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Pierre Goldman est assassiné par trois inconnus
Le Monde, 21 septembre 1979
Article de Philippe Boucher
Retranscription de Linda Delozier

M. Pierre Goldman a été assassiné à coups de feu, jeudi 20 septembre, place de l'Abbé-Georges-Hénocque à Paris 13e par trois inconnus qui se sont enfuis à pied. Le meurtre a été revendiqué une demi-heure plus tard par un coup de téléphone à l'Agence France-Presse, alors que l'identité de l'homme abattu n'avait pas encore été révélée, par un groupe intitulé Honneur de la police.

Le correspondant anonyme a déclaré que Pierre Goldman avait payé pour ses "crimes" ajoutant : "La justice du pouvoir ayant montré une nouvelle fois ses faiblesses et son laxisme, nous avons fait ce que notre devoir nous commandait".

Un groupe intitulé "Réseau Honneur de la police" avait revendiqué l'explosion qui avait détruit, le 9 mai, à Mitry-Mory (Seine-et-Marne), la voiture de M. Maurice Lourdez, l'un des principaux responsables de la coordination des services d'ordre de la C.G.T. lors des manifestations de rue (Le Monde du 9 mai).

Acquitté par la cour d'assises de la Somme

Pierre Goldman avait été condamné le 14 décembre 1974 par la cour d'assises de Paris à la réclusion criminelle à vie, pour trois agressions à main armée qu'il avait reconnues et deux meurtres dont il se déclarait innocent, commis dans une pharmacie parisienne, boulevard Richard-Lenoir. La Cour de cassation avait annulé, deux ans plus tard, cette décision pour un vice de procédure. Les assises de la Somme, devant lesquelles il avait comparu en mai 1976, l'avaient acquitté du double meurtre dont il était accusé. Pierre Goldman avait retrouvé la liberté peu de temps après.

Il avait écrit en prison un livre, Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France (Le Seuil), dans lequel il assurait ne pas être l'auteur des meurtres du boulevard Richard-Lenoir. Il y retraçait sa vie de militant politique et expliquait ce qui l'avait poussé à "devenir gangster".

Délinquant, Pierre Goldman se voulait idéalement tel, pour des raisons qui étaient les siennes et qu'on l'a, pour jamais, empêché d'expliquer tout à fait. Il se révéla en ce sens plus proche de son siècle qu'il ne l'a perçu lui-même. Coupable, ou capable d'avoir mal agi, lui-même avait posé la question, fondamentale, et qui résume au fond toute la lutte qu'un homme peut conduire avec (plutôt que contre) des pouvoirs publics quels qu'ils soient.

Capable d'avoir mal agi, selon des critères qui ne connaissent pas au demeurant de définition, c'est aussi en vertu de ce principe que mourut, le 4 mai 1978, Henri Curiel, victime d'un commando Delta aussi mystérieux, du moins pour le commun, que l'est ce groupe "Honneur de la police", que la police et l'honneur voudront l'une et l'autre récuser. Le meurtre vieux de dix-huit mois, encore irrésolu, apparaît comme un malheureux précédent, pour eux, Juifs, militants, assassinés.

Contre cette capacité de nuire, accusation plus pesante que tout, Henri Curiel n'avait pu mais Pierre Goldman avait eu une fois le temps d'en appeler à la loi. Il fut inaudible tant que ne se manifestèrent pas ceux qui font agir la loi, ceux qu'on écoute lorsqu'ils parlent.

Condamné à Paris, Amiens l'acquitta. Paris avait ignoré les faits pour ne juger que l'homme a priori insoupçonné ; Amiens considéra l'un et les autres, par la grâce aussi d'un avocat, Georges Kiejman, qui cristallisa tout : l'ardeur et le défaut de preuves. L'acquittement et l'appel à la loi n'auront été que provisoires, la justice ayant été désavouée par des fous criminels qui, l'arme au poing, s'en disent les champions.

Fous criminels est encore une expression trop bénigne à l'adresse de ceux qui ont moins tué l'acquitté de 1976 qu'ils n'ont assassiné le juif et le militant de toujours ; moins bafoué la justice qu'ils n'ont, à terme, menacé le groupe des inconnus et des fameux qui avaient réclamé, dès 1974, non l'acquittement mais justice.

Les assassins de jeudi savent d'ailleurs ce qu'ils font. L'époque leur est assez favorable pour qu'un parti de la majorité ait parlé naguère de fascisme rampant. On le verrait plutôt à présent se dresser assez fièrement sur ses pattes de derrière. Qui le combat ? Qui ne l'encourage ?

En fait, la lutte contre lui, qui, en définitive, ne devrait valablement que venir de l'Etat, on n'entend que le silence. On craindrait de penser : et pour cause. Quand la priorité des priorités est à l'ordre, il ne faut s'attendre qu'à ses extrémités : le meurtre idéologique. Ce ne sont pas les débats ambigus sur l'antisémitisme (mais accessoirement sur le racisme et l'intolérance) qui peuvent servir d'antidote. On oserait dire : au contraire.

Non plus que cette perversion de l'esprit qui fait actuellement rentrer la "nouvelle" droite dans la benoîte, anodine, noble et distinguée catégorie des débats d'idées.

La mort de Pierre Goldman est donc dans de telles conditions un rappel à l'ordre. Elle balaie pour qui veut bien le voir cette torpeur et ce confort. L'extrême-droite, qu'on laisse se travestir d'idéologie, peut aussi impunément se parer d'innocence. Apparemment sans désaveu. Les précédents ne sont pourtant pas si loin. Mais la mémoire paraît faire défaut.

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