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Version intégrale
(Les Années Laser n°96, novembre 2003)

Version intégrale
Les Années Laser n°96, novembre 2003
Bernard Achour
Retranscription de David Zabotto et Stéphanie Morel

D'habitude réticent à s'épancher dans la presse non musicale, Jean- Jacques Goldman nous a accordé cet entretien exclusif avec une disponibilité, une précision et un humour qu'on ne rencontre pas souvent. Une conversation-fleuve totalement inattendue.

Bernard Achour : Vous vous exprimez assez rarement. Est-ce parce que le DVD d'"Un Tour Ensemble" vous tient particulièrement â cœur ou par intérêt pour le support lui-même que vous avez accepté de nous rencontrer ?

Jean-Jacques Goldman : Ni l'un, ni l'autre. Ce DVD ne me tient pas spécialement à cœur, je ne connais rien au support, et si j'ai parfois des réticences à parler à la presse, ça vise surtout les journaux pluridisciplinaires qui vont me demander ce que je pense de Dieu, de l'amour ou je ne sais quoi. Mais lorsqu'il s'agit de magazines professionnels comme le vôtre, je collabore avec beaucoup plus de facilité.

Bernard Achour : Vous êtes-vous investi dans l'élaboration de ce DVD ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai une grande inaptitude et un manque de goût prononcé pour tout ce qui concerne l'image en général. Je regarde rarement la télévision sauf des choses "réelles" comme le foot ou les infos, je ne vais pas souvent au cinéma même si j'aime bien quand ça m'arrive, je m'ennuie devant les tableaux dans les musées, je ne lis pas de bandes dessinées... Je suis touché par des tas de trucs, mais pas par ça. En fait, à propos des DVD de mes concerts, y compris celui d'"Un tour ensemble", mon rôle s'est toujours borné à entériner ou non ce qu'on me proposait. Une équipe commence à travailler soit sur le concert lui-même, soit sur les à-côtés, je reçois le résultat, je dis ce qui me plaît et ce qui ne me plaît pas, mais en aucun cas je ne suscite ou ne propose quoi que ce soit.

Bernard Achour : Quelles remarques avez-vous faites sur le DVD qui sort aujourd'hui, qu'il s'agisse du concert ou de ce reportage qui vous a suivi pendant un an offert en bonus ?

Jean-Jacques Goldman : Très peu. Un exemple : durant le concert, il y a toute une partie où je parle avec le public qui avait été traitée à l'image façon "spectacle comique" avec des gens qui s'esclaffaient. Or ça ne reflétait pas du tout ce qui s'était passé. L'écrasante majorité des spectateurs se contentaient de sourire, et la caméra avait capté un groupe isolé de trois ou quatre qui étaient écroulés de rire. Je ne suis pas Muriel Robin, ce que je disais à ce moment-là n'avait rien de spécialement hilarant, et j'ai donc voulu qu'on retire ces quelques images. Mais bon, ce n'est qu'un détail.

Bernard Achour : Vous avez quand même votre mot à dire sur la captation de vos concerts...

Jean-Jacques Goldman : Bien sûr. À part "Un tour ensemble", qui est le premier de mes concerts à paraître en version intégrale, j'ai toujours demandé à ce que les captations destinées à la vidéo ne les restituent pas en entier, pour la bonne et simple raison que je m'ennuie en regardant les concerts des autres. En plus, une captation intégrale peut se montrer dévalorisante, notamment lors de certains échanges de mots avec le public qui fonctionnent très bien dans le feu de l'action et qui ne passent plus du tout une fois filmés. Mais c'est une démarche qu'on m'a toujours reprochée, et c'est pour ça que j'ai décidé de changer. Sinon, j'adoptais la même politique pour mes albums live en CD, où je shuntais la fin des chansons pour ne conserver que la nouvelle version musicale qu'elles représentaient Ce qui se passe entre deux titres n'appartient qu'à moi et au public présent à ce moment-là. En revanche, tout ce qui concerne le backstage et les coulisses m'a toujours intéressé, et j'ai tenu à ce qu'il y en ait dès les premières VHS de mes concerts.

Bernard Achour : Vous envisageriez de concevoir ou d'acheter un DVD où ne figurerait qu'un documentaire backstaqe sans concert ?

Jean-Jacques Goldman : Ce serait quand même très frustrant, comme d'assister à un concert de Francis Cabrel où il ne chanterait pas "Je l'aime à mourir". J'étais allé voir Mike Oldfield à Bercy, et il a fini sous les huées parce qu'il n'avait pas mis "Moonlight shadow" au programme. Ça me semblerait envisageable si on ne le faisait que pour soi ou sa famille, sans éprouver le besoin de le commercialiser. Mais à partir du moment où on sort un DVD, c'est quand même pour faire plaisir aux gens. Et ce qui compte par-dessus tout, c'est la musique. Je ne me verrais pas acheter un DVD de Bruce Springsteen ou de Laurent Voulzy si c'est pour ne pas les entendre et les voir sur scène.

Bernard Achour : Comment vivez-vous la présence des caméras en coulisses ?

Jean-Jacques Goldman : Je connais les équipes depuis 20 ans, et le réalisateur Gilbert Namiand est celui de beaucoup de mes clips. Ça ne me pose donc aucun problème. En plus, si tant est que je puisse avoir des réserves au sujet des reportages backstage, j'en aurais beaucoup moins depuis l'apparition du DVD. À l'époque de la VHS, on imposait tout aux spectateurs et il fallait qu'ils accélèrent pour zapper ce qui ne les intéressait pas, qu'il s'agisse des chansons ou des inserts en coulisses. Avec le DVD, ils sont complètement libres de composer leur propre spectacle. En DVD, un concert, c'est tout le contraire d'un film.

Bernard Achour : Grâce à la circulation des concerts en DVD et au vidéo clip, le rapport entre les images et les chansons se fait de plus en plus présent. Qu'en pensez-vous ?

Jean-Jacques Goldman : De la même façon que la couleur est apparue au cinéma et à la télévision, je pense que c'est une évolution définitive. J'appartiens peut-être à la dernière génération qui pouvait penser la musique en terme de... musique, mais la petite saga de la chanson a été marquée par deux événements historiques après lesquels plus rien n'a été pareil. D'abord, il y a eu "La fièvre du samedi soir", dont la musique s'est vendue à des chiffres jamais vus jusque-là. Or ce n'étaient pas des chansons en elles-mêmes, mais une bande-son sur laquelle les gens se sont précipités parce que les images qu'elle accompagnait leur avaient plu. Et quand on voyait des extraits du film à la télé ou quand on entendait les chansons à la radio, on ne pensait pas du tout aux Bee Gees, mais à John Travolta. Ensuite, i1 y a eu l'album "Thriller" de Michaël Jackson : pour la première fois, ce ne sont pas des titres seuls qui ont marché, mais des clips, des images.

Bernard Achour : Il y a quelque chose à regretter, dans ce phénomène ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne me pose pas la question, c'est comme ça.

Bernard Achour : Si vous faites malgré tout des clips, c'est aussi parce que "c'est comme ça" ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. En dehors du travail, je ne regarde ni les clips des autres, ni les miens, mais c'est devenu un moyen important de faire circuler la musique. Je donne des interviews dans le même état d'esprit : ce n'est pas une torture, je m'en passerais, mais encore une fois, "c'est comme ça". Même quand Paul McCartney ou Bob Dylan sortent un album, ils sont obligés d'en faire la promotion. Sinon, ils passent inaperçus.

Bernard Achour : Un de vos DVD propose l'intégrale de vos clips entre 1981 et 2000 : quel rôle avez-vous joué dans leur conception ?

Jean-Jacques Goldman : Le rôle de celui qui dit "Je prends" ou "Je ne prends pas" au vu du résultat, mais aussi le rôle de dire "Ce n'est pas de ma compétence" et de laisser aux autres la liberté de me faire leurs propositions. Ce qui ne m'empêche pas de donner des idées, même si c'est de moins en moins fréquent, et d'avoir écrit avec Bernard Schmitt les scénarios de mes premiers clips comme "Je marche seul", "Pas toi" ou "Là-bas", dont je faisais presque le découpage.

Bernard Achour : Malgré votre relative indifférence au cinéma et vos rapports prudents avec les images, vous avez quand même composé la musique d'"Astérix et Obélix contre César" et de "L'union sacrée", et vous avez prêté votre chanson "Pas toi" à Robert Guédiguian pour "La ville est tranquille"...

Jean-Jacques Goldman : J'ai d'abord fait la musique de "Pacific Palisades" par curiosité et par amitié pour Bernard Schmitt qui était à la fois le metteur en scène de ce film et le réalisateur de mes clips à l'époque. Dans les deux autres cas j'avais bien prévenu que je n'étais pas un homme d'images, et j'avais proposé d'écrire deux ou trois chansons dont les thèmes musicaux seraient déclinés orchestralement par un autre, à savoir Roland Romanelli, parce que j'en étais moi-même incapable. Quant à "Pas toi", je l'ai prêtée à Robert Guédiguian parce qu'on me l'a gentiment demandé par courrier.

Bernard Achour : Qu'avez-vous pensé de ce qu'est devenue votre musique dans ces films ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas, je n'en ai vu aucun.

Bernard Achour : Que vous inspire le frémissement du marché des DVD musicaux, qui s'annonce beaucoup plus important que ne l'a jamais été celui des VHS musicales ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne crains aucune concurrence entre l'éventuelle explosion de ce marché et la fréquentation des salles de concerts, dans la mesure où les DVD sortent une fois que les tournées sont terminées. Si je regarde un concert de Cabrel qui m'a plu en DVD, ce sera même une incitation à retourner voir le concert lors de la tournée suivante. Il me semble que le premier rôle d'un DVD est d'être soit le souvenir d'un concert qu'on a aimé, soit la découverte d'un spectacle qu'on a manqué. Et toujours d'après moi, sa deuxième mission est de servir d'outil promotionnel aux concerts que l'artiste donnera ensuite.

Bernard Achour : Vous semblerait-il possible de sortir un jour un album de chansons totalement inédites sur le seul support DVD, sans passer par la case CD ?

Jean-Jacques Goldman : Dans ce cas, il faudrait beaucoup d'images, environ une heure, qui soient cohérentes avec les chansons... Quasiment des clips... Tout compte fait, oui, ça me semble parfaitement possible, par exemple dans le cas d'un boys band où l'image est primordiale.

Bernard Achour : Et dans votre cas à vous ?

Jean-Jacques Goldman : Pourquoi pas ? Ça demanderait un énorme travail en amont, mais ce serait sans doute un "plus".

Bernard Achour : Vous nous dites donc que l'essentiel est que la musique soit diffusée dans les meilleures conditions acoustiques possibles, et ce quel que soit le support... Y compris à l'heure des téléchargements sur Internet qui soulèvent une réelle polémique ?

Jean-Jacques Goldman : Le seul vrai problème à mes yeux est celui des téléchargements gratuits, qui constituent un vol des droits d'auteurs et qui relèvent du pénal. En ce qui concerne la diffusion de notre musique, il y a d'abord eu le vinyle ; ensuite, la cassette. qui a démarré doucement, puis a mangé 90% du marché du vinyle ; ensuite il y a eu le CD qui, lui-même, a détrôné la cassette... Maintenant, il y a le DVD, et pour ce qui est du téléchargement, il me semble inéluctable que la circulation de notre travail se fera par ce biais. A partir du moment où la rémunération des artistes est respectée, il n'y a pas de conflit, juste des avancées technologiques. Si le DVD doit un jour supplanter le CD, ce ne sera donc pas une tragédie, au contraire : avec l'espace dont il dispose, le son digital qu'il offre et les images qui vont avec, il est la manifestation d'une révolution fondamentale et inéluctable.

Bernard Achour : Le jargon du DVD comme "5.1" ou "Piste DTS" évoque-t- il quelque chose à vos oreilles ?

Jean-Jacques Goldman : Il se trouve que, pour me préparer à cette interview, j'ai téléphoné tout à l'heure au concepteur du DVD, et que je lui ai dit "Donne-moi deux ou trois infos pour que je n'aie pas l'air trop bête !". J'ai tout noté sur un papier, et je vais vous lire son principal conseil : "Il faut employer les termes "5.1" et "DTS", ça leur dira quelque chose".

Bernard Achour : Mais à vous, ça n'évoque rien...

Jean-Jacques Goldman : Rien du tout ! Je sais juste que c'est mon guitariste-chanteur Michael Jones qui s'est occupé du mixage 5.1.

[On résume alors en quelques secondes à Jean-Jacques Goldman la signification de "5.1" et "DTS", puis on enchaîne]

Bernard Achour : Maintenant que vous êtes incollable en la matière, que pensez-vous du réalisme sonore des "concerts à domicile" que sont devenus les DVD musicaux ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'en sais rien, je n'en ai jamais entendu dans ces conditions. Si vous veniez chez moi, vous seriez atterré : j'écoute mes disques sur une espèce d'appareil portable à 3 francs 6 sous, et je perçois à peine la différence entre stéréo et mono. Une chanson, soit elle me touche, soit elle ne me touche pas, que je l'écoute ou que j'en sois l'auteur. Quand une de mes chansons est terminée, je ne m'intéresse absolument pas à son mixage. Je laisse l'ingénieur du son faire sa cuisine et, à moins qu'un riff de guitare sur l'enceinte droite n'empêche vraiment d'entendre les paroles, je n'interviens pas.

Bernard Achour : Un peu de science-fiction, pour terminer : en supposant que vous vous intéressiez au support DVD et aux images, existe-t-il un concert, un artiste ou une chanson que vous aimeriez voir et entendre à l'infini sur DVD ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. Ce serait une performance d'Aretha Franklin que j'ai vue il y a très longtemps à la télé, la très mauvaise captation d'un concert où elle ne chantait que des gospels. Je l'ai regardée environ 1 284 fois en VHS, mais si elle paraissait en DVD, je sortirais volontiers de son emballage le lecteur que Sony m'a offert il y a deux ans et que je n'ai toujours pas branché !


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