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Grand témoin : Alain Etchegoyen
(Victor, le magazine polysensuel du journal Le Soir,le 31 décembre 1999)

Grand témoin : Alain Etchegoyen
Victor, le magazine polysensuel du journal Le Soir,le 31 décembre 1999
Jean-Pierre Stroobants
Retranscription de Monique Hudlot

Il dort 4 heures par nuit. Normal, le jour Alain Etchegoyen est professeur, philosophe, consultant, homme de médias… Et père. Il le dit, il l'écrit. Avec son ami Jean-Jacques Goldman.

Trois mariages, six enfants, une vingtaine de livres, des métiers qui ne se comptent plus : rencontre avec un philosophe boulimique et pluriel.

Jean-Pierre Stroobants : Professeur, philosophe, agitateur d'idées, écrivain, homme de médias, consultant, père : vous êtes tout cela et plus encore. Mais qui êtes-vous à vos yeux, Alain Etchegoyen ?

Alain Etchegoyen : Je me définis comme "professeur de philosophie". "Philosophe", c'est l'invention des journalistes de l'audiovisuel français, qui jugent que l'appellation "professeur" est insultante…

Jean-Pierre Stroobants : Et "philosophe", c'est insultant ?

Alain Etchegoyen : Non. Mais je ne suis pas certain d'enseigner un système, une règle très originale.

Jean-Pierre Stroobants : Qu'est-ce que la philosophie ?

Alain Etchegoyen : L'endroit où l'on analyse des concepts. Ce qui est utile aussi bien dans l'entreprise, la politique, l'action, l'observation…

Jean-Pierre Stroobants : … Domaines dans lesquels vous êtes présent. Lequel vous occupe le plus ?

Alain Etchegoyen : Si l'on parle en temps, sans doute l'industrie. Je suis administrateur à Usinor, conseiller chez Guerlain, Vivendi, des entreprises moyennes du Nord. Et je vais travailler pour la Poste. J'enseigne à mi- temps. En classes préparatoires au Lycée Louis-le-Grand, un véritable paradis parisien où je me livre à un plaisir pur. Et dans une ZEP, une zone d'éducation prioritaire réputée "difficile", où j'ai demandé à pouvoir aller. Mon autre activité, c'est l'écriture. Et puis, je suis membre du Comité national d'éthique et je collabore avec le ministre Claude Allègre, même si j'ai officiellement démissionné d'une fonction qui m'avait été confiée. Enfin, je consacre beaucoup de temps à mes enfants.

Jean-Pierre Stroobants : Vraiment ? Vos journées font plus de 24 heures ?

Alain Etchegoyen : J'ai pris l'habitude de dormir très peu : entre 3 et 7 heures du matin, toutes les nuits. Et je m'organise un temps sans téléphone, sans rendez-vous, avec mon seul ordinateur, de 22 heures à 3 heures du matin. Quand le ministre Allègre m'a embauché, je lui ai dit : "D'accord, mais tous les soirs je serai chez moi à 18 heures". Il l'a bien compris et m'a fait installer un système informatique à domicile.

Jean-Pierre Stroobants : On vous baptise parfois, parce que vous travaillez pour des patrons, "le saint-bernard des puissants". Cela vous fait quoi ?

Alain Etchegoyen : C'est vrai que j'aime beaucoup le pouvoir, même si le fait que beaucoup de mes proches se retrouvent aujourd'hui au pouvoir, en France, est un peu le fruit du hasard. Mais je distingue le pouvoir de la richesse, qui m'intéresse peu.

Jean-Pierre Stroobants : Pourquoi un texte, dans "Le Monde", qui défend Michelin lorsque le groupe annonce des licenciements massifs ?

Alain Etchegoyen : Pas parce que Michelin est puissant. Parce que je ne supporte pas que l'on traîne des gens dans la boue lors d'une cabale médiatique et politique. Dans le temps, j'ai aussi publié un texte sur Pierre Suard, l'ancien patron de la CGE qui a connu des difficultés pour avoir fait réaliser des travaux de sécurité à son domicile privé mais payés par son entreprise. Pourquoi l'ai-je écrit ? Pour m'en prendre à ceux qui lui crachaient dessus après lui avoir mangé dans la main, deux jours plus tôt.

Jean-Pierre Stroobants : Les patrons qui vous embauchent, pourquoi le font- ils ?

Alain Etchegoyen : Une précision, quand même : j'ai travaillé pour beaucoup d'autres personnes que des grands patrons. Et j'ai eu, avec certains, des affrontements. Ceci dit, ceux-ci me demandent essentiellement de les aider à définir des concepts : le client, la responsabilité, la communication, la qualité…

Jean-Pierre Stroobants : Vos amis de gauche vous pardonnent ces pratiques ?

Alain Etchegoyen : Etre un patron d'industrie, aujourd'hui, c'est en permanence faire des choix. Je rappelle aussi à la gauche que les patrons sont ceux qui créent de l'emploi.

Jean-Pierre Stroobants : Quand Usinor crée de l'emploi par la réduction du temps de travail, elle fait de l'éthique ?

Alain Etchegoyen : Le patron du groupe est dans la ligne des grands serviteurs de l'Etat. J'ai travaillé sur ce projet en rencontrant en tête à tête quelque cent cinquante personnes désireuses de réduire volontairement leur temps de travail. Ce fut une expérience passionnante : elle montrait des hommes et des femmes désireux d'agir à la fois pour eux et pour les autres.

Jean-Pierre Stroobants : Martine Aubry, qui est votre amie, a concrétisé les 35 heures. Vous avez pris vos distances avec cette initiative. Pourquoi ?

Alain Etchegoyen : Ce qui me gêne, c'est le côté obligatoire de sa formule.

Jean-Pierre Stroobants : Quelle est votre conception du bonheur ?

Alain Etchegoyen : Je n'en ai pas. C'est philosophiquement une idée vide, contrairement à la liberté ou à la responsabilité. Le bonheur, laissons cela aux vaches qui regardent passer les trains.

Jean-Pierre Stroobants : Quelle est votre valeur ? La générosité ?

Alain Etchegoyen : Sans doute. Je pense qu'il faut savoir (se) dépenser.

Jean-Pierre Stroobants : Pourquoi ne pas vous être engagé en politique ?

Alain Etchegoyen : J'ai tenté deux adhésions au PS parisien, dont la dernière entre 1975 et 1978. Pendant trois ans, je n'ai plus fait que ça : des réunions de tendances et de sous-tendances à longueur de temps. Difficile de ne pas finir c… à ce rythme-là. Le choix de vie lié à la politique est terrible ! Et je ne m'en sens, c'est vrai, pas capable, compte tenu, notamment, de mes enfants et de ce que je veux leur apporter.

Jean-Pierre Stroobants : Vous avez beaucoup écrit sur la responsabilité, la corruption. Comment jugez-vous l'évolution politique en France ou en Belgique ? La page des scandales est-elle tournée ?

Alain Etchegoyen : Il y a incontestablement progrès. Il reste à voir s'il n'est pas dû seulement à la répression pénale. La corruption reste une menace permanente et des partis ont trop tardé à faire le ménage, ce qui ne pouvait qu'encourager l'extrême-droite.

Jean-Pierre Stroobants : Chercher des "responsables" à toute chose est une tendance très marquée de nos sociétés. Cela ne nous mène-t-il pas à une impasse ?

Alain Etchegoyen : On ne tolère plus qu'il y ait d'"accident". Voyez les procès faits, en France, à la Seita, la régie des tabacs : on l'attaque parce que des gens, pourtant capables de lire des mises en garde, continuaient à fumer. Ils auraient, selon leurs proches, été "irresponsables". C'est injurieux ! Demain, Peugeot et Renault seront, selon cette logique, condamnés parce qu'un conducteur aura commis un excès de vitesse… Le refus de tout "accident" de la vie pourrait aussi nous conduire à des perversions énormes, dont l'eugénisme : "Pourquoi faire l'amour ?", diront certains demain. "Ayons recours à la fécondation in vitro, qui permettra d'éviter le hasard d'un embryon porteur d'une maladie".

Jean-Pierre Stroobants : Et si un accident survient, on pourra toujours s'en remettre à des avocats…

Alain Etchegoyen : Bien sûr ! C'est ce qu'Atom Egoyan avait bien montré dans son film "De beaux lendemains". Savez-vous qu'aux Etats-Unis, des femmes ont porté leur dossier devant la Cour Suprême parce qu'elles voulaient être dédommagées du fait d'être des femmes et d'avoir des menstruations…

Jean-Pierre Stroobants : La question sociale vous intéresse ?

Alain Etchegoyen : Bien sûr. Parce que l'injustice sociale me révulse. Mais je reproche à la gauche de ne pas s'être assez rapidement souciée de questions qui n'avaient aucune raison d'être "de droite" : la famille, la sécurité.

Jean-Pierre Stroobants : Vous êtes devenu, volontairement, prof de philo en banlieue. Vraie conviction ou démagogie ?

Alain Etchegoyen : Je pense qu'un service public qui fonctionne doit envoyer les profs les mieux formés dans les écoles qui en ont le plus besoin. J'ai refusé des nominations importantes tout en réclamant un poste en banlieue et j'aurais préféré oeuvrer dans le silence. Je me suis toutefois retrouvé coincé par le mouvement lycéen de 1998 : à chaque fois que, dans un débat, je m'élevais pour défendre les projets du ministre Claude Allègre, il se trouvait quelqu'un pour me refuser la parole parce que j'étais "prof à Louis-le-Grand", lycée chic. Pour être simplement écouté, j'ai donc dû évoquer mon autre expérience.

Jean-Pierre Stroobants : Vous enseignez la même chose à tous vos élèves ?

Alain Etchegoyen : Exactement, oui.

Jean-Pierre Stroobants : Vous êtes écouté de la même façon ?

Alain Etchegoyen : Non. Et, en banlieue, on me pose des questions très politiquement incorrectes, désarçonnantes. L'an dernier, j'évoquais le thème du désordre dans la nature. Un élève kurde m'a interpelé : "Monsieur, quand un homme aime un homme, quand une femme aime une femme, est-ce un désordre de la nature ?"

Jean-Pierre Stroobants : On vous reproche d'être l'un des philosophes du nouveau "prêt-à-penser". Réaction ?

Alain Etchegoyen : Je pense toujours au texte fondamental de l'allégorie de la caverne, de Platon : le devoir du philosophe, c'est de descendre dans la caverne pour parler avec les non-philosophes. C'est sa dette à la société. Moi, enseigner en fac de philo, former des profs de philo, cela ne m'intéresse pas du tout. Ce qui m'intéresse, c'est d'avoir en face de moi des futurs patrons et de les intéresser à ma discipline, de faire du prosélytisme. Mon travail, c'est : "Comment faire pour me faire comprendre ?". Par tous, sans recours à un jargon qui exclut.

Jean-Pierre Stroobants : Vous publiez un livre d'entretiens avec Jean- Jacques Goldman sur le rôle des pères (1). Mai 68 a, selon vous, causé des dégâts dans les domaines de l'éducation et de la famille ?

Alain Etchegoyen : Des psychologues, des psychanalystes, des pédagogues s'exprimaient sur ce sujet. Nous avons décidé de parler en tant que pères, différents mais d'accord sur un point : les conséquences de 68 furent effectivement désastreuses. Nous pensons tous deux que notre rôle de père, c'est d'indiquer des limites, de mériter l'autorité, d'aimer les enfants. C'est dur, mais c'est un plaisir énorme.

Jean-Pierre Stroobants : Parler de liberté, d'autorité, peut sembler rétro…

Alain Etchegoyen : C'est bien pour cela qu'il faut le faire ! L'exercice de l'autorité est essentiel et beaucoup plus difficile qu'avant, notamment pour les pères. Un nouveau discours doit être construit. Certains pensent qu'évoquer ces questions, c'est s'inscrire dans l'histoire "Travail, Famille, Patrie". Aujourd'hui, aucun progressiste, en France, n'est contre le travail, contre la famille ou contre la patrie.

Jean-Pierre Stroobants : Un livre avec Jean-Jacques Goldman, cela ne doit pas améliorer votre image dans le milieu de la philosophie universitaire…

Alain Etchegoyen : Sans doute. J'aime les variétés. Elles sont dégradées d'ailleurs, depuis "Age tendre et tête de bois" et le "Palmarès de la chanson", mais bon…

Jean-Pierre Stroobants : Comment avez-vous rencontré Goldman ?

Alain Etchegoyen : Un jour, on m'a proposé d'inviter dans une émission de radio quelqu'un que je ne connaissais pas. J'ai demandé Goldman, avant Fanny Ardant, Carla Bruni et Gérard Depardieu. Goldman, qui ne se déplace jamais, est venu parce qu'il avait été intéressé par un de mes livres. Nous avons sympathisé, nous nous sommes beaucoup revus, avec nos enfants, des amis, des amis politiques.

Jean-Pierre Stroobants : Bilan: un livre de pères sur leurs gosses. Pourquoi ?

Alain Etchegoyen : Deux femmes qui parlent de leur maternité, c'est fréquent. Mais deux hommes parlant de la paternité, cela ne se produit jamais ! Cela a d'ailleurs modifié notre manière d'agir.

Jean-Pierre Stroobants : C'est qui, Goldman ?

Alain Etchegoyen : Un homme psychologiquement fantastique. Je connais des entreprises où, dès que le chiffre d'affaires dépasse un milliard de francs, le patron devient odieux. Goldman, lui, touche des droits d'auteur comme personne n'en connaît mais reste simple, discret, timide. Il ne file pas en Suisse, parce qu'il estime avoir une dette vis-à-vis de la République. Et puis, il a des convictions très fortes et très politiquement incorrectes. Cela me plaît. Quant à ses gosses, il a évité de les pourrir. Après avoir fait ce livre avec lui, je l'ai trouvé plus formidable encore !

Jean-Pierre Stroobants : Il a la réputation d'être l'homme du silence…

Alain Etchegoyen : Oh, vous savez, le silence qu'il affecte est une excellente stratégie de communication aujourd'hui… D'ailleurs, quand notre livre est sorti, qu'est-ce qui intéressait la plupart des journaux français ? Une photo de nous avec nos 9 enfants, pas un entretien. C'est bien la preuve.

Jean-Pierre Stroobants : Vous êtes allé à ses concerts ?

Alain Etchegoyen : Oui. J'ai été frappé par son public, que je dirais "démocrate" parce qu'on ne peut pas lui faire faire n'importe quoi. Un public qu'il respecte en refusant de jouer la carte du fanatisme.

Jean-Pierre Stroobants : Etchegoyen-Goldman : incarnations des "nouveaux pères" que recherchaient les médias il y a dix ans ? Et qu'en pensent les épouses ?

Alain Etchegoyen : D'abord, vous aurez noté que nous ne sommes pas d'accord sur tout. Il affirme que lorsqu'un bébé arrive, petit machin dans son couffin, sa priorité à lui, c'est de rendre la femme heureuse, ce qui lui permet d'obtenir un succès extraordinaire. Moi, je n'ai jamais pensé à cela.

Jean-Pierre Stroobants : Vous, vous ne pensez qu'à vous ?

Alain Etchegoyen : Je ne pense qu'à mon rapport au bébé…

Jean-Pierre Stroobants : Comment ont réagi vos enfants à ce livre ?

Alain Etchegoyen : Ils étaient d'abord très inquiets de ce que nous allions dire d'eux ! Au début de la relecture, nous avons supprimé tous leurs prénoms. En tout cas, notre complicité les a beaucoup intrigués.

Jean-Pierre Stroobants : Vous écrivez qu'aujourd'hui, la peur pour les enfants n'est pas une méthode d'éducation. Néanmoins, avez-vous peur pour eux ?

Alain Etchegoyen : Non. Des dangers les menacent mais on peut leur faire des propositions par rapport à cette réalité. Cela suppose de passer du temps avec eux, de les suivre. Et, même si cela peut paraître "réac", de suivre aussi leurs fréquentations. Ils vont se rebiffer mais, au bout de trois semaines, ils comprendront. J'ai interdit à l'un de mes fils d'aller à un concert du groupe NTM avec certains de ses copains. Il a râlé…

Jean-Pierre Stroobants : Vous évoquez fréquemment le thème de la violence. Il vous préoccupe particulièrement ?

Alain Etchegoyen : Peut-être parce que je suis violent… [rire] Je peux entrer dans des colères vraiment noires. Mais je me contrôle. Heureusement…

Jean-Pierre Stroobants : Comment ne pas faire peur aux enfants confrontés à la violence ; comment leur apprendre à ne pas se préoccuper uniquement de l'argent ?

Alain Etchegoyen : Quand une autorité claire, nette, juste, adulte se manifeste, elle peut faire beaucoup de choses pour les enfants. C'est la leçon de mon expérience en ZEP. Dans sa famille, un enfant cherche de l'amour, de l'affection. Mais, en permanence, il cherche aussi une limite, un "non". L'absence de "non" est, dans beaucoup de cas, ressentie par lui comme le début du mépris. La question de l'argent, Goldman l'a gérée mieux que moi qui, il est vrai, n'ai pas les mêmes revenus. Ses règles sont strictes : il a, par exemple, prévenu ses gosses qu'ils n'auraient pas d'héritage… Je pense qu'il vaut mieux gérer très tôt cette question du fric. Transformer l'argent en outil de sécurité, pas en mode de vie.

Jean-Pierre Stroobants : A part cela, votre méthode éducative : parfaite ?

Alain Etchegoyen : Non ! Je me rendu compte d'une chose : je passe mon temps à occuper mes enfants. J'oublie de leur apprendre à s'ennuyer. Je vais rectifier le tir.

Jean-Pierre Stroobants : Vous connaissez bien la Belgique. Quel regard jetez-vous sur ce pays qui doute ?

Alain Etchegoyen : Je le connais depuis que je suis né. Mon père travaillait comme représentant pour Côte d'Or, dont il fut ensuite le président en France, jusqu'à la revente à Jacobs-Suchard… Je passais mes vacances en Flandre. Puis j'ai enseigné à l'ULB, j'ai travaillé pour Cockerill. A l'Université, j'ai été stupéfait par la négociation des notes avec les étudiants : en France, personne ne conteste les points que donne le prof ! La deuxième expérience m'a étonné pour une autre raison : la peur et le refus de la mobilité qui animent vos compatriotes !

(1) "Les pères ont des enfants", Ed. du Seuil, 288 pages.

Parcours 1951 - Naissance d'Alain Etchegoyen à Lille dans une famille catholique 1973 - Après des études chez les jésuites, il devient agrégé de philosophie à 22 ans 1981 - Nomination comme professeur au Lycée Louis-le-Grand, en terminale "Matériaux et productique". Depuis 1998, il enseigne dans un lycée de banlieue 1990 - Invitation chez Bernard Pivot pour évoquer "La valse des éthiques", prix Médicis de l'essai 1993 - Collaboration avec Martine Aubry 1994 - Naissance de Pierre, son sixième enfant : "J'aurais aimé en avoir sept" dira-t-il plus tard 1995 - Nomination au poste d'administrateur du groupe sidérurgique Usinor 1997 - Désignation comme conseiller du ministre de l'Education, de la Recherche et de la Technologie 1999 - Parution de "Les pères ont des enfants", livre d'entretien avec Jean-Jacques Goldman

Portrait Le hall d'un grand hôtel parisien, rue de Rivoli. Alain Etchegoyen, mèche en bataille et petit cigare collé à la lèvre, paraît entrer dans ses meubles. "J'y viens rarement", objecte-t-il. Hasard : un club de réflexion réunissant des spécialistes de l'économie tient salon. Bien sûr, le professeur de philosophie connaît tout le monde et tout le monde le connaît.

Etchegoyen (dites : Etchegoyain), conseiller de grands patrons, administrateur d'Usinor, s'est taillé un rôle à sa mesure dans le milieu des décideurs qui, il l'avoue, le passionne. Mieux, le fascine, lui le philosophe qui sait distinguer la puissance réelle de son complément vulgaire, l'argent. Un autre art l'envoûte : la politique. Et de celui-là, il ne veut retenir que l'attrait du pouvoir, pour mieux rejeter ce qui l'ennuie à mourir : la militance, les débats interminables, les guerres de tendance.

Il aime la cuisine, jusqu'en s'incarner en père nourricier de sa nombreuse famille, à laquelle il veut éviter les conserves et les cantines. Mais, dans ses innombrables activités, il délaisse toujours l'entrée de service.

Ami personnel de Monsieur et Madame Jospin (avec Sylviane Agacinski, l'épouse du Premier ministre français, il a animé l'émission "Grain de philo" sur France 3), il tutoie Martine Aubry et Elisabeth Guigou. Cela ne l'empêche pas d'affirmer qu'après Mai 68, il se sentait gaulliste. Et, pendant dix ans, il a été l'homme de confiance de Pierre Guillaumat, ancien ministre du général et fondateur du groupe Elf.

Aujourd'hui, il seconde les patrons d'Usinor, de Vivendi, de Guerlain. Le journal "Libération" l'a baptisé "dealer de concepts". Cela lui va à ravir.

L'homme aux multiples vies, féru de philo, d'économie, d'essai, de morale et d'enseignement s'est découvert, il y a longtemps, une autre vocation : celle de père. Il n'hésite pas à interrompre ses journées débordantes pour voler à l'aide de ses six rejetons. Et ce qu'il préfère par-dessus tout, c'est confronter sa paternité à celle de tous ceux qu'il rencontre. Comme pour se rassurer.


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