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Olivier Gann : "Le plus beau compliment ? Que mes chansons partagent la vie des gens"
Entretien enregistré les 23 et 24 juillet 2001
Parler d'sa vie, le 5 août 2001
Propos recueillis et retranscrits par Jean-Michel Fontaine

 

J'ai découvert la musique, et plus spécifiquement la chanson française, en 1985, avec "Je marche seul". Ce fut pour moi une véritable révélation, et c'est très vite devenu une véritable passion. Pendant la douzaine d'années qui ont suivi, j'ai découvert tant de trésors, de mélodies magnifiques, de textes ciselés, dans les oeuvres de Jean-Jacques Goldman, Francis Cabrel, Alain Souchon, Michel Berger, Daniel Balavoine et de quelques autres. Mais voilà, le temps passant (et même si les dernières productions des derniers survivants de la Chanson Française n'ont rien à envier à leurs albums des années 70 et 80), je commençais sérieusement à me demander si une relève verrait le jour.

Certes, de temps à autre, on pouvait tomber sur des albums de très bonne facture ("Sans plus attendre" d'Axelle Red, "Bienvenue chez moi" de Florent Pagny, "L'amour est sans pitié" de Jean Leloup, "Engelberg" et "Carcassonne" de Stephan Eicher, "A consommer sans modération" de Michael Jones, "Pigeon d'argile" de Kevin Parent...), mais globalement, le temps passait toujours, et Messieurs Goldman, Cabrel et Souchon ne rajeunissaient pas.

L'explosion des musiques électroniques, du rap et des rythmes latinos, de plus, ne donnait guère de chance à l'émergence de nouveaux talents. L'arrivée des Québécois et des révélations issues des comédies musicales apportait une vague de nouveautés, mais la plupart de ces artistes ne privilégient-ils pas la force brute de leurs capacités vocales au détriment de l'émotion ?

Le constat était là. Goldman, Cabrel et Souchon allaient tous dépasser la cinquantaine, sans la moindre ombre de successeurs dignes de leurs noms. Et puis voilà qu'un beau jour retentirent quelques accords de guitare sèche sur lesquels s'ouvrait, bien plus qu'une chanson, un manifeste :

On m'a dit tu chantes bien, mais y'a déjà Goldman
Encore un matin pour rien, à être Olivier Gann.

Depuis, je suis tombé amoureux de son album. Aucun album depuis la face acoustique de "Entre gris clair et gris foncé" ne m'avait autant touché. Les textes sont simples mais extrêmement recherchés si on les regarde d'un peu plus près ; les histoires d'amours déçues auraient pu arriver à n'importe lesquels d'entre nous, mais qui n'a pas rêvé de trouver quelqu'un pour pouvoir les raconter à notre place, en mieux ? Les mélodies sont accrocheuses, sans être raccoleuses. Les musiques rappellent qu'Olivier Gann a beaucoup écouté Goldman et Cabrel, sans pourtant les plagier. Et les arrangements. La production. Le son. Ce son. La France vient de découvrir un nouveau réalisateur de génie en la personne de Jean-François Moreau, qui a réalisé et co-arrangé l'album. Du studio "Crescendo" de Nantes où "On m'a dit" a vu le jour, Jean-François Moreau et Olivier Gann ont enregistré le meilleur premier album d'un artiste français depuis bien des années. Depuis si longtemps même que je ne saurais vous dire quel était le précédent.

Francis Cabrel, d'ailleurs, ne s'y est pas trompé. Depuis 1994, il organise, deux fois par an, les "Rencontres d'Astaffort", en collaboration avec l'association Les Voix du Sud et des parrains qui se relaient tous les ans (Fredericks-Goldman-Jones, Axelle Red, Louis Chédid, Alain Souchon, Laurent Voulzy...). Ces ateliers ont pour but de faire se renconter des auteurs, des compositeurs, des interprètes, et de leur donner des conseils pratiques. Olivier Gann a participé aux Rencontres en 1997. Deux ans plus tard, il était sous contrat avec Chandelle, la maison de production de Francis Cabrel.

Voici quelques jours, j'ai eu la chance de pouvoir passer deux heures au téléphone avec lui. Voici un condensé de notre entretien.

Olivier, ton premier album à tirage national vient de sortir le mois dernier. Peux-tu nous décrire ton parcours ?

Mon parcours est assez long. Enfin, les gens le trouvent long. Moi, je le trouve normal. Je préfère avoir mis du temps. J'ai démarré à l'adolescence, il y a une quinzaine d'années, dans les bals et dans les cabarets, à la guitare et au chant. J'ai donné des cours, pour gagner de l'argent, pour pouvoir vivre de la musique. L'écriture est arrivée il y a une dizaine d'années. J'ai commencé à écrire mes propres chansons, tout seul comme un grand. C'est le tout début.

Quelles sont tes influences ?

Elles ont varié. Au tout début, j'ai été influencé par le rock, la pop anglaise, mais le rock gentil : le rock FM, le hard FM (ZZ Top, AC/DC…). Plutôt rock, quand même. Et puis lorsque Cabrel et Goldman sont arrivés, j'ai commencé à être plus influencé par ce qu'ils racontaient. Je me suis dit que le texte avait de l'importance, quand même ! J'ai découvert toutes les valeurs de la chanson française il y a une dizaine d'années : Souchon, Jonasz, Chédid…

Un premier titre, surtout lorsqu'il porte le même nom que celui de l'album, est toujours lourd de conséquences, sur une carrière naissante. Comment le choix s'est-il porté sur "On m'a dit" ?

En accord avec la maison de disques. L'album s'appelait autrement, auparavant. La chanson qui avait donné le titre à l'album, "Partager l'instant", n'était pas très forte sur l'album. On avait envie de changer, et on trouvait cela plutôt bien. Les gens parlaient de "On m'a dit" lorsqu'elle était sur l'album auto-produit. Ils ne la connaissaient pas, et étaient interloqués par le titre. "On aimerait savoir ce qu'on lui a dit" ! Elle suscite un intérêt et une curiosité. Voilà pourquoi on l'a choisie. C'est le premier titre qui sort, et c'est le titre-phare du moment.

Quel est le message de "On m'a dit" ?

La chanson a démarré par une remarque que l'on m'avait faite aux Rencontres d'Astaffort. "C'est bien, mais on entend un peu du Goldman et du Cabrel". Tout le contenu, amené par Michel Deshays, a un peu dérivé vers les jeux de mots, mais c'est aussi une manière de ne pas se prendre au sérieux. "On m'a dit tu chantes bien, mais y'a déjà Goldman", ça veut dire qu'il est tellement présent qu'il va falloir être à la hauteur pour pouvoir le dépasser… enfin, l'égaler… euh… faire sa place ! Ça ne veut pas dire "Jean-Jacques Goldman prend trop de place". Il y a tellement de gens de qualité qu'il va falloir se faire une place parmi eux. C'est un constat. Ensuite, il y a également une critique indirecte des gens qui pensent qu'il suffit de modifier son look pour que tout change. On est en pleine période d'apparences. C'est un petit pied de nez à tout ce qui se fait actuellement. On est vraiment dans la période du paraître ! Quand on regarde M6, on a tout compris… "On m'a dit" parle aussi un peu de cela, sans vraiment vouloir attaquer. Moi, je suis un gentil, de toute façon ! [rires] Je ne veux rien révolutionner !

Mais qu'est-ce qu'un mamelouk ?

C'est un militaire. Un militaire de l'armée turque. Un peu comme un légionnaire. Il fonce tête baissée et ne réfléchit pas trop…

Tu es probablement le seul chanteur au monde à parler de mamelouk dans une chanson. C'est une véritable révolution !

[rires] Oui, c'est une révolution !

Tu parlais d'Astaffort il y a un instant. Comment s'est passée ta collaboration avec Francis Cabrel depuis votre première rencontre à Astaffort ?

J'ai fait comme tout le monde. Je me suis inscrit en 1997. Il fallait envoyer une maquette. J'avais un CD autoproduit que j'avais fait un an auparavant. Je l'ai envoyé pour participer aux Rencontres. J'ai été retenu parmi une vingtaine d'autres stagiaires. Pendant ces Rencontres là, d'ailleurs, je n'ai pratiquement rien fait. J'ai participé aux chansons, mais je ne me suis pas fait "remarquer", comme on dit. J'étais même plutôt effacé. Lors du spectacle, je n'ai quasiment chanté aucune chanson. J'ai participé aux chœurs, mais j'étais plutôt effacé. Six mois après, je faisais régulièrement écouter mes maquettes par Francis Cabrel, puisqu'on était restés en contact et que cela ne s'était pas trop mal passé. "On m'a dit" est arrivée dans mon répertoire, mais le premier jet, pas la version que l'on connaît maintenant. Musicalement, c'était un peu différent.

C'était une bossa nova ?

Pas du tout. Tu fais probablement référence à la version de Michel Deshays. J'avais présenté "On m'a dit" à Michel pour qu'il termine le texte, que j'avais commencé. Comme il la trouvait bien, il m'a demandé s'il pouvait la chanter sur son album, qui est sorti après le mien. A la base, la première maquette de "On m'a dit" était guitare / voix. Le texte était quasiment la même chose, mais c'était différent, musicalement. Lorsque je l'ai présenté à Francis Cabrel la deuxième fois, je lui ai demandé s'il acceptait de chanter dessus, et à ma grande surprise, il a dit oui !

Quels rapports as-tu avec Francis Cabrel aujourd'hui ?

C'est mon producteur. Il a produit le disque, le clip que l'on vient de faire. Toutes les manifestations de promo, les télés, les radios, les concerts, sont gérées par Chandelle, la maison de production de Francis Cabrel.

Ressens-tu des affinités avec de nouveaux artistes ? Je pense par exemple à Frédéric Lerner ou Gérald de Palmas…

Je me sentirais plus proche de Gérald de Palmas, de gens comme Arno Elias, mais moins de Frédéric Lerner. Je vois bien l'allusion que l'on pourrait faire avec Frédéric Lerner... Je n'ai pas eu l'occasion d'écouter son album entièrement, mais je trouve que ce qu'il fait est très très proche de Goldman. Je n'ai pas le recul nécessaire pour savoir si je suis dans le même cas, mais même si parfois on y fait allusion dans les articles de presse qui parlent de mon album, on n'en parle pas tant que cela.

En ce moment, en fait, on me parle beaucoup de Cabrel, alors qu'avant qu'il ne devienne producteur du disque, on n'en parlait jamais ! [rires] Cela fait dix ans que je joue dans des cabarets, et en dix ans, on ne m'a jamais parlé d'une quelconque ressemblance avec Francis Cabrel ! Depuis qu'il chante sur mon disque et qu'il est devenu mon producteur, on me parle d'une "influence Francis Cabrel". Il y a des guitares acoustiques, mais j'ai toujours eu des guitares acoustiques ! Si on écoute bien les chansons, on s'aperçoit qu'il n'y a pas du tout de Francis Cabrel. Il peut y avoir éventuellement un peu de poésie dans certains textes, mais il y en a plein d'autres. On s'arrête vraiment aux gens qui sont crédités sur la pochette. Qu'on me dise qu'il y a des influences goldmaniennes, je suis d'accord, et je le ressens. J'en ai chanté dans mon adolescence, dans ma jeunesse.

Pour revenir à Francis Cabrel, la première fois que j'ai écouté ton album, ce qui m'a marqué, c'est que les arrangements - pas les textes, les musiques ou les mélodies - mais les arrangements, étaient très proches de ceux de Cabrel. Je me suis même demandé si c'était lui qui avait réalisé l'album, à la première écoute.

Carrément ! A deux exceptions près, toutes les chansons ont été arrangées par des machines. Sur les albums de Cabrel, il n'y en a aucune. Il ne peut pas mettre de machine sur des disques, puisqu'il déteste cela. C'est vrai qu'il y a peut-être une certaine similitude dans la manière de jouer de la guitare, à contre-temps, mais si c'est le cas, c'est vraiment un pur hasard.

"Adolescent, je draguais les filles en
jouant "Laëtitia" de Jean-Jacques Goldman"

As-tu une méthode de travail ? Par exemple, écris-tu sur une musique, composes-tu sur un texte ?

J'ai une petite règle, la règle de quasiment tout le monde. Ça part d'une mélodie, accompagnée de la guitare ou du piano. Lorsque la chanson est composée, il n'y a pas de texte. Ce n'est que du "la la la". Souvent, on me présente une dizaine de textes, mais sans que les auteurs aient jamais entendu les musiques. Quand je demande un texte à un auteur, je lui demande un thème, mais je ne lui donne pas le nombre de pieds, je ne lui donne pas le tempo, je ne lui donne rien. J'adapte les musiques que j'ai en stock en fonction des textes que l'on m'a présentés ou de ceux qu'il m'arrive d'écrire. Parfois, en lisant un texte, il m'arrive de composer une musique, mais ce n'est pas vraiment une composition non plus, parce que quelque part, on l'a déjà dans la tête. C'est le texte qui amène vers la musique, parce qu'on se dit "ce texte ira bien avec cette musique", mais globalement, je commence par la musique. La musique va donner un état d'esprit à la chanson.

Quelles sont tes sources d'inspiration ?

Comme tout le monde, ce sont des états d'âme ou des histoires d'amour qui ne finissent pas bien. Ça s'écrit plutôt dans "l'après-douleur". Quand on vit des choses bien, on n'a pas besoin d'en parler, on n'a rien à exorciser.

Il faudrait que tu en parles à Lara Fabian !

C'est peut-être l'exception qui confirme la règle ! [rires] Les trois quarts du temps, les gens qui chantent des chansons d'amour, c'est souvent avec des regrets, de la nostalgie, ou des remords. Ça ne finit jamais bien ! [rires]

Est-ce que tu as l'intention, ou envie, d'écrire pour d'autres artistes ?

Je me vois bien écrire pour plein de gens ! J'aimerais que les gens m'écrivent des chansons (et là, je commence un peu à tâter le terrain), mais j'aimerais aussi écrire pour d'autres. Le problème, c'est que les gens pour qui j'aimerais écrire savent déjà écrire. Ou alors, éventuellement, des gens qui ne sont qu'interprètes. Je pense notamment à Isabelle Boulay. J'ai toujours aimé son timbre. Je l'ai rencontrée lors de la première partie de Francis Cabrel il y a deux ans. Elle n'avait pas les chansons qu'elle avait aujourd'hui. Elle s'est bien rattrapée, parce qu'elle a fait appel à des auteurs-compositeurs confirmés. En général, j'adorerais écrire pour des gens qui savent déjà le faire, comme Souchon ou Chédid. Mais ils n'ont pas besoin de moi, ils écrivent mieux ! Je privilégie toujours les gens qui sont interprètes, plutôt que chanteurs. J'écoute peu Garou, même si je reconnais qu'il a un talent énorme. En fait, je suis un peu frustré parce que j'aurais aimé avoir sa voix ! Mais je ressens moins ce que chante Florent Pagny, par exemple, parce que ce sont des gens qui n'ont pas écrit leurs chansons.

Le thème de la solitude revient régulièrement dans tes chansons : "Une heure de plus", "Univers virtuel", "C'est pas une vie", "Juste pour voir", "Attendre". Est-ce le lot de tous les créateurs ?

Je pense que c'est le lot de beaucoup d'artistes. J'ai l'impression que c'est difficile de vivre avec un artiste. Ce n'est pas un cadeau pour la personne qui vit avec ! Comme on est dans notre bulle, pour écrire, pour composer, il ne reste pas beaucoup de place pour le reste. La personne qui est avec un artiste doit être très éprise et très patiente. Ce n'est pas toujours le cas. Même quand on est avec quelqu'un, on est souvent parti. Même quand on est présent physiquement, l'esprit est ailleurs. On est destiné à être seul, j'en suis convaincu.

Que ce soit Cabrel, Goldman ou Souchon, ils ont appris à jouer de la guitare parce qu'ils ne savaient pas parler aux filles, et la guitare, ça aidait bien ! Ce sont des solitaires qui ont forcé leur nature et qui, étant solitaires, ont appris la musique…

Je suis complètement dans ce cas là. Si ces trois là ont dit ça, je dis exactement la même chose. Avant l'adolescence, j'étais très timide, très introverti. Pour l'anecdote, j'ai commencé à draguer les filles, adolescent, en jouant "Laëtitia" de Jean-Jacques Goldman ! On peut penser que quand on est timide, on ne peut pas prendre une guitare et chanter devant des gens. Mais justement, c'est plus facile que de parler à deux personnes, à table. Quand on chante, on peut se cacher derrière sa guitare, son chant, le peu de technique que l'on peut avoir. Et en même temps, on se fait remarquer. En se faisant remarquer, on peut draguer les filles plus facilement. C'est un bon outil. Je me suis découvert cette passion pour la musique après. Finalement, non seulement ça sert à draguer, mais en plus, c'est bien ! [rires] On prend un pied pas possible à jouer, à chanter, et surtout, à entendre les gens chanter vos chansons…

Pour continuer à parler de drague, si l'on en croit "Une heure de plus", "Juste pour voir" et "Attendre", pour toi, amour rime avec attente….

[rires] Elles ne sont pas toutes autobiographiques ! Mais elles pourraient rimer aussi avec "pas facile" ! Ça pourrait rimer avec "compliqué", aussi… Mais ça vient de nous. Ça ne vient pas des gens que l'on rencontre. On a une vie particulière. Quand on choisit le milieu artistique, on choisit tout sauf la facilité. Et on n'a pas le choix. Parce que c'est notre raison d'être. On ne peut pas faire, ou on ne sait pas faire autre chose. Alors ça pourrait rimer avec tout cela. Tiens, j'en ferais bien une chanson ! [rires]

"Je ne suis jamais convaincu de ce
que je fais lorsque j'écris un texte"

Pourrais-tu nous présenter chaque chanson de l'album ? "Pas lui" m'a complètement bouleversée. Pourtant, son sens n'est pas évident à comprendre. De qui parle-t-elle ?

C'est une chanson sur commande. C'est mon frère, qui est décédé maintenant, qui m'avait demandé d'écrire une chanson sur un petit garçon, qui n'avait pas vécu. A l'âge de trois ans, il est tombé de son lit, et il est mort. Je n'avais pas connu ce garçon, et j'avais répondu à mon frère que même si cette histoire me touchait, je ne pourrais pas écrire une chanson sur ce sujet. Et puis finalement, l'idée m'est venue d'écrire une chanson sur moi, à la troisième personne, de tout ce que j'ai eu : "il aura des cadeaux, il aura tout ça". C'est juste un constat. Pourquoi m'arrive-t-il tellement de choses de bien, pourquoi je vis, pourquoi je fais des spectacles, alors que le petit garçon est tombé du lit et qu'il ne lui arrivera plus jamais rien. On peut dire que c'est de la fatalité, mais ça remet plein de choses en cause. Je ne suis pas très croyant, et cette histoire remet une couche là-dessus. Il faut qu'on m'explique pourquoi il y a des gens qui se crashent en concorde, et d'autres pas.

"Comment je vais" parle d'une relation quasi-symbiotique avec son frère. Est-elle autobiographique ?

Complètement. C'est une chanson qui est très difficile à chanter, parce qu'elle traite de la disparition de mon frère. Elle traite aussi de l'égoïsme, des rituels. On a tendance à se recueillir sur les tombes, d'avoir des repères physiques. Je suis contre. Je pense que se souvenir d'une personne, c'est tous les jours. [silence] J'ai du mal à m'exprimer à ce sujet.

Je pense que la manière dont tu construis la chanson fait très bien passer le message…

Surtout dans la phrase "si je prends de tes nouvelles, c'est pour savoir comment je vais". Surtout que la personne ne peut plus répondre. C'est une chanson qui est très dure à chanter…

"Une heure de plus" ?

C'est un texte que Thibaud Couturier m'a envoyé, avec une musique. C'était deux mois avant la sortie du disque. J'ai accroché tout de suite sur son texte, mais la musique me collait moins à la peau. Je l'ai rappelé et je lui ai dit "Ton texte me branche bien, et j'ai envie de mettre une musique dessus". J'avais une musique en tête. Le texte est arrivé et il a déclenché une petite case où j'avais une musique. Elle s'est greffée dessus. On n'a pas changé une virgule, on n'a pas changé un mot. Je n'ai jamais travaillé aussi vite : j'ai dû finir la chanson en un quart d'heure, arrangements compris. Pour moi, c'est un petit miracle. Généralement, je mets un temps fou ! C'est une de mes chansons préférées de l'album…

Je trouve d'ailleurs qu'elle ferait un très bon troisième single, pour faire découvrir autre chose que des chansons rapides…

Oh oui ! "Une heure de plus" a un refrain qui rentre bien dans la tête. C'est la chanson préférée de plein de gens ! Ma maison de disques accroche moins. Ils ne sont pas du tout allergiques, mais il a fallu quand même débattre pour la mettre sur l'album.

"Univers virtuel" ?

J'ai travaillé pour avoir cette chanson ! Ce n'est pas ma chanson préférée, mais elle est hyper-efficace, scéniquement. Elle fonctionne très bien. Elle a été écrite à Astaffort en 1997. J'avais participé à l'écriture d'une autre version, mais j'avais envie d'avoir sur l'album une chanson où je n'avais quasiment rien fait, dans l'écriture. Je prends du plaisir à la chanter, parce qu'elle est un peu décalée, par rapport à mon univers. J'avais envie de la chanter.

Elle pourrait devenir l'hymne des internautes fous qui passent leurs nuits sur le web…

C'est vrai. Elle parle vraiment de la virtualité. On vit dans un monde où tout est aseptisé. C'est vrai que cette chanson pourrait bien représenter Internet. On marche dans un univers virtuel !

"Je crois" ?

C'est une chanson qui ne m'était pas destinée. Je l'avais écrite avec Thierry Jocelyn et Guy Trégaro. Jocelyn est un très bon copain. Il est en édition chez Sony et il a déjà fait quelques titres avec Gérard Bikialo, le pianiste de Francis Cabrel. On se connaît depuis une dizaine d'années. Il m'a demandé de la réarranger, parce qu'il voulait la présenter à sa maison de disques. J'ai commencé à travailler dessus dans mon studio, et j'ai enregistré la maquette pour la présenter à Sony. Par la même occasion, mon attachée de presse, Anne-Claire Galesne l'écoute et me dit, "Cette chanson là, elle est pour toi !". La maison de disques de Thierry Jocelyn, en revanche, n'a pas donné suite, et je l'ai donc enregistrée, avec l'accord de Thierry.

"C'est pas une vie" ?

C'est l'une des rares chansons que j'ai pu faire tout seul avec mes petites mains, paroles et musique. J'ai mis un an à écrire le texte ! Comme je ne suis jamais convaincu de ce que je fais lorsque j'écris un texte, et que j'ai vraiment mis beaucoup de temps, je reste un peu sur ma faim. Je pense que j'aurais pu aller encore plus loin. Ceci dit, c'est une chanson qui me colle bien à la peau. Elle est bien représentative de ce que je peux être dans la vie. Pas forcément dans le contenu, mais dans la manière de parler, de dire les choses.

C'est une histoire racontée, elle n'est pas vraiment autobiographique. Elle parle de quelqu'un qui est tout seul, qui trouve quelqu'un et qui se dit "Tiens, finalement, je suis mieux tout seul !". Moi, je suis marié, cela n'a rien à voir ! Elle peut aussi traduire un rêve. On n'est jamais content, finalement. Quand on est tout seul, on a envie d'être avec quelqu'un, et quand on est avec quelqu'un, on se dit qu'on serait bien tout seul. C'est mon côté Caliméro qui ressort !

Sting ne t'a pas encore appelé ?

Pas encore ! Mais ce serait drôle que la chanson arrive jusqu'à lui ! [rires]

"Juste pour voir" ?

J'avais raconté à Thibaud Couturier quelques histoires de ma vie, d'histoires d'amour pas faciles. Il a toujours une bouteille à portée de main, et moi qui bois très peu, cela n'a pas été compliqué de me faire parler ! Il a un peu brodé mes histoires et il a notamment écrit ce texte, "Juste pour voir". On a tous été dans ces cas là, d'histoires d'amour qui ne se finissent pas bien. On a envie de savoir ce qui se passe derrière, un peu comme Patricia Kaas qui chante "Je voudrais la connaître". On a envie de savoir, juste pour voir, sans se montrer, pour savoir quelle est la personne qui m'a remplacé. Aller voir comment elle est, comment vit, pourquoi j'ai été si mauvais !

Il y a une touche de génie dans ce texte, que je trouve absolument à tomber : "Il a fallu que je m'approche pour voir un petit garçon / On était tellement proches qu'il aurait pu porter mon nom". C'est une formule magnifique !

La force de Thibaud Couturier, c'est qu'il écrit avec des mots simples, des mots de tous les jours, des choses qui n'ont jamais été écrites avant. C'est le talent de tous les grands auteurs. Pour moi, Thibaud Couturier est un auteur fantastique. Pour le prochain album, j'espère que l'on collaborera ensemble. Ses textes sont ceux dont je suis le plus fier, et avec lesquels je suis le plus en harmonie. C'est vraiment un auteur hors pair. On parlera de lui !

"Attendre" ?

C'est une chanson que j'avais déjà écrite, paroles et musique. Je n'étais pas satisfait de cette chanson. Le texte ne voulait pas dire grand chose. Je l'ai soumise à Michel Deshays. Il m'a tout de suite écrit un texte sur mesure, que j'aime vraiment bien. Il est en symbiose avec la musique. Le sujet était libre. C'est quasiment la seule chanson où il n'y a pas eu de direction. La musique l'a certainement inspiré. Il a écrit ce texte en fonction de cette musique. Je lui ai laissé libre recours à son imagination. On s'en est plutôt bien tirés : "Mets ton plus beau taxi", "Il y a des jours où le temps n'est même plus à l'heure". C'est fort ! J'aime vraiment beaucoup cette chanson. Elle a un côté blues que j'avais beaucoup avant, que j'ai perdu, et que l'on retrouve dans cette chanson là. Elle a un côté bluesy De Palmas que j'aime bien. Elle a été enregistrée en live, sans artifices.

"Partager l'instant" ?

Cette chanson était destinée à Patricia Kaas. Elle a été écrite pour elle. Elle devait figurer sur son dernier album. Elle avait été retenue et a failli être enregistrée mais ensuite, pour d'autres raisons qui ne nous ont pas été communiquées, elle n'a pas été sélectionnée.

"Je le vois" ?

J'aime bien cette chanson ! [rires] Je lui trouve un défaut, un défaut d'originalité. Elle n'est pas assez "dégoldmanisée". Elle est assez goldmanienne. Certains vont dire que ce n'est pas un problème, mais moi, cela me dérange un peu. J'ai besoin que l'on entende du Gann, et moins du Goldman. Il y a trop de choses qui font "penser à" : la musique, la façon d'interpréter, le texte, le thème… Ça fait beaucoup trop ! Le chorus de guitare à la fin, "à la Michael". Elle fait penser à une chanson de Goldman. Que mes chansons fassent penser à du Goldman, c'est moins dérangeant, mais qu'elles fassent penser à des chansons de Goldman, là, c'est une autre histoire ! Mais j'aime bien le thème, j'aime bien la façon de l'aborder et je n'ai pas mis trop de temps pour écrire le texte ! [rires]

La seule chose qui n'est pas très claire pour moi, c'est de savoir si la fille est la copine ou la femme du chanteur, ou simplement une amie. Est-ce qu'elle le trompe et il s'en est aperçu sans qu'elle ne s'en rende compte… ?

C'est cela ! C'est un adultère. La fille le trompe. Lui le sait. Elle pense qu'il ne sait pas. Et lui fait tout pour qu'elle ne sache pas qu'il sait. Tout simplement pour la garder. Une histoire double ne vient pas forcément tuer l'amour qu'il peut y avoir entre deux personnes. Il sait que la personne avec laquelle il vit a quelqu'un d'autre, mais son amour est plus fort. Il la met aussi à l'aise. Il fera tout pour faire croire qu'il ne sait rien. Je trouve que c'est une chanson douloureuse, mais positive.

As-tu déjà une idée pour le deuxième extrait de l'album ?

Nous sommes tous d'accord. C'est quasiment sûr. Ce sera "Je crois". On sent qu'elle fonctionne bien.

"On m'a dit" a encore une certaine durée de vie devant elle… Cela n'interviendra donc pas avant la fin de l'année, j'imagine.

Si on n'avait pas eu autant d'actualité à la rentrée (un clip, une tournée avec Isabelle Boulay, des émissions de télé et de radio), on aurait court-circuité "On m'a dit". Je ne voulais pas que "On m'a dit" ait une durée de vie trop longue et devienne une "chanson gadget". Elle n'est pas représentative de l'album. C'est une chanson jeux de mots et on pourrait s'attendre à ce que ce soit mon style, un peu comme Vincent Baguian, alors que ce n'est pas du tout cela. Elle a l'air d'avoir une durée de vie un peu plus longue que prévue. C'est mieux, parce que l'on va pouvoir faire durer l'album un peu plus longtemps.

Utilises-tu Internet ?

Pour moi, Internet, c'est uniquement ma boîte aux lettres. Je surfe très peu, faute de temps. Je trouve que ce n'est pas très rapide. J'aime bien quand les choses avancent. Peut-être que je ne suis pas très bien équipé ! [rires] Ça plante, ça prend du temps…

Je te rassure, c'est pour tout le monde pareil ! [rires]

C'est un peu ennuyeux. Mais sinon, ça m'intéresse. Au début, je passais des heures et des heures. Je me suis un peu calmé depuis. Je m'en sers uniquement pour mon courrier, maintenant.

Est-ce que tu cherches ce que l'on peut dire de toi sur le web ?

Non, je n'y vais jamais. D'une manière générale, je ne regarde pas trop et je ne cherche pas trop ce que l'on peut dire de moi. Ce sont les gens qui m'amènent les articles. Par exemple, quand le clip est arrivé, on me l'a montré, je l'ai regardé, mais je n'ai demandé aucune copie. J'en ai demandé une peut-être trois semaines plus tard, mais parce que mon entourage le demandait. Je ne suis pas très narcissique.

"Les pirates n'aiment pas la musique"

Quel est ton avis sur les MP3 ?

Je ne suis pas très au courant du piratage et de tout ce qui tourne autour. Je ne suis pas pour le gravage des CD. Je trouve anormal que l'on puisse télécharger des albums entiers sur Internet. A la base, les personnes qui ont écrit les chansons ont besoin de vivre. A moins d'avoir un travail à côté. Avoir des albums à un coût plus réduit, d'accord, mais il faut qu'il y ait une recommandation.

Je te posais la question parce que la plupart des artistes à qui l'on en parle sont contre pour des raisons de droits d'auteur, mais l'utilisent quotidiennement pour leur travail.

Moi, pour l'instant, j'envoie un CD de manière traditionnelle, par la poste. Quand c'est pour travailler, il va de soi que les MP3 peuvent être intéressants. Ce qui me dérange, c'est d'aller sur Internet et de télécharger une chanson gratuitement. Je trouve que ceux qui piratent, ce sont des gens qui n'aiment pas la musique. Contrairement à ce que l'on peut dire. S'ils aimaient vraiment la musique, ils participeraient. Il m'est arrivé une anecdote assez drôle. Un soir, à la sortie d'un concert, on m'a demandé de signer un CD gravé. Mon propre CD gravé, avec la jaquette en photocopie couleur. C'était un adolescent. Je lui ai dit que je ne pouvais pas cautionner cela. Il ne comprenait pas. Pourtant, il me demandait de signer mon arrêt de mort ! [rires] Le tout gratuit, ça ne peut pas marcher.

"Lorsque je suis sur scène, je ne veux plus en repartir !"

Préfères-tu le studio ou la scène ?

La réponse est toujours la même : j'aime les deux, parce que ce sont deux choses différentes, qui n'ont rien à voir. Le studio est un travail de concentration, de précision. C'est très long, c'est fastidieux. La scène, c'est tout de suite, maintenant et pas après. Les gens sont venus là pour ça. On donne différemment. La concentration est différente. Le trac est différent. Je stresse beaucoup en studio. J'ai mon propre studio depuis plus d'une dizaine d'années. Je passe mes journées entières dedans. On n'a pas le droit à l'erreur sur scène, alors que le studio, si. J'aime les deux. Quand on fait une longue période de tournée, surtout en été, j'aime bien retourner en studio l'hiver.

Pour l'instant, tu as essentiellement fait des dates régionales, dans le "grand ouest"…

On a quand même des dates "en France" ces derniers temps. On a notamment fait une tournée avec la Fnac. On a fait pratiquement toutes les Fnac en France. On est également allés jouer en Suisse au mois de mai, à Lausanne, pour la Radio Suisse Normande…

Tu veux dire la Radio Suisse Romande…

Oui ! [rires] On a fait un direct où l'on a joué pendant trois quarts d'heure. Il y avait deux ou trois groupes.

En septembre, tu vas faire la première partie d'Isabelle Boulay. Cela va être ta première vraie tournée nationale. Comment est-ce que l'on t'a proposé cette première partie, d'une part, et est-ce que tu angoisses, d'autre part, par rapport au fait que vous n'ayez pas forcément le même pubic ? Est-ce que tu appréhendes cet événement ?

Je l'attends plutôt bien. D'abord parce que c'est Isabelle Boulay. Elle fait de la variété, je fais de la variété. Ce n'est pas si éloigné que cela, finalement. On m'avait proposé d'autres premières parties. Je n'avais pas accepté parce que c'était beaucoup trop décalé. Le public qui vient à mes concerts est un public "gentil". Ce n'est pas péjoratif ! C'est un public propre sur lui, qui n'est pas révolté. Je n'aurais donc pas accepté une première partie "décalée". Isabelle Boulay, cela ne me gêne pas du tout, au contraire ! Elle respire la sincérité… C'est notre entourage professionnel qui le lui a proposé, et elle a accepté.

Cet album est déjà sorti sous une autre forme, avec un autre titre, "Partager l'instant". C'est un bel hommage au public pour quelqu'un qui a déjà 600 concerts à son actif. Quel est ton rapport avec le public ?

Le rapport au public… Il faut qu'il soit vrai. Il faut qu'il soit sincère. Il faut surtout que ça communique ! C'est le plus important pour moi. Parfois, il y a moins de communication, mais ça vient souvent de l'artiste. Il faut communiquer avec eux, leur montrer qu'on est content d'être là. En ce qui me concerne, c'est toujours le cas. Lorsque ce ne sera plus le cas, j'arrêterai ! Même si deux minutes avant d'entrer sur scène, j'ai un tel trac que je me dis "ce n'est pas possible, je n'y vais pas", lorsque je suis sur scène, je ne veux plus en repartir ! Il faut que la soirée se passe dans la communion. "Partager l'instant" parle vraiment de cela. On partage un instant qui est un peu éphémère puisqu'il n'y a rien de palpable. Tout est dans la vision et dans l'écoute. Mais c'est vrai que c'est plus facile et que cela se passe mieux quand le public connaît les chansons, ou qu'il y a des groupes d'amis, de dix-quinze personnes, dans la salle, plutôt que des individus seuls.

Après les concerts, est-ce que tu discutes avec le public ? Est-ce que tu recherches le contact ?

Je ne le recherche pas. Après un concert, il y a un moment de bien-être. Egoïstement, j'aimerais bien le garder pour moi ! [rires] J'aimerais bien être seul, ou avec les musiciens, pour faire le point. Mais il faut aller voir les gens. Parce qu'ils le demandent. Et c'est normal après tout. Ils sont venus, ils ont besoin de voir l'artiste. Pour eux, c'est aussi une reconnaissance. Mais ce n'est pas facile. Parfois, j'y prends du plaisir, mais assez rarement. C'est difficile parce que tout le monde te parle au même moment. Il faut consacrer dix ou trente secondes par personne et passer à quelqu'un d'autre. Alors on a l'impression de n'avoir rien fait. On est frustrés. On dit bonjour à tellement de monde, on a tout juste le temps de signer quelques autographes, que l'on repart frustré. Toujours. Quoi qu'il arrive. C'est pour cela que je n'aime pas tellement ces rencontres là.

"Parfois, on ne me prend pas au sérieux quand
je dis que je suis le chanteur de "On m'a dit"

Depuis la sortie de l'album, est-ce que tu reçois beaucoup de messages et de lettres ?

Oh que oui ! [rires] C'est pour cela que j'aime bien ma boîte aux lettres électroniques. Cela reste anonyme. On ne sait pas où c'est, on ne sait pas où ça va. Le revers de la médaille, c'est que j'en reçois beaucoup. J'arrive à faire face. Je réponds à quasiment tout le monde, de plus en plus brièvement parce que je ne suis pas souvent là. Il va falloir que je trouve un système pour consulter mes e-mails à distance ! Je reçois beaucoup de courrier, beaucoup de messages. Des gens qui ont entendu "On m'a dit" à la radio, ou qui ont acheté le disque par hasard, ou qui nous ont vus en concert. C'est assez nouveau pour moi. Ça date de la sortie de l'album. Je connaissais les "convaincus", mais eux me connaissaient personnellement. Je me disais qu'ils n'étaient pas objectifs ! [rires] Là, j'ai un public nouveau, et force est de constater qu'ils doivent être objectifs puisqu'ils ne me connaissaient pas avant ! [rires]

Penses-tu que l'on peut conserver la même proximité avec le public avec la notoriété ?

Je ne sais pas… Je pense qu'il doit forcément y avoir des compromis, obligatoirement. Je ne sais pas dans la mesure où je n'ai pas cette célébrité là. J'aviserai au moment voulu ! Je pense qu'arrivé à un certain stade, on ne peut plus répondre à tout le monde. Matériellement, c'est impossible. On ne peut plus répondre à la demande, et il faut alors se montrer moins, certainement, pour pouvoir le gérer. Celui qui fait des concerts de dix mille personnes tous les soirs ne peut pas signer des autographes durant la scène après chaque concert. C'est impossible. Je pense que cela deviendrait dangereux !

Le simple fait de laisser ton adresse e-mail personnelle sur ton "site officiel" peut devenir dangereux assez rapidement…

Les gens sont assez surpris. En ce moment, je fais une tournée des campings. Les gens pensent que ce n'est pas la même personne que l'on entend à la radio et qui fait la tournée des campings. Ils pensent que c'est impossible ! Ils me demandent, "elle est de qui cette chanson ?" Je leur réponds qu'elle est de moi. "Oui oui, vous la reprenez, mais qui est-ce qui la chante en vrai ?" [rires] Parfois, on ne me prend pas au sérieux ! Alors c'est vrai que mon adresse e-mail est indiquée sur la page d'accueil… Je pense que l'on va faire quelque chose dans les prochains jours parce que cela risque de devenir très difficile à gérer. Ce qui me fait le plus peur dans ce métier, c'est de prendre la grosse tête. On peut péter les plombs du jour au lendemain. Etant donné que je n'ai pas envie que cela m'arrive, je retarde l'échéance le plus possible. J'ai envie d'y aller, mais je n'ai pas envie. Je n'ai rien changé à ma vie. Je n'ai pas changé de numéro de téléphone. C'est aussi une manière pour moi de me rassurer. Le plus dur, en fait, c'est pour mon entourage, pas pour moi. Les gens qui m'entourent me voient changer, parce que je suis moins réceptif. C'est difficile de tout gérer. Ce qui m'arrive me laisse moins de temps pour ceux qui vivent avec moi…

Ton album est sorti voici un mois et demi. J'imagine qu'actuellement, tu es en pleine promo, que Columbia t'aide à trouver des rendez-vous pour des interviews, des émissions de télé ou de radio…

Ça se passe plutôt bien. On a déjà fait beaucoup de promo radio. La presse écrite va démarrer à la rentrée. Il y a quatre attachés de presse, qui ont chacun leur spécialité : radio, presse, télévision, spectacles. Je vais participer à un Tapis Rouge "Spécial Isabelle Boulay" qui sera diffusé en octobre, avec Patrick Bruel, Pascal Obispo, Jean-Marie Bigard, Francis Cabrel… Ce sera ma première grosse émission de télé. On a aussi une émission sur France 3 le 10 août. On aura certainement des émissions sur France Inter et RTL à la rentrée…

As-tu déjà eu une expérience bizarre en ce domaine ? Un journaliste qui te pose une question complètement déplacée, ou alors tu t'aperçois qu'il n'a aucune idée de qui tu es et qu'il n'a probablement pas écouté l'album…

Cela m'est arrivé. Il y en a très peu qui n'ont pas écouté l'album. En règle générale, ils sont assez professionnels. Il sont souvent bien informés, ils savent de quoi ils parlent. Je suis déjà tombé sur quelqu'un, en revanche, sur une grosse émission de radio que je ne citerai pas, qui n'aimait pas. C'est un peu embêtant. Il a dû faire l'émission par complaisance, et là, c'est un peu difficile. Nous, on a beau essayé de convaincre, on ne convaincra pas quelqu'un qui n'a pas envie de l'être. L'interview s'est passée moyennement. Mais c'est sûrement un manque de métier de ma part. Il faut passer outre. Ce n'est pas la personne en face qui interviewe, ce sont plutôt les milliers d'auditeurs qui sont derrière qui comptent ! C'était plutôt un mauvais souvenir…

As-tu un message à faire passer aux personnes qui liront cet entretien ?

J'espère qu'ils trouveront l'interview intéressante… S'ils aiment mes chansons, j'espère que je ne les aurai pas déçus dans mes propos…

Quel serait le plus beau compliment que l'on pourrait te faire ?

Le plus beau compliment que l'on pourrait me faire ? Que mes chansons partagent leur vie. Que les chansons vont figer une partie de leur vie. Si quelqu'un se marie, ou a eu un décès, ou un enfant… Qu'une chanson aura accompagné leur vie à ce moment là. Si dans dix ans, on m'en reparle. "On a eu notre enfant quand cette chanson là passait !", et qu'ils s'en rappellent. Si elles marquent les esprits, ce serait bien.

Jean-François Moreau : le frère de son d'Olivier Gann

La réussite du premier album d'Olivier Gann est aussi due au talent de Jean-François Moreau, réalisateur et co-arrangeur de l'album. Jean-François a accepté de me raconter sa rencontre avec Olivier Gann et s'est souvenu des anecdotes de l'enregistrement de tous les titres de l'album.

Je suis ingénieur du son au studio Crescendo, à Nantes. Olivier Gann est venu au studio, en 1996, enregistrer quelques titres, comme n'importe quel client. Au début, nous n'avions donc que des rapports strictement professionnels. Ce n'est vraiment que lorsqu'il m'a demandé de réaliser son album "Partager l"instant", en 1999, que nous sommes devenus amis.

Olivier est quelqu'un de très fiable, de sûr, d'honnête. Les superlatifs manquent pour parler de lui ! Il s'implique beaucoup dans les relations avec les personnes avec lesquelles il travaille. Il préfèrera travailler avec quelqu'un avec qui le courant passe bien plutôt qu'avec quelqu'un d'hyper connu mais avec qui le courant ne passe pas. Il n'est pas du tout opportuniste. Il préfère s'entourer de gens avec lesquels il s'entend bien.

Olivier est un peu timide, et il faut le désinhiber au niveau de la voix. Alors je le fais boire ! C'est assez drôle. Olivier, avec un verre à la main, il fait des prises de voix extraordinaires, il se lâche !

Jean-François Moreau, le 31 juillet 2001

On m'a dit

Il nous manquait des titres sur l'album. Un jour, Olivier est arrivé avec ce titre, qu'il avait écrit avec Michel Deshays. Au départ, c'était un morceau qui était très cool, un peu à la Goldman, avec l'after-beat tapé sur la caisse avec la main. Je trouvais ça un peu trop goldmanien. J'ai pensé à carrément détourner le morceau. Je suis parti d'une séquence de rap, que l'on entend sur l'intro, que j'ai bidouillée dans tous les sens. Ensuite, il y a une vraie batterie, et le morceau se développe petit à petit.

Il y a un première version où Olivier faisait la fameuse réponse "ses soupirs, ses dentelles". Il y a même un guitariste, fan de Francis, qui a essayé de le faire sur une deuxième version. Et puis Francis et Olivier sont devenus proches, et on a eu l'original, ce qui était encore mieux !

La voix de Francis a été enregistrée à Astaffort. J'ai reçu un DAT avec uniquement la voix sur "ses soupirs, ses dentelles" et les choeurs pour les refrains. J'ai recalé le tout sur la bande. Il y avait un petit côté magique au final, comme si tout le monde avait chanté en même temps, alors que cela s'est fait à des centaines de kilomètres d'intervalle. Olivier et Francis ont fait plusieurs prises, et j'ai pioché ce qui me semblait intéressant.

Il y a un moment où je fais apparaître Francis tout seul, parce que je trouvais amusant d'avoir un petit clin d'oeil à la fin, comme on l'avait au début. Tout le monde était d'accord. C'était un peu délicat de mettre Francis en avant, vis-à-vis d'Olivier.

Une heure de plus

Il avait quasiment tout fait lorsqu'il m'a présenté ce morceau : les loops de batterie avec des samples, les percus, les modulations de tonalité… J'ai juste apporté un changement de ton au niveau du troisième couplet, pour surprendre et casser le côté lancinant de ce morceau. J'ai ensuite demandé à Mathieu Pichon, qui fait toutes les guitares nylon sur l'album, d'apporter une petite couleur à la fin. C'est un morceau à climat. Olivier a eu énormément de recul sur sa chanson pour créer des arrangements aussi complets. C'est assez rare chez les chanteurs, qui ont du mal à sortir de leurs compositions et à trouver la couleur juste. Olivier a aussi cette qualité là : c'est un très bon arrangeur.

Univers virtuel

Olivier m'avait fait écouter la version enregistrée lors des Rencontres d'Astaffort. Je trouvais cette chanson intéressante. Le thème avait un côté léger et amusant, avec plein de gimmicks, et un clin d'oeil aux années 80 avec le vocoder. C'est une machine qui fait parler un synthé. Cela permet à Olivier de jouer une sorte de petit robot à la fin. On a fait intervenir un guitariste, qui n'est pas du tout issu de la variété, qui s'appelle Laurent Lachatère, l'ancien guitariste de Squealer, un groupe de hard-rock. Egalement, Philippe Richalley, du groupe Mickeystein, est venu faire les choeurs. C'était un clin d'oeil : c'est en voyant Philippe sur scène qu'Olivier a eu envie de faire de la musique.

Comment je vais

Je n'ai pas fait grand chose dessus. Sur la maquette, Olivier avait déjà tout fait : les claviers, les nappes… Je trouvais cela vraiment bien. Quand on a enregistré le titre en studio, on n'a pas réussi à refaire les claviers qu'Olivier avait joués sur la maquette ! Alors on a samplé des blocs de notes de la maquette, et on les a resynchronisées, parce que la version finale n'a pas le même tempo que la maquette. La version finale est légèrement plus rapide.

J'appréhendais l'enregistrement des guitares. Je pensais y passer trois heures, mais Olivier les a réussies en une prise ! Sur le mix, on en trouve une à gauche et une à droite. Pour la voix, plutôt que d'enregistrer un couplet, un refrain, un autre couplet, séparément, on a fait deux ou trois prises complètes de la chanson, très tard, après deux Martini. J'ai conservé la deuxième prise en entier, à l'exception de la dernière phrase.

Je crois

C'est un des derniers morceaux qu'Olivier a enregistrés. A ce moment là, il maîtrisait de mieux en mieux la technique des synthés, notamment pour la programmation des loops. Il a avancé le plus possible de manière à ce que j'aie une base lors de la réalisation du morceau final. J'ai voulu restructurer le morceau en ajoutant des ponts, des breaks, mais je me suis aperçu que la version de départ était beaucoup plus efficace. J'ai simplement rajouté les percussions : les congas, les cloches, les tambourins… Mathieu Pichon a fait un super solo en plein milieu ! Il a également donné cette couleur latino, avec une guitare rythmique.

Olivier n'était pas là lorsque nous avons enregistré les percussions et les guitares. C'était un vrai bonheur de voir sa réaction lorsqu'il a découvert le résultat. C'est agréable de travailler avec des gens qui apprécient ce que l'on fait pour eux.

Pas lui

L'enregistrement est étonnant. Olivier a enregistré le piano dans un conservatoire, pour avoir un vrai piano, un quart-de-queue. Nous étions tous les deux. La première prise était parfaite. Les suivantes étaient moins intéressantes. La voix a été enregistrée en studio, après coup, pour des raisons techniques. Toutes les chansons tristes ont été enregistrées à la même période. Olivier était très fatigué, et on enregistrait généralement très tard.

C'est pas une vie

La maquette était beaucoup trop rapide, alors je l'ai ralentie. Mais la rythmique était devenue trop molle. J'ai refait toutes les programmations, mais ça ne sonnait toujours pas. Alors j'ai demandé à René Bélanger de jouer de la vraie batterie. On entend bien la différence si on fait attention. Sur la maquette, Olivier avait fait plein de guitares saturées, mais ça ne plaisait pas à tout le monde. En cachette, avec Mathieu Pichon, on a rejoué les guitares saturées, avec un tout petit ampli, de la taille d'une boîte à chaussures ! On les retrouve sur le dernier refrain.

Toutes les guitares qu'on entend sur le deuxième couplet n'étaient pas destinées à être gardées. Je les ai enregistrées pendant qu'Olivier ou Mathieu s'échauffaient, réglaient leur guitare. Je les ai utilisées, par exemple, pour la rythmique électrique cocotte. Elle durait une seconde et demie et je l'ai montée pour faire évoluer le morceau.

Qu'est-ce qui est le plus dur à enregistrer ? Une chanson lente ou une chanson rapide ?

Sur une chanson lente, le texte a généralement plus d'impact. Il faut faire attention à ne pas tomber dans le mauvais goût, à ne pas empiéter sur le texte, sur le chant. Pour une chanson rapide, il se passe tellement de choses qu'il ne faut pas polluer l'écoute. Il faut conserver le maximum de dynamique, pour que l'auditeur ait le plus de sensations possibles, que ce soit pour danser ou même taper du pied. Chaque morceau est un nouveau challenge.

Juste pour voir

J'avais organisé un apéritif avec Olivier et Bruno Loisat, le graphiste qui s'est occupé des premiers disques autoproduits d'Olivier. Vers une heure du matin, Olivier avait un peu bu. Il nous a parlé de lui, de son passé, et notamment de l'histoire derrière "Juste pour voir". Et puis lorsqu'il a eu fini, alors qu'il pensait sans doute que nous allions tous nous coucher, je lui ai dit "Tu vas aller chanter, maintenant !" [rires] Il était tellement dans l'émotion de dont il venait de nous parler que tout est sorti tout seul ! Il n'a fallu que deux prises… On avait les poils qui se dressaient sur les bras. Tout se passait tellement bien qu'on a décidé d'enregistrer "Attendre" dans la foulée.

Attendre

Il y a eu une erreur lors de l'enregistrement : dans le troisième couplet, il aurait dû chanter "Qui verra vivra" puis "Qui vivra verra". On a fait deux prises, mais là, l'alcool commençait vraiment à le troubler ! [rires] C'est après coup qu'on s'est aperçus de l'erreur, mais on n'a jamais réussi à obtenir une version aussi intéressante que ce soir là, alors on a gardé "l'erreur".

Partager l'instant

C'est un morceau ternaire qui était prévu pour Patricia Kaas. On a fait tout un tas de guitares saturées avec de gros amplis, mais avec le son au minimum, pour ne pas donner un côté trop hard-rock… Si on écoute bien, il y a beaucoup de guitares saturées sur cet album. On en a enlevé au mixage. Je préférais avoir beaucoup de matière sur ce titre, pour pouvoir épurer par la suite. Olivier a fait trois prises de voix, dont on a pris les meilleurs moments. Il a fait les choeurs lui-même.

Je le vois

C'était le titre préféré de la femme d'Olivier. Olivier avait une quarantaine de titres pour l'album, et on avait mis celui-là un peu de côté. Olivier m'avait fait écouter tout ce qu'il avait depuis des années : des cassettes, des DAT… J'aimais bien la chanson, mais je trouvais l'arrangement un peu vieillot. Un soir, chez lui, sa femme, Nathalie, nous en a reparlé. On a repris le morceau au départ. Tous les sons ont été faits sur un tout petit synthé, un Sound Canvas. A l'origine, le titre s'arrêtait avant le solo de guitare. Il descendait d'un ton et se terminait tranquillement. Je me suis dit que comme c'était le dernier morceau de l'album, qu'il n'y avait pas de long solo de guitare à la "guitar héro", que c'était le morceau préféré de sa femme, et que sa femme aime bien les solos de guitare, on allait faire un solo de guitare ! Pour ne pas tomber dans le côté "guitar héro" non plus, le solo arrive à un moment où on ne s'y attend pas du tout. Erik Dominech, qui interprète ce solo, joue dans un groupe qui s'appelle les Wild West. J'avais produit leur premier album, et j'ai tout de suite pensé à lui pour le solo. C'était la première fois qu'Erik jouait pour un autre groupe que le sien.

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(c) juillet - août 2001 Jean-Michel Fontaine - Tous droits réservés

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