhension des sujets que tu serais susceptible d'aborder qui t'empêchent d'écrire, puisque les titres que tu as écrits sur ton premier album sont plutôt mélodramatiques, en relation avec la mort ou la séparation ?

Oui c'est vrai, mais il y a les deux. Le psychologue Jean-Michel Fontaine a bien vu la chose [rires]. D'abord, je pense que je ne suis pas un grand auteur. Je ne suis pas un auteur du tout d'ailleurs : j'étais un auteur par procuration et le fait d'avoir travaillé de plus en plus avec de bons auteurs qui savent vraiment mettre les mots comme il faut et là où il le faut et dans le bon ordre fait que l'on se rend compte vraiment que, à côté, cela ne va pas. Musicalement, je suis de plus en plus satisfait de mon travail. Il est vrai que cette tendance, je l'avais déjà pressentie lors de notre première interview : j'avais dit que je ne faisais presque plus de textes. Il est vrai que, en plus de cela, la vie m'a apporté, comme tout le monde, des moments un peu difficiles et pour les exprimer au travers de mes mots, j'ai du mal. Je préfère sous-traiter, c'est plus facile à chanter aussi : on est plus libéré pour chanter, même si le thème a été un peu orienté. C'est quand même plus simple : on peut se reposer sur l'écriture de quelqu'un d'autre sans que ce soit trop douloureux à chanter.

Quel est ton moyen d'expression profond, à part interpréter les chansons des autres ? Ils t'écrivent sur mesure, c'est un fait, mais est-ce que tu écris de la prose, une sorte de journal intime qui te permet de mettre sur papier ce qui te touche ? Est-ce que c'est un besoin pour toi ou pas du tout ?

Non, pas du tout. Je m'exprime en général dans la vie par deux manières : la première, c'est les chansons, c'est un bon moyen. La deuxième, c'est la déconnade. J'essaie toujours de tout dédramatiser. Il peut y avoir des conflits avec des gens : je vais plutôt prendre au deuxième degré, je vais plutôt rigoler de ces conflits-là, tout en en parlant, finalement. Je vais plutôt aborder le sujet avec une boutade ou avec un pied de nez, ou même en me mettant en porte-à-faux, en acceptant mes défauts, et plutôt l'amener en plaisantant. Ce sont mes deux moyens de communication préférés. La discussion sérieuse, franche et sincère, je ne la connais pas tellement.

Jean-Jacques Goldman disait, lors de la sortie de “Rouge”, que pour lui, quarante ans, cela avait été vraiment la sortie de l'enfance. Pour les tenants de la “nouvelle chanson française” comme Bénabar, Jérémie Kisling ou Aldebert, l'âge clé - qui est le leur d'ailleurs - c'est plutôt trente ans : l'âge important, la fin de l'enfance, de “l'adulescence”, comme le dit Aldebert. Est-ce que pour toi aussi, trente ans, cela a été un cap important ou est-ce que c'est vraiment quarante ans qui t'a marqué au point de vouloir en faire une chanson ?

Je pense quand même que c'est le cap le plus important. Celui que j'ai vu en tous cas, le plus fort, c'est plutôt la quarantaine. C'est l'âge où, tout d'un coup, on n'est vraiment plus un gamin. Enfin, je trouve. En même temps, il me semble que ça ne me traumatise pas du tout. Je dirais presque que je l'attendais, cet âge-là, en me disant “comment je serai à 40 ans ? Est-ce que je serai épanoui, heureux ?” Et bien voilà. Je suis content d'arriver à 40 ans en ayant une sérénité. Je n'appréhende plus cet âge-là. Je voyais des gens, quand j'avais, moi, 25 ou 30 ans, qui en avaient 40 et qui n'avaient pas l'air forcément très bien et ça me faisait réfléchir. Et je suis content d'être arrivé à cet âge-là en étant plutôt bien dans mes baskets et je trouve que ça s'entend de plus en plus dans mes chansons.

Séance photo avec Yannick Saillet (c) Alexis Grosbois

“Je suis content d'être arrivé à 40 ans
en étant plutôt bien dans mes baskets”

Il y a un premier single évident pour moi sur cet album dès la première écoute, c'est “les Nantaises”.

[surpris] Ah.

Est-ce que j'ai vu juste ?

Alors, les Nantaises, c'est une chanson mystère : beaucoup de gens m'en parlent, tous les gens l'apprécient, mais moi je ne suis pas un fan de cette chanson-là. Je l'aime bien, sinon je ne l'aurais pas mise sur l'album, mais je trouve qu'elle a perdu de son âme avec le temps. Je trouve que cette chanson-là a perdu un petit peu, mais ce n'est pas du tout l'avis des gens. Comme je ne suis pas du tout allergique à cette chanson, loin de là, il n'est pas impossible que l'on ne la sorte pas en single. Je pense qu'elle fera partie du deuxième ou troisième single, ce n'est pas impossible du tout. J'adore la chanter. Elle est vraiment très agréable à chanter...

Pour moi, typiquement, “Méfiez-vous des Nantaises” c'est une chanson France Bleu...

Oui, c'est vrai. Ils nous l'ont déjà dit. On a envoyé ce single là en radio et ils ont diffusé “A l'ouest” pour l'instant. C'est vrai que “les Nantaises” arrivent tout de suite après et ils nous disent “Pourquoi vous n'avez pas programmé celle-là ?”. C'est arrivé. Alors on va les écouter et on va faire comme ils disent.

Sur ton deuxième album, il y avait un titre caché, “Les dimanches soirs” et tu me disais, à propos de ce titre, “il y aura une surprise pour le prochain album, dans deux ou trois ans. Je ne vous en dis pas plus mais il y a un rapport avec cette chanson-là”. Ça y est, le troisième album est sorti, alors, quelle est la surprise ?

[rires] Il faut faire vachement gaffe à ce qu'on dit avec toi ! Et bien en fait, il devait y avoir la suite des “dimanches soirs” et on n'a pas été très convaincus. En tout cas, moi, je n'ai pas été très convaincu de la suite et je trouvais que ça allait faire un peu rebut. J'avais peur que les gens s'imaginent qu'on n'avait pas d'idée et que tout d'un coup, on mettait une vieille chanson qui était déjà sur le précédent. Evidemment, on aurait démarré l'album avec “Les dimanches soirs” et j'ai trouvé que ce n'était pas vraiment une bonne idée. Donc, je me réserve cette surprise-là pour la scène. En primeur, je te le dis : le concert démarre avec “Les dimanches soirs” alors qu'avant, il se terminait avec “Les dimanches soirs”.

Olivier Gann (c) Pierre Terrasson

“La nouvelle chanson française, ça me fait mourir de rire”

Il y a plusieurs duos sur cet album, et notamment “La nouvelle chanson française” qu'on pourrait interpréter selon plusieurs degrés. J'ai notamment imaginé ce que pourraient penser les amateurs de chanson française, qui pourraient y voir une chanson vacharde ou cynique sur tous ces nouveaux artistes qu'ils adorent. Est-ce qu c'est un clin d'œil ou est-ce que tu voulais te moquer – gentiment – de certains artistes qui veulent absolument leurs trois clés Télérama ?

Le but était de se moquer gentiment. Tout est dans l'intitulé : "La nouvelle chanson française”, ça me fait mourir de rire ! Pour moi, c'est de la vieille chanson française. Les arrangements, la manière de chanter, les sujets abordés – mis à part que c'est enregistré sur des appareils numériques – j'entends des choses un peu vieillottes. Les médias en ont fait une caisse avec ça. Maintenant, je suis plutôt content : c'est ce que j'aime ! C'est plutôt une façon deuxième degré, un peu ironique, de parler de la "nouvelle chanson française” de manière un peu détachée, en faisant un duo avec Nérac, l'auteur de la chanson. Nous aussi, on en fait, de la chanson française ! Mais c'est sans aucune méchanceté. Il n'y a aucune intention de casser la nouvelle chanson française. C'est plus l'intitulé, le packaging.

C'est paradoxal dans la mesure où certaines des chansons de ce nouvel album peuvent faire penser à Aldebert ou Bénébar. Comment tu situes-tu, toi, alors, vis-à-vis de la nouvelle chanson française ?

Ma situation au niveau de la nouvelle chanson française... Pour moi, c'est juste un intitulé, c'est juste une appellation. Je pense me situer un petit peu au milieu de tout ça. En même temps, quand on m'avait classé dans la case “variétés” pendant des années, ça ne me dérangeait pas non plus. C'est-à-dire que pour moi, ce n'est qu'un intitulé. On pourrait dire que je fais de la pop-rock. Il y a eu un moment où on m'a classé dans la pop-rock aussi. Ça faisait moins bien peut-être de dire “variétés”. Pour moi, ce n'est pas péjoratif et c'est vrai que me situer parmi les gens qui sont dans ce qu'on appelle la nouvelle scène française - ce que moi j'appelle la vieille scène française - ça ne me dérange pas. On peut me classer où on veut. Le principal, c'est qu'on apprécie mes chansons.

Alors, je comprends que tu n'aies pas forcément envie de dire qui tu n'aimes pas, en tout cas pas au micro, mais dans cette nouvelle vague, cette nouvelle scène ou cette nouvelle vieille scène, appelons-la comme tu voudras, qui apprécies-tu particulièrement ?

Celui avec lequel j'ai le plus d'affinités, en tout cas dans les textes et dans la manière d'amener ses chansons, c'est Bénabar. Ensuite, il y en a vraiment plein. Il y a plein plein de gens. J'aime bien certaines chansons de Cali par exemple. Je préfère l'écouter que le voir d'ailleurs, mais c'est parce que ce sont mes goûts. J'ai toujours préféré un peu plus de retenue sur scène. Je suis moins Higelin.

C'est ce que j'allais dire. Cali, pour moi, c'est Higelin. C'est le nouvel Higelin sur scène.

Je suis plus Cabrel que Higelin. Il y a vraiment un fossé entre les eux. Bénabar et Delerm sont arrivés un peu plus haut que les autres à un moment donné : je suis plus Bénabar que Delerm.

Parmi cette nouvelle génération, il y a un chanteur qu'on connaît tous les deux et qu'on apprécie tous les deux, qui n'est pas encore très connu, qui s'appelle Manu Servé.

[enthousiaste] Oui !

Est-ce que tu pourrais nous en dire quelques mots, pour ceux qui ne le connaissent pas encore ?

Je l'ai connu sur le net, par ton intermédiaire, d'ailleurs. Il avait fait les Rencontres d'Astaffort, mais je l'ai su après. Ce que j'aime bien, c'est son côté décalé, sans se prendre au sérieux, et surtout, sans se poser la question pour savoir s'il va être critiqué, ou catalogué, ou comparé à. Moi, ça me plaît, ça. Il y a des gens qui font tout pour changer un peu leur style, parce qu'ils ne veulent pas qu'on dise que cela va “ressembler à”, ou “faire comme”, et lui, il y va à fond. Un petit peu comme ce que j'avais fait sur “On m'a dit”. C'est ce qui m'a plu tout de suite. Ses mélodies, sa voix, ce qu'il raconte… Sa chanson où il n'y a que des titres de Jean-Jacques Goldman, j'aurais vraiment adoré avoir cette idée-là ! Je trouve ça très très fort et très très bien.

Comme dirait probablement André Manoukian s'il le découvrait, “c'est un Vincent Delerm psycho-érotique post-moderne” ! [rires]

[rires] C'est exactement ça ! Il nous ferait une phrase comme ça. Il y a cette fraîcheur. Ça ne s'explique pas. C'est vraiment ce genre de musique que j'aime écouter avec plaisir.

Ça fait longtemps que tu dis que tu souhaites écrire pour les autres. Sur ton premier album, tu me parlais de Patricia Kaas ; lors de la sortie de ton deuxième album, tu parlais de Marc Lavoine. Sauf preuve du contraire, rien ne s'est réalisé.

Pas encore…

Mademoiselle Aude Henneville disait en juin 2005 qu'elle avait enregistré un de tes titres, mais que le projet a été abandonné. S'agit-il de “Si tu veux”, que tu interprètes toi, de façon très différente, sur ton deuxième album ?

Exactement.

La version d'Aude est très intéressante. Elle n'a rien à voir avec la tienne…

C'est le jour et la nuit ! Je trouvais ça vraiment bien.

Et pour quelles raisons le projet a-t-il été abandonné ?

Un éditeur parisien était intéressé par cette chanson-là, et voulait faire des tests avec une voix féminine. J'en ai fait avec plusieurs voix – pas seulement Aude – et finalement, ils n'ont pas été séduits par les interprétations… Cette chanson-là n'a pas été retenue. On ne saura jamais si c'est la chanson, si c'est la voix. Il n'empêche que, comme mes chansons sont toujours libres d'édition, ça peut arriver demain. Ça peut nous arriver demain. Il peut y avoir un éditeur ou une maison de disques qui va flasher sur un titre, qui va le donner à un artiste. Comme mes chansons ne sont pas chez un éditeur, tout est ouvert à chaque fois.

“Si tu veux”, chantée par un homme, a une signification totalement différente. “Je ne sais pas ce qu'il t'a fait, je ne sais pas ce qu'il t'a dit, je ne sais pas ce que ça fait, je ne sais pas si ça s'oublie” sous-entend la violence verbale, la violence conjugale, un viol même peut-être. Ce n'est pas du tout le cas quand une interprète féminine dit : “Je ne sais pas ce qu'elle t'a fait” où l'on parle juste d'une rupture sentimentale. Est-ce que tu as eu conscience de ce décalage profond dans l'interprétation, au moment où tu as décidé toi d'interpréter cette chanson ?

Qu'il y ait un décalage, forcément. Qu'il ait fallu la réadapter, c'était évident. Par contre, je n'avais pas conscience de ce que tu viens de me dire, à savoir que ça pouvait donner autant de violence quand c'était chanté par un homme parlant de l'ex-homme. Pour moi, ce n'était pas clair. D'ailleurs, à l'origine, ce texte-là a été écrit par Véronique Chanat, pour être interprété par une femme, qui disait : “Je ne sais pas ce qu'elle t'a fait”. Il a fallu la réadapter à ma sauce. Pour moi, quand on dit : “Je ne sais pas ce qu'il t'a dit” ou “ce qu'il t'a fait”, il s'agit plutôt une histoire d'amour un peu nouvelle, quand la personne a toujours en mémoire son ancien amour. Pour moi, c'était une rupture plutôt simple. Je ne l'avais pas vue sous cet angle-là.

Alors que moi, c'est totalement l'inverse. C'est en prenant conscience de la version d'Aude que j'ai vu qu'il pouvait y avoir une autre interprétation de ce premier degré très violent que moi je m'étais fait en écoutant ta version de la chanson.

Ah, d'accord. C'est surprenant.

[Aude Henneville / Olivier Gann : Si tu veux]

“On traîne tous nos vieilles affaires”… Qu'est-ce que tu as gardé d'inavouable ?

Je ne suis pas un très grand conservateur de petites bricoles comme ça. Je ne crois pas avoir gardé quelque chose de mon enfance par exemple. Je n'ai pas grand-chose ou, en tout cas, je les oublie. J'ai gardé le pass que j'avais quand j'étais au Zénith de Paris avec Isabelle Boulay. Il est toujours accroché en face de mon bureau. Je te dis ça parce qu'il est en face de moi. Je me dis que j'aimerais bien refaire le Zénith un jour...

Un truc que tu gardes, dont tu as honte mais que tu ne pourrais pas jeter ?

Un truc dont j'ai honte et que je ne pourrais pas jeter ? Ah c'est vraiment un questionnaire à la Ardisson ! [rires] Un truc dont j'ai honte et que je ne pourrais pas jeter ? Dont j'ai honte ? En général, quand j'ai honte d'un truc, je ne le garde pas. Qu'est-ce que tu veux que je garde dont j'ai honte ? [après quelques secondes de réflexion] Ah bah si, il y a un truc que j'ai gard : la première chanson que j'ai écrite et qui s'appelle “Ne plus penser”. J'ai toujours la partition que j'ai faite à la main. Je ne veux pas la jeter mais franchement, je devrais.

Jean-Jacques Goldman et moi

J'avais 14 ans quand j'ai entendu Jean-Jacques Goldman à la radio pour la première fois. “Il suffira d'un signe” a été la première chanson où je me suis dit tout d'un coup, voilà quelqu'un qui fait de bonnes chansons. J'aimais bien sa voix, alors que cela dérangeait certains. J'ai tout de suite aimé le groove, j'ai tout de suite aimé ce qu'il dégageait, cette espèce de dynamisme, enfin tout quoi ! Je l'ai vraiment bien aimé dès le début.

J'ai longtemps chanté les chansons de Jean-Jacques – je t'avais parlé de “Laëtitia” il y a quelques années – ce qui m'a valu un certain mimétisme, presque, quand j'avais, 15, 16, 17 ans, mais je ne comprenais rien, en fait ! Je ne m'intéressais pas aux paroles. Plus tard, quand j'ai commencé à écrire mes propres chansons, je me suis rendu compte que ce qu'il disait, c'était bien au-dessus de ce que je faisais moi ! [rires] Je n'ai par exemple découvert le vrai sens de “Comme toi” que des années après. Elle est écrite avec des mots relativement simples, apparemment simples, mais elle est d'une profondeur… Ses paroles paraissent être d'une facilité déconcertante – et ses mélodies, ses arrangements, ses rythmes aussi, d'ailleurs – alors que quand on regarde de plus près, ce n'est pas du tout le cas. J'aime ses chansons moins “bulldozer” : “Doux”, “Il y a”, “Filles faciles” - tout le deuxième disque de l'album gris clair, en fait, le meilleur à mon sens – ou des chansons comme “Si tu m'emmènes” ou “Je ne vous parlerai pas d'elle”. Ce sont ces chansons-là que je préfère.

Et s'il devait t'écrire une chanson, tu aimerais que ce soit sur quel thème ?

Oh là… Il est tellement fort sur tous les thèmes… [rires] (après quelques secondes de réflexion) Une chanson sur une trahison d'amitié. Ça me plairait bien.

Un anti “Je te donne” alors ?

Un anti “Je te donne” ! Voilà ! Un anti “Le frère que j'ai choisi” ! [rires]

Est-ce que tu es “envieux” - entre guillemets, évidemment - de sa collaboration avec Patrick Fiori, pour lequel il a écrit neuf chansons depuis 2002 ?

Je ne suis pas de nature envieuse… Je le jalouse un peu ! [rires] J'aimerais bien qu'il écrive une chanson pour moi… En même temps, ça ne me tracasse pas plus que ça, et je suis déjà très content de mon sort. D”autant que Patrick Fiori joue dans la catégorie au-dessus, autant en popularité, en notoriété qu'en travail.

Je parle de Patrick Fiori en particulier parce que tu te revendiques compositeur-interprète, et que sur les neuf chansons écrites par Jean-Jacques Goldman pour Patrick Fiori, trois d'entre elles l'ont été sur des musiques composées par Patrick Fiori… C'est quand même le rêve, pour un compositeur-interprète, que son auteur préféré place des mots sur sa musique…

C'est vrai. Michael Jones m'a dit un jour, "Si Jean-Jacques te fait un titre, toi tu sauras l'interpréter !” [rires] J'apprécie sa rigueur, son efficacité, la façon qu'il a de formater ses chansons, de les rendre efficaces très très vite, une forme d'arrangements qu'il a créés : les montées de violons, les solos de guitare… Humainement, il a énormément de recul face à sa notoriété. Je trouve ça bien. Je trouve qu'il a un côté décalé, anti-conformiste.

Je l'ai rencontré pour la première fois il n'y a pas si longtemps que cela. C'était à Bordeaux, juste avant un de ses concerts. Je lui ai présenté mes chansons. C'était… en 1998 ! Déjà ! [rires]

La dégoldmanisation

J'ai essayé d'enlever tout ce qui pouvait faire “penser à”, de tout ce qui me rattachait à Goldman : un tempo, les mélodies, les mots utilisés même. J'ai demandé aux auteurs avec lesquels je travaille de ne pas utiliser certaines formules “goldmaniennes”. Parfois, ça a un peu cassé les chansons. Mais je ne sombre pas dans la paranoïa non plus ! Simplement, je ne veux pas me cacher derrière quelque chose. C'est peut-être le premier album où je me dévoile complètement. Sur cet album, je suis comme je suis dans la vie : la manière de dire les choses, la façon d'interpréter. Il m'a fallu vingt ans pour en arriver là. C'était peut-être le parcours nécessaire.

Cadeau d'Olivier pour les visiteurs de "Parler d'sa vie"

 

Site officiel d'Olivier Gann : www.oliviergann.com

Artistes cités au cours de l'entretien :

Les artistes Musikalouest :

Sélections d'interviews et d'articles concernant Olivier Gann :

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