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Libération, 26 septembre 1979
Article de Serge July
Retranscription de Dominique F.

Comme un éclair violent dans une nuit bourrée d'ivrognes et d'aveugles qui se cognent les uns aux autres, l'assassinat de Pierre Goldman n'en finit pas de jeter une lumière terrible sur ces dernières années.

Homme de ce temps qui courait après ses ombres, Pierre Goldman est en train de disparaître sous des appellations contrôlées. Chacun essaie de retenir de lui l'image qui convient à son narcissisme, au besoin quasi viscéral que beaucoup ont de simplifier les choses et les êtres pour s'y retrouver eux-mêmes. Pierre Goldman avait pourtant mis de sérieuses chausse-trappes à son destin : il était mille contradictions en action, se déplaçant et se transformant au fil des jours. Il n'est pas une vérité de Pierre Goldman, mais il en est de multiples. C'est sans doute la richesse de ses facettes, son refus obstiné de la simplification qui en ont fait résolument un homme d'aujourd'hui. C'est pourquoi tant de gens se reconnaissent en lui, jamais totalement, toujours partiellement, en sachant qu'une partie d'eux-mêmes a été atteinte de plein fouet par plusieurs balles.

L'angoisse qui entoure le cadavre de Pierre Goldman paraît immense, comme une vague qui en déferlant submerge les différences, et rassemble dans un même sentiment une foule qui brutalement vient de découvrir l'existence d'un terrorisme d'extrême-droite, de meurtriers fascistes s'en prenant non plus seulement aux Arabes. Il y a toujours un racisme honteux y compris à gauche, mais à un homme de conviction. Pierre Goldman a été tué parce qu'il était un certain visage de la France que d'autres français haïssaient au point de vouloir faire de lui "un exemple".

Cette angoisse est d'autant plus forte que les tueurs sont encore plongés dans un anonymat total. Mille hypothèses se croisent et s'entrecroisent, pour tenter de décrypter ce signe de mort. S'agit-il d'une réaction à la déliquescence de l'extrême-droite française de plus en plus intégrée aux institutions ou d'une tentative de restructuration fasciste à l'occasion de la crise économique et du vide politique ? S'agit-il d'un avatar de la légitime défense ou du premier pas d'apprentis sorciers de la stratégie de la tension qui tentent leur "chance" dans le meurtre politique ?... De la réponse à la question "Qui a tué ?" dépend tellement l'avenir, que tout paraît suspendu comme si tout un chacun savait que quelque chose d'essentiel s'était noué, place de l'Abbé Hénocque, le 20 septembre et que nous devions attendre encore pour en saisir le sens.

C'est pourquoi les obsèques de Pierre Goldman prennent une telle place dans nos existences. La marche silencieuse souhaitée "par ceux qui l'aimaient" aura cette angoisse en charge. Il faudra la traîner sur l'asphalte comme un fardeau impalpable. Et peut-on dire, la respecter. Sans banderoles, sans slogans, sans sonos, sans drapeaux : mais avec la foule. Une foule nue d'anonymes, de gens mêlés, dont l'appartenance politique, syndicale, idéologique, affective ou autre perd soudain de son importance pour faire exister cette entité qu'est une foule de gens blessés, disant par leur nombre et leurs visages la dureté de leur message, signifiant par leur colère rentrée, par la violence de leurs milliers et milliers de silences rassemblés qu'ils ont tous reconnu un acte fasciste dans cet assassinat.

Pierre Goldman n'était le héros de nulle cause, mais l'amoureux de beaucoup d'entre elles. Et la plupart sans doute seront là, dans la tolérance de multiples cultures que Pierre Goldman faisait furieusement cohabiter en lui : française, créole, juive et latino-américaine. Des musiciens antillais et latino-américains seront là pour accompagner leur ami, pour chanter, parce qu'il voulait qu'on chante face à la mort. Parce que c'est ainsi que l'on disparaît dans les îles.

J'écris en mon nom, en ami de Pierre Goldman et de sa femme Christiane, que le jour de ses obsèques soit celui de l'amitié, de la reconnaissance, de l'identité. Après, sera un autre jour.

Je n'aime ni les deuils, ni les enterrements, ni les cimetières, ni les cérémonies, ni les héros, ni les saints. Et Pierre Goldman ne les aimait pas plus. Seule compte ce jour-là, l'émotion et le témoignage que le nombre manifeste pour sauver du désespoir les significations que la mort donne à une vie.

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