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Julien Régnier : Derrière la façade
Entretiens enregistrés les 5 août et 10 octobre 2002
Parler d'sa vie, le 19 octobre 2002
Propos recueillis et retranscrits par Jean-Michel Fontaine

 

Julien Régnier : Derrière la façade

Comment décrire un nouvel artiste sans évoquer ceux qui l'ont précédé ? Dans le cas de Julien Régnier, cela paraît difficile. Certes, son jeu de guitare évoque Deep Purple ("Déjà donné", "Et puis plus rien"), ses arrangements très soignés font parfois penser au travail de Dominique Blanc-Francard pour Stephan Eicher ("La façade est jolie", "Nous seul", "Plus rien à perdre ici"), notamment en ce qui concerne les cordes, superbement mises en valeur. Ses mélodies instinctives et immédiates rappellent le blues-rock de Francis Cabrel ("Ecosystème", "Petit frère"). Mais ces réminiscences là ont été fort bien digérées par Julien.

L'album de Julien Régnier se déguste comme un vin inconnu dont on est surpris par la force et la finesse. Un vin à consommer tout de suite, certes, mais également un vin de garde, tant il ne fait nulle doute qu'un tel talent ne peut que progresser et se bonifier.

Julien, ton premier album auto-produit est disponible par correspondance depuis début juillet. Peux-tu nous décrire ton parcours ?

J'ai découvert la musique en apprenant à jouer de la guitare, à l'âge de 8 ans. Jusqu'à l'âge de 15 ans, j'ai essentiellement appris le jeu des guitaristes, de Mark Knopfler à Joe Satriani. Ensuite, je me suis plus intéressé à la chanson française. J'ai commencé à composer des morceaux instrumentaux à la guitare, puis j'ai commencé à chanter à l'âge de 15 ans. De 15 à 17 ans, je faisais des trucs dans mon coin, et là, j'ai rencontré Arnaud. A l'époque, je faisais déjà des concerts, en tant que guitariste, dans divers groupes de la région. Arnaud écrivait des textes de son côté. Petit à petit, nous avons travaillé ensemble. Depuis, je joue toujours dans divers groupes en tant que guitariste, mais mon activité principale, c'est de chanter les chansons qu'Arnaud et moi avons faites ensemble. Au bout de dix ans de maturité, nous avons abouti à ce premier album.

Tu fais le pari de proposer l'intégralité de ton album sur ton site en mp3. Pourquoi ?

Pour permettre à qui veut de découvrir ces chansons, d'une part, ainsi que les musiciens qui ont réalisé cet album, d'autre part. Quand on n'est pas connu, c'est bien de proposer une démarche artistique, une démarche de découverte, plutôt qu'une démarche commerciale.

Quels sont tes rapports avec Internet ?

Je l'utilise assez peu. C'est surtout le courrier électronique. Je ne passe pas mes journées à surfer. Je n'ai pas de connexion haut-débit, donc cela a tendance à me saoûler assez vite. Je pense quand même qu'il y a moyen de faire beaucoup beaucoup de choses grâce à internet... Comme par exemple diffuser gratuitement son album ! [rires]

On sent le Santana, le Mark Knopfler, le Deep Purple dans ta manière de jouer de la guitare. Quelles sont tes influences ?

Mes influences guitaristiques sont pas mal dues à Mark Knopfler. J'ai suivi la carrière de Dire Straits d'assez près. J'ai toujours apprécié ce groupe. Quand j'avais dix ans, j'essayais de jouer "Sultans of Swing", j'adorais ça ! Mon père écoutait des groupes comme Deep Purple. Quand il m'a appris à jouer, il m'a dit "tiens, prends une guitare, et si ça t'intéresse, tu continues". Il m'a fait écouter ces choses là. Il appréciait plus les guitaristes anglo-saxons que les guitaristes français. La chanson française n'était pas trop faite pour la guitare électrique…

Les "guitare héros" français sont moins connus du grand public…

C'est sûr… C'est bien dommage parce que ce sont d'excellents musiciens. Mais ce qui touche les gens au prime abord, c'est la chanson, le texte, la mélodie. L'instrument vient au second plan.

Est-ce que tu ressens des affinités avec des nouveaux artistes ?

Je trouve ce que fait M monstrueux. Ce n'est pas du tout en phase avec mes goûts artistiques, mais j'apprécie beaucoup ce qu'il fait. C'est un sacré guitariste, un sacré musicien. Au niveau des textes, c'est plutôt délirant. C'est une démarche totalement nouvelle par rapport à ce qui avait été fait avant. Les nouveaux artistes, en règle générale, développent un monde un peu hermétique, avec la même couleur du début à la fin. Souvent, ça manque - à mon goût - de musique.

Est-ce que tu as une méthode de travail pour composer ?

Généralement, Arnaud me présente le texte, ou, plutôt, un texte, qui sera parfois modifié par la suite pour s'adapter à la structure musicale. Je le lis jusqu'à ce que je le connaisse par cœur. Cela me permet d'y penser quand je le veux. Ensuite, je m'invente un ton ironique, triste… Une fois que j'ai le ton, je prends ma guitare, et en général la musique vient extrêmement rapidement. Il faut que j'arrive à trouver un rythme qui se chante par rapport au texte et à l'intention que je veux donner à la musique.

Est-ce qu'Arnaud intervient dans ce processus ? Est-ce qu'il aurait pu - par exemple - te donner le texte de "La façade est jolie" en te disant que c'était du second degré et qu'il fallait que la musique soit ironique (ce qui n'est pas du tout le cas) ?

En général, il me donne le texte, je le lis, et tout de suite, on discute du ton. En cas de désaccord, on essaie de rendre la chanson cohérente. Parfois, il est obligé de modifier le texte, de le remanier, pour coller à la musique. Ou alors, je suis obligé de composer une autre musique pour qu'elle respecte l'intention du texte. Ça dépend de l'humeur. On a beau écrire ensemble, on ne vit pas la même chose. On peut tout à fait avoir des interprétations différentes. Souvent, on a les mêmes affinités intellectuelles et musicales, donc cela se passe très bien !

Arnaud signe l'ensemble de tes textes. Comment l'as-tu rencontré ?

Je l'ai rencontré en Terminale. On avait les mêmes préoccupations "post-adolescentes". On ne cherchait pas forcément des solutions, mais quelqu'un à qui en parler. On a beaucoup discuté, de tout et de rien. C'est là qu'on s'est rendu compte qu'il écrivait des textes, qu'il aimait la musique, et que j'en faisais. Humainement, on s'est bien entendu. Assez rapidement, on a décidé de mettre notre travail en commun. Je pense que cela a bien fonctionné !

Tu as une relation quasi-fusionnelle avec Arnaud. Comment la qualifierais-tu ? Plutôt Djian / Eicher ou Souchon / Voulzy ?

Le problème, c'est que je ne sais pas quelle relation ont ces personnes-là…

Purement sexuelles ! [rires]

Donc, déjà, ce n'est pas le cas ! [rires] On est des amis assez forts. On ne parle pas que de musique. On en parle très peu en fait. Quand on travaille, on travaille, mais la plupart du temps, on n'en parle pas. Ce n'est pas purement musical.

Comment vois-tu la suite de ta carrière ?

[silence] Seul l'avenir peut le dire. Je ne fais pas de plan sur la comète. D'un point de vue idéal, j'aimerais vivre de ce projet musical, et pouvoir le poursuivre.

Actuellement, tu vis de la musique ?

Je vis de la musique, mais pas que de ma musique. Je participe à d'autres formations, où nous jouons des reprises. J'ai ce fameux statut d'intermittent du spectacle, et je vis donc à plein temps de la musique. J'ai 27 ans, et je vis de la musique depuis cinq ans.

Est-ce que tu as l'intention - ou l'envie - de composer pour d'autres artistes ?

Je pense que c'est un travail délicat. J'ai l'impression que pour composer pour quelqu'un, il vaut mieux bien connaître la personne. Si l'occasion se présentait, cela pourrait être un travail très très intéressant.

Dans l'absolu, y a-t-il quelqu'un pour que tu rêverais d'écrire une chanson ?

Je n'ai pas d'exemple précis. Des gens qui utilisent bien leur voix. Ce n'est pas le cas de beaucoup de chanteurs, et notamment pas le mien ! Des gens qui peuvent exprimer les choses au-delà de ce que l'auteur et le compositeur veulent exprimer ; c'est là que cela devient fabuleux.

Te vois-tu uniquement chanteur / compositeur, ou penses-tu qu'à un moment, tu écriras tes propres textes ?

Je n'ai jamais réfléchi à cette question… Pour l'instant, le duo Arnaud Apostolo / Julien Régnier fonctionne bien… Ce qui est drôle, c'est que dans notre travail, on peut avoir l'impression que le texte et la musique viennent de la même personne.

Est-ce que tu préfères le studio ou la scène ?

J'adore les deux. Ce n'est pas du tout le même état d'esprit. En studio, je suis hyper exigeant, vis-à-vis des personnes avec lesquelles je travaille comme avec moi-même. Mais ce n'est pas dans le but d'avoir quelque chose de parfait : sur l'album, il n'y a que des premières ou des secondes prises. Ce qui est très dur en studio, c'est de restituer une énergie. Je n'utilise pas de machine, je n'aime pas trop les synthés (pour l'instant). Il faut que tous les musiciens soient bien en phase et aient bien digéré la chanson ; qu'ils "aiment" le morceau, sinon cela ne marche pas.

Sur scène, j'ai une relation complètement différente avec les musiciens. Le public permet de privilégier l'énergie. L'énergie passe devant la perfection. Même s'il y a des accrocs, même s'il y a des pains, c'est l'intention qui compte.

Un travail de studio, on peut le mettre dans la platine et l'écouter cent fois. Un concert se passe dans l'instant présent. Enregistrer des concerts, ce n'est pas forcément l'idéal. Ces deux côtés là sont très différents, mais j'adore les deux.

Pourtant, cet album, c'est avant tout un album de scène, avec des chansons qui durent sept ou huit minutes…

… Par rapport à un format standardisé selon lequel une chanson doit durer trois minutes pour passer à la radio et qu'on peut la rallonger en live pour faire durer le plaisir ! Je pense que c'est un faux problème. Bien que ce soient des chansons en format "live", elles "sonnent" quand même studio. D'ailleurs, en concert, je peux jouer exactement la même chose, mais le rendu sera complètement différent. Je comprends ta question, mais ce n'est pas vraiment le cas : le morceau est pensé comme cela. Les parties musicales sont une partie intégrantes de la chanson. Ce n'est pas du rajouté, pour mettre la musique en valeur. C'est mon mode de composition.

Tu signes tous les arrangements de tous les instruments. C'est plutôt rare…

Je donne beaucoup d'indications aux musiciens. Parfois, je leur donne la partition exacte de ce qu'ils doivent jouer. J'ai eu la chance de rencontrer la violoniste Vera Markovitch, qui joue sur mon album. C'est une violoniste très talentueuse, doublée d'une grande interprète. Par exemple, pour "Plus rien à perdre ici" ou "Petit frère", j'ai écrit le solo qu'elle joue. Je devais enregistrer avec elle à Lyon, et il n'y avait pas de violon prévu pour "Petit frère". J'ai écrit la partie de violon dans le TGV. Je me suis dit, "elle est là, autant en profiter, qu'est-ce qu'on pourrait bien lui faire faire ?" J'ai eu cette idée, et cela a marché.

Ceci dit, dans "A longueur de journée", je voulais de la kora et de la sanza, mais j'ai demandé à Ousmane de faire les arrangements et de les jouer. Ousmane a énormément interprété la mélodie et en a fait ce qu'il a voulu.

Il n'y a pas une erreur sur la photo du livret ? A l'entendre, on pourrait penser qu'il ressemble plus à Youssou'N Dour qu'à Johnny Clegg…

Il est tout à fait blanc ! Il adore cette culture là. Il est allé plusieurs fois en Afrique. Il a appris des dialectes locaux. Et il a une voix extraordinaire ! S'il le veut, il peut chanter comme Stevie Wonder ! Mais il n'est pas Noir du tout…

Après les concerts, est-ce que tu discutes avec le public ? Est-ce que tu cherches le contact ?

Je ne le recherche pas, mais j'adore ça. Autant les gens, dans la vie de tous les jours - c'est un peu le thème récurrent tout au long de l'album - peuvent être saoûlants, du fait qu'ils sont absorbés dans leur routine, autant ils peuvent être eux-mêmes pendant un concerts. Ils sont complètement différents. Ils sont totalement libérés.

Penses-tu que l'on peut conserver la même proximité avec le public avec la notoriété ?

Je crois que le problème ne vient pas du chanteur. Certaines personnes - disons, les "fans" - n'arrivent plus à se rendre compte que la personne en face est un être humain. Cela peut être dangereux. La clé, c'est de ne pas devenir une idole, de rester un être humain dans la tête des gens. Maintenant, je ne sais pas si c'est possible. Le regard des gens change.

Quel serait le plus beau compliment que l'on pourrait te faire ?

Je n'aime pas trop les compliments ! Certaines personnes font des compliments, pour faire des compliments, sans savoir de quoi ils parlent, et c'est de l'ordre du jugement de valeur (du genre : "il est bon le guitariste, hein !"). D'autres diront sincèrement ce qu'ils ressentent, et là, c'est mieux.

Quel message aimerais-tu faire passer aux internautes qui liront cet entretien ?

Le problème, c'est que je ne sais pas qui va le lire. J'aimerais que les gens aient la curiosité d'aller voir, de découvrir. Et s'ils pouvaient donner leur avis, ce serait encore mieux. Qu'ils aiment ou non, qu'ils n'hésitent pas à le dire !

Arnaud Apostolo : Les maux pour le dire

Diplômé d'une Ecole de Commerce, étudiant en philosophie, Arnaud Apostolo nous offre une vision relativement pessimiste de la nature humaine, que ce soit en couple, en société ou en économie. De l'immigré issu de l'ex-bloc communiste venu chercher l'eldorado à l'ouest à la mascarade que se jouent les couples qui ne s'aiment plus mais qui tentent de sauvegarder les apparences, Arnaud déchiffre les travers de la société moderne et se livre à une véritable analyse sociologique.

Comment as-tu rencontré Julien ?

En terminale, il y a dix ans. On s'est retrouvés autour de goûts musicaux, de préoccupations communes. J'écrivais des poèmes depuis deux ou trois ans, Julien composait depuis pas mal d'années déjà. On avait beaucoup de choses à partager.

Quel a été le déclic ?

Au début, il n'a pas du tout été question de travailler ensemble. On discutait de tout et de rien. On a passé beaucoup de temps et quelques vacances ensemble. Progressivement, il m'a fait écouter ses musiques, et je lui ai montré mes textes. On s'est pris au jeu. Après la terminal, on est restés très proches, on s'envoyait ce que l'on faisait, et cela a pris forme, petit à petit.

Quelle est votre méthode de travail ? C'est lui qui compose ou c'est toi qui écrit en premier ?

Si on prend l'exemple de l'album de Julien, il n'y a que deux chansons dont la musique a été composée d'abord. Dans ce cas, il me donne une composition instrumentale avec la mélodie. J'essaie de mettre un texte dessus. La plupart du temps, j'écris d'abord un texte, sur lequel il essaie de poser une musique. Ensuite, il y a des aller-retour : des bouts de texte qui manquent, des mots qui ne se chantent pas bien…

Pour la facilité de l'écriture, je me cale d'abord sur une mélodie, dont je sais rarement d'où elle vient. Cela me donne une structure.

Tu es également musicien ?

Pas du tout. Une fois que le texte est fini, je le donne à Julien, mais sans lui chanter la mélodie sur laquelle je l'ai écrit. Lui essaie de s'inspirer de l'esprit du texte pour composer une musique qui colle à la dynamique des mots, au ton, plus ou moins ironique, par exemple. Il y a plusieurs chansons qui ont eu différentes musiques.

Comment vois-tu la suite en ce qui te concerne ?

Je ne la vois pas très bien. A court terme, c'est d'abord la promo de l'album, le démarchage, etc. dont je m'occupe avec Julien. Après, c'est plus flou. On avisera en fonction des retours. Dans tous les cas, je continuerai à écrire. La question, c'est plus ou moins… ?

Quels sont tes auteurs de référence ?

Dans la chanson française, Djian, Cabrel, Brel, Goldman, Souchon, Renaud, Brassens…

La collaboration entre Djian et Eicher, c'est un modèle de référence, entre un vrai auteur et un vrai musicien…

Ce n'est pas un exemple pour moi, mais il y a des choses que j'apprécie beaucoup. Il y a un côté dont je me méfie, et qu'on essaie d'éviter avec Julien, c'est le caractère parfois hermétique des textes. Autant j'apprécie qu'une chanson permette plusieurs lectures, qu'elle ne se réduise pas à sa première écoute, autant j'ai du mal avec les textes totalement obscurs "réservés aux initiés".

Depuis deux ou trois ans, une nouvelle génération d'interprètes, de "chanteurs à textes", raconte le quotidien, à travers des textes très incisifs, très drôles. Je pense à des chanteurs comme Bénabar, San Severino, Vincent Delerm… Que penses-tu de leur manière d'écrire ?

J'ai écouté récemment l'album de Vincent Delerm. Je trouve que c'est bien écrit, mais je me méfie des artistes qui se construisent leur petit univers et qui s'y complaisent un peu. Julien et moi essayons d'être dans le monde, pas en dehors, d'écrire sur des expériences de vie partagées. Notre objectif est en partie de susciter l'interrogation, de bousculer des habitudes, des manières d'être, de penser… plutôt que d'affiner les contours d'une petite bulle dans laquelle on n'entrerait pas facilement.

Prépa HEC, ESSEC, DEA de Philo… ?

Je suis sorti de terminale sans trop savoir ce que j'allais faire. J'étais censé être dans une voie qui devait ouvrir quelques portes, mais je me suis rendu compte, au fil des années, que je me destinais à une profession bien déterminée, cravate, bureau et téléphone portable… J'avais envie d'autre chose. J'ai eu la chance de pouvoir le faire, pourvu que ça dure ! Mais maintenant, il va falloir travailler ! [rires]

Tu suis actuellement des cours de philosophie. T'arrive-t-il de trouver des thèmes d'inspiration à travers tes lectures de Kant ou de Platon ?

Je lis assez peu Kant en fait ! [rires] La philosophie est assez vite une question de terminologie très rigoureuse. S'y référer de manière précise dans une chanson deviendrait vite pompeux et peu compréhensible. J'y fais donc parfois échos, mais de façon détournée.

Justement, comment te vient l'inspiration ? Est-ce que tu te promènes avec un petit carnet, comme certains, pour prendre des notes, pour capturer le quotidien ?

Je n'ai pas de carnet. J'enregistre, plus ou moins consciemment, des expériences de vie au fur et à mesure. J'identifie des thèmes sur lesquels je souhaite écrire. J'y pense. Souvent, les chansons mettent du temps à murir. Ce n'est jamais fulgurant chez moi ! Et puis un moment, un jour, viennent quelques mots, quelques phrases. Je mets alors deux ou trois jours pour écrire un texte. A partir de cette base, je travaille avec Julien. Les aller-retour texte / musique commencent.

Depuis que je travaille avec Julien, j'ai dû écrire une trentaine de textes. On a dû sélectionner les moins datés, ceux qui sont dans la veine qui nous anime actuellement. Par contre, je jette beaucoup au fur et à mesure.

Est-ce que l'aboutissement de ce projet t'a donné plus confiance en toi, pour écrire sur des thèmes plus audacieux ?

C'est très agréable d'avoir un "produit fini" qui est, globalement, bien perçu. Que ça donne confiance en soi, c'est sûr. Mais, il ne faut pas s'emballer non plus. Après, est-ce que ça m'incite à écrire sur d'autres thèmes ? En fait, je ne crois pas que la confiance en soi influe sur le choix des thèmes mais plutôt sur la manière de les traiter.

Est-ce qu'il t'arrive de te donner des défis, ou qu'on te donne des défis ? Tiens, tu m'écrirais une chanson sur le CAC 40 ?

Ce n'est pas sous la forme de défis. Je n'ai jamais eu de commande non plus. En revanche, Julien m'a dit "Je veux une ambiance africaine sur l'album, écris-moi un texte sur l'Afrique". Pas de chance, je ne connais à peu près rien de la culture africaine ! J'ai donc choisi de garder ma position de petit occidental privilégié pour aborder ce thème de manière transversale.

Est-ce qu'il t'arrive d'écrire un texte en te disant que tu as trouvé une super idée, et de t'apercevoir que c'est en fait une réminiscence inconsciente d'une chanson qui existe déjà ?

Ça m'arrive rarement de trouver une super idée… Mais pour les chansons qui existent déjà, j'ai connu. Julien m'a donné deux titres en terminale, à partir desquels il voulait que j'écrive un texte : "L'impôt sur les rêves" et "Rivières de larmes". Au fur et à mesure que je travaillais sur "Rivières de larmes", je me suis rendu compte que j'écrivais "Ultra moderne solitude". Je me suis dit, "ça existe en mieux, laisse tomber !".

Arnaud vu par Julien
Arnaud Apostolo
Julien vu par Arnaud
Julien Régnier

Il écrit des textes, et ça, c'est déjà une sacrée qualité pour moi ! [rires] Il est très exigeant par rapport à la mise en musique. Ça nous permet de travailler de manière très active et d'arriver à un résultat qui nous satisfasse tous les deux. Je ne fais pas la musique dans mon coin en disant "c'est comme ça et pas autrement". Humainement, il est honnête. Ce n'est pas un menteur. Il est plutôt gentil. Je ne vois pas trop de défauts, à vrai dire !

Julien a une très grande qualité d'écoute. Il est très exigeant, perfectionniste, avec lui-même comme avec les autres. Le bon côté, c'est qu'il prend le temps de bien faire ce qu'il entreprend : mélodies, arrangements, choix des musiciens, qualité du son… Le revers de la médaille, c'est que ça avance lentement. Mais bon, comme je ne suis pas un rapide, en fait ça me convient plutôt pas mal !

 

Les chansons vues par leurs auteurs...

Plus rien à perdre ici

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

Le thème est assez clair : notre indifférence face aux autres et en particulier envers les plus démunis. On pense souvent que les chansons ne changent pas la face du monde, mais je fais partie de ceux qui ont grandi et grandissent avec les chansons. Celle-là - et d'autres - peut être l'occasion de se poser des questions. J'ai été agréablement surpris que l'on me dise "après avoir écouté l'album, je suis revenu chez moi avec un ou deux journaux". Ça ne va pas changer la face du monde, mais cela peut faire évoluer quelques comportements.

Le texte que je prends à deux niveaux : d'une part, on ne fait pas attention aux gens défavorisés qui nous entourent. C'est un thème traité dans beaucoup de chansons de l'album. L'autre aspect, c'est un gars qui vient d'un pays de l'Est, pauvre, où l'économie ne fonctionnait pas, et qui arrive dans un pays beaucoup plus développé, beaucoup plus capitaliste. Il se rend compte que malheureusement, cela ne fonctionne pas ici non plus. C'est une chanson très très pessimiste. La prise de conscience est double : la société ne marche ni dans l'argent, ni sans l'argent.

 

L'impôt sur les rêves

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est une chanson qu'on a commencée en terminale. Il m'a donné le titre de la chanson : "L'impôt sur les rêves". J'ai écrit un texte deux jours plus tard. Il a écrit une première version de la chanson il y a dix ans, et elle a été retouchée au fur et à mesure. J'ai rajouté quelques couplets. On a eu de nombreux aller-retour sur cette chanson.

La chanson a commencé en TP de bio, et elle s'est finie avec un solo de Michael Jones. Julien l'a rencontré lors d'un concours de guitare organisé par Europe 2, autour des chansons de Paul Personne. Julien faisait partie des dix finalistes à jouer devant un jury, dont faisait partie Michael Jones. Julien a gagné le concours, et ils sont restés en contact depuis. Michael était partant pour participer à l'album, et on a profité du passage de la tournée de Jean-Jacques Goldman dans la région pour enregistrer le solo de Michael dans mon F2. C'était plutôt sympathique. Julien avait écrit un solo, mais Michael a préféré improviser après avoir écouté la chanson en boucle.

Quand nous étions en terminale, j'avais demandé à Arnaud d'écrire un texte dont le titre serait "L'impôt sur les rêves". Il a écrit ce texte pendant un TP de biologie. Juste après, nous sommes allés nous balader au Parc de la Pépinière, à Nancy. J'avais ma guitare sous le bras. Nous nous sommes assis dans l'herbe. J'ai poussé la gueulante : "c'est l'heure de l'impôt sur les rêves", et le morceau est né ainsi.

En 1995, j'ai rencontré Michael Jones grâce à un concours organisé par Europe 2. Il m'a donné ses coordonnées, et nous avons joué ensemble lors d'un festival, à Colmar, la même année. Nous nous sommes revus à chaque fois qu'il passait dans la région, soit avec Goldman, soit en solo, et je lui faisais écouter ce que nous faisions avec Arnaud, au fur et à mesure.

Au début de l'année, je lui ai demandé de jouer un solo sur la chanson. Il l'a enregistré le 22 mai, entre les deux concerts de Goldman à Nancy. J'ai emmené Michael chez Arnaud. Il a branché sa guitare. Il a écouté le morceau en boucle. Il a fait quelques prises. Cela a été très rapide, une demi-heure. Et puis il m'a dit que je pouvais choisir ce que je voulais.

 

La façade est jolie

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est une chanson désespérément magnifique…

C'est une tristesse que l'on retrouve tout au long de l'album. Cela me faisait un peu peur au début. En l'occurrence, c'est un état des lieux de la vie de couple. Etat des lieux de ce que je crois voir autour de moi et puis des inquiétudes qui sont les miennes. Mon ambition, c'est de ne pas écrire des textes hermétiques. Une des difficultés majeures, c'est de ne pas faire quelque chose de creux, et en même temps, qu'une compréhension soit possible dès la première écoute, tout en y gagnant à l'écouter plusieurs fois. J'espère que c'est le cas pour cette chanson.

Arnaud a écrit ce texte comme s'il avait 50 ans, avec un recul peu commun. C'est une analyse de ce qui se passe autour de nous. Les gens sont ensemble quand ils ne devraient plus l'être ; ils ne s'aiment plus, et c'est la prise de conscience. Ils ont fait des choses pour remplir leur vie, autre que d'être ensemble. Cette chanson est très accessible. Quand je l'ai chantée cet été, les gens trouvaient qu'il y avait une grande maturité dans cette chanson. Les gens d'un certain âge. Les jeunes la trouvaient très pessimiste. Ce n'est pas parce qu'on la chante que cela doit arriver, même si c'est malheureusement le cas pour beaucoup de personnes.

Certains artistes (Goldman, Souchon, Cabrel…) sont plutôt bons pour composer des chansons lentes. Ils font rarement des chansons rapides, mais quand ils le font, c'est magnifique. J'ai l'impression que dans ton cas, c'est le contraire : tu es plutôt doué pour les chansons rapides, et le fait que tu aies réussi une chanson lente aussi magnifique doit être un exploit personnel pour toi…

C'est possible. C'est vrai que j'aime les chansons rapides, avec de l'énergie, mais j'adore ce qui est tendu, lent, comme "Brothers in arms", par exemple. C'est vrai que les autres chansons lentes de l'album n'ont pas cet impact là.

 

A longueur de journée

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est une des chansons dont la musique existait avant le texte. Julien voulait un titre à connotation africaine sur son album. Il connaissait François Ousmane Glowinsky, le chanteur africain qui intervient dans cette chanson. Julien a composé une musique dans cette perspective là. Il m'a demandé d'écrire le texte. J'ai mis un peu de temps pour trouver. On a dû modifier la mélodie des couplets. François a écrit les paroles qu'il chante en bambara, et il a également réalisé et joué les arrangements pour la kora et la sanza, deux instruments traditionnels africains à cordes.

J'ai la chance de connaître Christophe Panzani, qui joue du saxophone sur mon album. C'est un excellent musicien, qui fait aussi partie d'un groupe lyonnais, Arco Iris. Il m'a fait écouter leur disque, et j'ai trouvé la voix d'Ousmane, qui chante en bambara, vraiment fabuleuse. Il n'a pas du tout la tête qu'on imagine quand on l'entend chanter ! C'était un passionné de Stevie Wonder, et quand il a découvert la musique africaine, il a décidé d'aller là-bas, et d'apprendre leur culture. Quand j'ai entendu sa voix, j'ai voulu faire un duo avec lui. J'ai composé une musique en pensant à lui. Arnaud a écrit un texte, qui n'avait pas autant de rapport avec l'Afrique que cela, mais qui convenait très bien. J'ai rencontré Ousmane, et je lui ai présenté la maquette où je chantais sur le texte d'Arnaud. Ousmane a écrit son texte en bambara, a refait la mélodie où il intervient, les arrangements pour kora et sanza. Le morceau était bien meilleur. Ousmane va enregistrer un album prochainement, et il m'a demandé d'y participer.

 

Petit frère

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est une angoisse de petit étudiant d'école de commerce. C'est une chanson où je me mets dans la peau de Julien, en tant que musicien vivant de sa musique, et me regardant travailler dans les tours dorées en costume sombre. Il y a des prises de conscience qu'il est bon de mettre en musique pour pouvoir se les remettre en mémoire dès la sortie du lit ou sur le chemin du boulot. On a tellement tendance à agir en contradiction totale avec ce dont on a soi-disant conscience que ça ne peut pas faire de mal de se prendre dès le matin "Petit frère", "La nature est mal faite" ou "A longueur de journée" en plein tronche…

Ça rappelle une chanson de Souchon…

Le bagad de Lann Bihoué ?

Exactement.

Oui. Ou "Pas trop de peine" de Cabrel. J'arrête là dans les comparaisons !

Damned, tu es découvert !

[rires]

Ça ne m'étonne pas qu'Arnaud ait écrit un texte comme celui-ci ! [rires] Le thème est assez simple : ça parle d'une personne qui a fait des rêves post-adolescents qu'il doit refouler à cause de la réalité économique, du travail de bureau. Les gens à qui cela arrive oublient totalement les rêves qu'ils ont pu avoir. Arnaud a fait une Ecole de Commerce, il a pris peur. Il a également un grand frère qui a fait une Ecole de Commerce et qui s'est complètement épanoui dans ce système. Il travaille maintenant dans une multinationale où il est Directeur du Marketing. Arnaud n'a pas voulu finir là-dedans.

 

Ecosystème

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

Tu as fait des études de commerce. Est-ce qu'Ecosystème t'a directement été inspirée par tes cours à l'Essec ?

Pas par mes cours, mais par une sensibilité développée pendant ces années là. Je m'intéresse à l'actualité en général. Ici, le but était de pointer le projecteur sur la jungle de l'économie contemporaine qui réduit les hommes à de simples coûts et les conduit à se désolidariser les uns des autres en les mettant en situation de concurrence permanente. Concurrence = rentabilité = croissance = bien être. Tel est le dogme ultrasimpliste qui préside encore à de nombreuses politiques et dont les coûts sont pour le coup sous-estimés…

Et Jean-Pierre Gaillard, il sait qu'il est dans une chanson ?

[rires] Il ne le sait pas. Messier se casse de Vivendi et demande 20 millions d'euros d'indemnités. Pourquoi ? Parce que nos entrepreneurs risquophiles méritent bien d'être indemnisés pour leur courage, nous dit-on. En même temps, aujourd'hui, il y a des convoyeurs de fonds qui sont virés parce qu'ils ne sont pas suffisamment défendus contre des braqueurs armés de lance-roquettes. Qui prend les risques ? Et qui est indemnisé ? On croit rêver… Cette chanson, c'est mon petit hommage à Michael Moore.

C'est une chanson qui est vraiment d'actualité. Quand Arnaud m'a donné le texte, il n'y avait que les couplets. On a essayé plusieurs refrains, mais aucun ne collait. Les refrains parlaient de rebellion contre le système, d'égalité des chances, mais ils plombaient la dynamique de la chanson. Une autre idée est venue : "Marché, marché, je vous salue marché" [rires]. C'était très drôle, mais ce n'était pas compréhensible. Donc on a décidé de simplement laisser "marché, marché", mais on trouvait que c'était quand même un peu juste. Alors on a eu l'idée des samplings. Il fallait mettre quelqu'un qui parle de la bourse, donc Jean-Pierre Gaillard, parce que tout le monde le connaît. Il est toujours content quand la bourse monte ! Je ne pense pas qu'il sache qu'il est dedans, mais ce serait drôle que la chanson passe juste avant sa chronique !

On n'a pas fait de montage pour les samplings, on les a pris tels quels. Arnaud était là quand on faisait le montage d'une phrase qui disait "un milliard d'euros". On s'est regardés et puis on s'est dit : "on le fait ou on le fait pas ?". On a enregistré le rot d'Arnaud, qu'on a simplement allongé. C'est l'une de ses deux participations dans l'album (c'est lui qui fait le gars qui se réveille dans l'intro de "L'impôt sur les rêves"). On a essayé de rendre "Ecosystème" drôle - parce qu'il n'y a pas tellement de chansons rigolotes sur l'album - même si sur le fond, ce n'est pas drôle du tout.

 

Nous seul

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

Second titre sur le couple. Julien et moi n'aimons pas trop les chanteurs qui écrivent des chansons d'amour à longueur d'albums. On a essayé d'en faire deux avec une couleur assez particulière, de la façon la moins mièvre possible. On essaie de sortir de la mythologie facile "amour qui rime avec toujours".

Elle n'est pas si pessimiste qu'on pourrait le penser ! C'est une chanson sur le couple, mais ce n'est pas comme "La façade est jolie" où on se rend compte au bout de vingt ans que tout ce qu'on a bâti n'est qu'une façade.

C'est une chanson qui aurait pu se chanter en duo avec une femme. Tu y avais pensé ?

Je n'y avais pas pensé. Ça rendrait peut-être la chanson conflictuelle. Ce qui rend cette chanson optimiste, c'est de prendre conscience que dans un couple, le "nous", ça n'existe pas. Ce n'est jamais que deux personnes ensemble. On peut vouloir des choses différentes, avoir d'autres horizons, avoir des vies différentes, cela n'empêche pas forcément de vivre ensemble, si on parle, si on est sincère. Je pense que c'est plutôt optimiste. L'avenir du couple, c'est que chacun parle, sache ce qu'attend l'autre, sans forcément toujours faire ce qu'attend l'autre pour lui faire plaisir. Il ne faut pas non plus que ce soit la foire aux concessions.

 

La nature est mal faite

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est le contre-pied de cette formule creuse et consensuelle qui ponctue tant d'observations : "décidément, la nature est bien faite". L'idée, c'est de faire remarquer qu'à bien y regarder, la nature participe aussi de nos faiblesses, de nos limites et notamment de notre finitude éthique, c'est-à-dire de notre incapacité à nous élever d'un point de vue moral. Comme si, malgré le temps, les livres, les prières, etc. notre nature nous condamnait à une gentillesse et une sincérité toujours rare et passagère. Cela peut paraître un peu pessimiste. Le "plus ou moins malhonnête" du dernier couplet permet de relativiser un peu. Le but étant de l'être le moins possible.

C'est un peu plus pessimiste. Cela fait un bout de temps que l'être humain existe, et il n'a pas beaucoup changé, d'un point de vue moral. L'homme a une espèce d'instinct - même si cela peut être conditionné - à ne pas respecter certaines valeurs. On nous aveugle dès notre naissance, on nous bombarde d'interdits, et on finit par faire les choses en cachette, à ne plus respecter l'autre et en avoir peur. Tout un monde pour se donner bonne conscience...

 

Déjà donné

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

C'est le blues du chercheur d'or. Qu'est-ce qu'il reste à chercher, à espérer quand on a l'impression d'avoir déjà vécu tout ce qu'on nous promet, tout ce qui nous attend ? Quand on est revenu des plans de carrières, des "stars en sandales" et de la bonne vieille chaleur humaine des soirées entre "amis", qu'est-ce qu'on fait ? Où aller faire ses courses quand on croit avoir fait le tour des supermarchés du bonheur instantané ?

C'est une chanson qui parle de ce qu'on croit aimer faire en société (aller en boîte, faire semblant de prier, porter une cravate…). On l'a tous fait, on le fait encore. La chanson finit pessimistement, dans le sens où il n'y a peut-être rien d'autre à trouver... Le blues permet de la rendre un peu ironique, pour qu'elle ne soit pas trop grave, même si dans le fond elle est un peu glauque.

 

Et puis plus rien...

(extrait d'une minute - MP3 - 64 kb / sec)

Arnaud Apostolo
Julien Régnier

Depuis longtemps, j'avais envie d'écrire sur la mort. Il fallait que ce soit simple. Je voulais aussi tordre le coup à la rengaine de la vie après la mort et indiquer ma préférence pour une vision matérialiste dans laquelle tout s'éteint avec le corps. On a vite compris que peu de texte suffirait. La partie instrumentale vient ensuite exprimer toute la richesse émotive que les mots ont du mal à restituer sur ce genre de thème.

Une chanson sur la mort, c'est délicat d'en dire plus. Le premier volet, c'est que la chanson parle de la mort, mais le second, c'est qu'il n'y a pas de réincarnation, pas de résurrection. Il n'y a rien après la mort. Pour ne pas que ce soit une chanson trop courte, j'ai décidé de faire une fin assez longue, musicale, pour développer le texte court où tout est dit, et pour dire qu'en tout cas, actuellement, on est bien vivants !


Sélection de liens :

(c) octobre 2002 Jean-Michel Fontaine - Tous droits réservés

Vos réactions

Si tu faisais un test à "l'aveugle" (ou au sourd !!!), je suis sûre que 80 % des gens croiraient à un album caché de Jean-Jacques. C'est incroyable cette voix aussi semblable. Néanmoins, j'aime beaucoup, ça bouge, il y a des mots... Non, franchement, merci de nous faire découvrir des choses.

Magali Moscardo
16 octobre 2002


Bonjour, que dire de l'album de Monsieur Régnier... Exceptionnel. Variété musicale, génie de l'ecoute, sens de l'instrumentalisation, cordes enivrantes, arrangements accrocheurs, agrémenté de textes efficaces. Il y a du génie, du Goldman, du De Palmas, du Cabrel, du très grand musicien. Bravo.

Jérôme Bergé
19 octobre 2002


Il y a peu de temps, Jean-Michel mettait en ligne l'interview d'un jeune compositeur, Julien Régnier, qui vient d'auto-produire son premier album "La façade est jolie". Comme je partage les goûts musicaux de Jean-Michel et que je lui fais plutôt - :-) - confiance lorsqu'il recommande un artiste inconnu du grand public, après avoir lu l'interview, j'ai commandé le cd (en vente sur le site de Julien). En plus, les associations "au long cours" comme Djian + Eicher, Souchon + Voulzy, Roda-Gil + Clerc, me séduisent, je trouve le résultat enrichi. Alors quand j'ai découvert que les textes de toutes les chansons composées et interprétées par Julien étaient signés Arnaud Apostolo, un "vieux" pote rencontré en terminale, j'ai pensé que c'était de bonne augure. Je ne vais pas me lancer dans une analyse des influences musicales et du style de Julien, Jean-Michel en parle dans l'interview, et j'en suis du reste incapable. Je vais juste essayer de situer rapidement les chansons, de mon point de vue personnel bien évidemment, afin de vous inciter à acheter cet album, parce que je trouve sincèrement qu'il en vaut largement le coût (c'est le cas de le dire ! 13 euros, port compris).

Premier coup d'oeil sur la pochette: comme la façade, elle est jolie, même plus que ça: elle fleure bon le patin de l'artisan, on la sent peaufinée de tout plein d'idées en vrac, ajoutées les unes sur les autres dans une harmonie réussie. Par opposition, l'étiquette du cd est noire. Simplement.

"Plus rien à perdre ici": premier morceau, c'est important pour la qualité d'écoute de la suite. Premiers accords... ambiance slave... un accordéon, un violon lancinant : "Natasha"? La voix peut-être légèrement rauque, un peu Stefan Eicher, impression tout de suite corrigée, non : le timbre est indiscutablement proche de celui de JJG. Le thème est celui des illusions que l'on perd au contact de la réalité de la vie, le risque des miroirs aux alouettes. C'est un peu "Là-bas" qui se serait noyé dans "Rouge". Grande variété de percussions. La première impression me fait penser aux rock-blues de Cabrel.

Eh oui, c'est ça qui est terrible quand on découvre un nouvel artiste. "Tiens, il chante comme Goldman... non là c'est une intro à la Cabrel... oui mais Souchon dans... ah mais Zazie elle aussi... " etc. Malheureusement, pour essayer de vous donner une idée des chansons, je ne vois guère d'autre moyen que les parallèles voire les comparaisons, aussi partiaux soient-ils !

"L'impôt sur les rêves", un bien joli titre ! L'intro... tiens ? Pink Floyd ? Non, non ce n'est pas "Time" ! Mais ça déménage bien, ce morceau n'aurait pas dépareillé sur l'album "Rouge" entre "Je commence demain" et "Frères". Et en bonus, Mr Michael Jones himself, à l'oeuvre dans un solo comme il en a le secret.

"La façade est jolie". Une chanson lente. Le texte parle de la vie, du couple, de la routine... Très beau. Je pense à "C'est pas d'l'amour" aux accords nostalgiques d'"Hors saison". Superbes accompagnements au violoncelle, au violon, à la contrebasse, à la mandoline.

"A longueur de journée", six minutes "africaines" pour évoquer le déséquilibre nord-sud, et une surprenante découverte: la voix de François Ousmane Glowinsky. Un "métissage" réussi. Mais je n'en dis pas plus... :-)

"Petit frère": les regrets, les loupés, des "actes manqués" sur fond d'un saxo magique, où s'entremêlent le violon et les percussions exotiques. Là encore, atmosphère "Cabrel".

"Ecosystème", là un bon moment de rigolade (surtout quand le temps est aux grincements de dents !), impossible à décrire, il faut l'écouter. Disons qu'on peut qualifier ce morceau d'un "C'est pas vrai" à la sauce cac 40 :-). Et le batteur, Bernard, qui s'éclate aux côtés de Christophe et son saxo !

"Nous seul". Très jolie chanson, la deuxième (et dernière) d'amour sur cet album. Là encore, des accents "Cabrel", des doutes "Goldman", de la pudeur "Lafontaine". Une belle réussite (avis féminin...)

"La nature est mal faite", pourrait faire penser au "Monde est sourd" et pourtant je suis de plus en plus frappée par la tessiture de la voix de Julien très proche de celle de JJG. Au point de se dire qu'avec les voix de Carole (hélas ..!) et de Michael, cela aurait donné quelque chose dans le style de "Peurs". C'est une chanson dure, pessimiste, sans beaucoup d'illusions ni de concessions sur la nature humaine.

"Déja donné" : Blues, blues, quand tu nous tiens... Là, on peut toujours rêver d'un boeuf avec Julien et ses musiciens, auxquels se seraient joints Jean-Jacques, Michael, Gérald, Francis... Parce qu'ils ont sans doute été dans le subconscient créatif de Julien lorsqu'il a composé ce titre :-). En attendant, Julien, Bernard (aux congas) et leurs deux choristes nous offrent un beau blues vrai de vrai !

"Et puis plus rien", non pas une chanson sur la mort comme on pourrait la qualifier abruptement. Quelques mots. Un titre essentiellement instrumental. Un hommage à des amis disparus (des proches de Christophe, un des musiciens complices ?) En réalité, un hommage à la vie. Une fort belle façon de conclure cet album : écoutez le morceau jusqu'au bout :-) !

Voilà... c'est un peu sans saveur comme description, alors je ne sais pas si je vous aurai donné envie d'acheter l'album de Julien, mais tandis que les médias nous servent fréquemment du n'importe quoi, fast food insipide, vite concocté, vite avalé, vite oublié, encourager des musiciens de talent me paraît légitime, voire salutaire. Et je ne voudrais pas que mes petites comparaisons bancales avec des artistes reconnus de longue date occultent le fait que Julien a un talent bien à lui, de compositeur évidemment, mais aussi de guitariste, d'interprète. Il est servi par les textes d'Arnaud qui sont incisifs, épurés, qui touchent et sonnent juste.

Bon... et puis je voudrais ajouter que je ne suis peut-être pas tant "hors sujet" que cela, car Julien Régnier fait sans doute déjà partie de la "famille" de Jean-Jacques Goldman. Pas à cause de deux grands yeux sombres au verso de la première page du livret, pas à cause d'une écriture vaguement familière au recto de la dernière page, pas non plus parce que Michael Jones lui a consacré de l'attention et du temps, ce qui - abstraction faite de sa gentillesse habituelle - est un gage de confiance, mais tout simplement parce que...

Christine Tascher
9 novembre 2002


Comme Christine, j'ai acheté le CD de Julien Régnier et je vous encourage à le faire.

Je partage globalement ses avis sur les chansons. J'ajouterais une influence Knopfler (guitariste de Dire Straits) sur les arpèges joués sur National et sur la guitare solo de "Petit frère", le tempo rappelant Sultans of swing. Sur le plan musical, Julien Régnier est un multi-instrumentiste de talent puisque, en plus des parties de guitares (acoustique, National, électrique, slide..) de très bonne facture, il joue de la basse sur tous les morceaux, avec un très bon toucher, qui rappelle parfois le grand Paga, bassiste, entre autres, de Francis Cabrel (et de Magma précédemment je crois) et que du Hammond, en particulier sur le dernier morceau : "Et puis plus rien...". Je ne saurais d'ailleurs que conseiller aux amateurs de guitare (dont je suis) ce dernier morceau aux envolées lyriques trés Knopflériennes (au toucher près car joué au médiator)...

Voilà, à l'heure des Pop-stars-d'un-soir-de-l'académie-à-domicile, il est plus que plaisant de découvrir de jeunes artistes bourrés de talent. Ce
premier CD réalisé à 27 ans est une nouvelle fois la preuve que la qualité nécessite un peu de maturité. Souvenez-vous de l'age de JJG lors de son
premier album.

Jean-Dominique Lameyre
11 novembre 2002


Je viens de découvrir cet album et je tenais à vous faire partager mes impressions.

D'abord à Jean-Michel. Cela fait maintenant longtemps que je fais partie de sa liste de distributions et j'avoue que la qualité des informations qu'il
nous donne est toujours aussi bonne. C'est encore ici le cas.

Ensuite à Julien et Arnaud. J'ai vraiment aimé votre album. Les textes sont très travaillés et les mélodies sonnent bien. C'est un album de très bon niveau. Même la pochette est pro. J'aime beaucoup ces chansons avec un solo instrumental bien placé. Ça me plait ici. J'avoue avoir retrouvé des atmosphères rappelant les styles Cabrel et Goldman. Je précise que je ne fais pas partie de ce snobisme musical actuel qui dénigre ces auteurs-compositeurs. J'aime particuliérement ce qu'ils font.

Ne vous arrêtez surtout pas là !!!

Didier Diaz
28 novembre 2002

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