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Rencontre avec Stéphan Caussarieu
(Entretien enregistré à Paris le 8 mars 2001)

Rencontre avec Stéphan Caussarieu
Entretien enregistré à Paris le 8 mars 2001
Parler d'sa vie, le 6 août 2001
Retranscription de Jérémy Hammerton et Ludovic Lorenzi

Ludovic Lorenzi : A quel âge avez-vous commencé la batterie ? A 14 ans, d'après ce que j'ai lu dans les articles.

Stéphan Caussarieu : Oui, c'est ça grosso modo, 13 ans. 13-14 ans, oui.

Ludovic Lorenzi : Faisiez-vous de la musique avant ?

Stéphan Caussarieu : Non, je ne faisais pas de musique. Par contre, j'avais très très envie d'en faire depuis longtemps. J'étais d'ailleurs très très branché par la musique classique à l'époque. Et puis, c'est tout à fait un hasard qui m'a fait acheter un petit bout de batterie pour commencer. Et là, je me suis pris d'amour, non seulement pour l'instrument mais aussi pour toutes les musiques qui gravitaient autour de la batterie. C'était la grande époque des Beatles, de Hendrix, de Led Zeppelin…etc, etc…

Ludovic Lorenzi : En fait, vous avez commencé à 14 ans et vous avez intégré Taï Phong à 18 ans. Ça fait une évolution rapide. Donc, vous avez un peu poussé l'apprentissage, non ?

Stéphan Caussarieu : Oui, c'est même pas 18 ans. Je crois que j'avais 17 ans, 17 ans et demi… Quelque chose comme ça… Pendant deux-trois ans, j'ai joué un petit peu comme tout le monde, avec des amis, des copains. Tous les samedis, on avait une répétition. Et puis, j'ai eu un premier contrat professionnel à 16 ans. Je suis parti dans un club de vacances dont je ne dirai pas le nom [rires], que tout le monde reconnaîtra. Là, j'ai rencontré pas mal de musiciens qui, évidemment, étaient beaucoup plus âgés que moi. Parce que j'étais vraiment très jeune, j'avais 16 ans. Et tout le monde m'a dit qu'il fallait continuer, qu'il fallait vraiment s'inscrire dans une école. Et c'était le début des écoles Agostini, par exemple, des écoles qui apprenaient vraiment… principalement la batterie, et non pas la percussion classique comme on l'apprend dans les conservatoires. Donc, je suis entré après l'été 73, dans cette école. Et là, en voyant les gens travailler, les élèves qui étaient là, qui étaient d'un très bon niveau... Je me suis dis "Ou alors, je rentre chez moi. Je balance mes baguettes dans la poubelle…", parce que j'étais vraiment écœuré du niveau. "Ou alors, je travaille comme un fou parce que je veux vraiment y arriver". C'est évident, c'est la deuxième solution que j'ai choisie. Et c'est vrai qu'à cette époque là, je travaillais quatre à cinq heures par jour la batterie, les rudiments… etc, etc… Quand j'ai découvert Taï Phong, c'est vrai que mon niveau avait, en un an et demi, évolué très très très nettement.

Ludovic Lorenzi : En fait, Khanh disait dans une interview de Rock'n'folk de 1975 que vous étiez le batteur le plus complet. Est-ce que vous aviez beaucoup d'influence au niveau des styles ?

Stéphan Caussarieu : Oui. Justement, je pense que… J'écoutais énormément de musique, comme je vous ai dit tout à l'heure. Au début, j'écoutais beaucoup de musique classique, même quand j'avais 7-8 ans. Ce n’était pratiquement que de la musique classique que j'écoutais. Puis, j'ai découvert toute la musique rock, blues, jazz… en même temps, vers l'âge de 12-13 ans. Et là, ça a été vraiment pour moi un raz-de-marée. Pratiquement en même temps, j'ai découvert les Beatles, Miles Davis, Jimi Hendrix… Je n’ai jamais renié mes amours pour la musique classique mais pour moi c'était évident que c'était ça que je voulais faire, comme beaucoup de jeunes de mon âge qui découvraient ces musiques. Parce que c'était une époque… c'était vraiment tout à fait nouveau. Le monde du rock, du jazz… Tout ça c'était tout à fait nouveau et c'était très très fort. Il se passait vraiment des choses très très fortes à ce moment là.

Ludovic Lorenzi : Et ça n'a pas été trop dur de s'adapter à Taï Phong ?

Stéphan Caussarieu : Non, ça n'a pas été trop dur. Justement, je me souviens de premières répétitions… je vais plutôt dire des premières auditions. Ils m'ont fait écouter… Ils avaient déjà des bandes enregistrées. J'ai tout de suite vu le style de musique que c'était. C'était un style de musique que je n'écoutais déjà plus tellement à l'époque puisque que c'était un style Pink Floyd, ce qui était enregistré en tout cas. Il y avait deux morceaux qui sont sur les premiers albums, c'est "Out of the night" et "Saint John's avenue", qui lui est sur le deuxième album. Quand j'ai entendu ça, j'ai repensé à ces musiques de Pink Floyd. Et alors que j'étais déjà dans cette époque d'énorme travail de la batterie, donc une batterie technique… etc, etc… je me suis dis "C'est pas du tout ça qu'il faut faire". Et j'avais envie de revenir, effectivement, pour jouer, pour accompagner ces musiques-là, de jouer simple. En tout cas sur ces morceaux-là. Et donc, aux premières répétitions, je crois que c'est ce que j'ai fait. C'est ce que j'ai dû faire puisque ça les a intéressés. Et je pense qu'ils ont dû voir aussi, sur certains morceaux qui étaient plus complexes comme, on va dire "Crest", par exemple ou "Going away" que j'étais aussi capable de jouer aussi un peu plus technique, ayant un jeu de batterie un peu plus soutenu.

Ludovic Lorenzi : En ce qui concerne les deux premiers albums de Taï Phong, tout le monde compose, sauf vous. Est-ce que vous aviez proposé des titres ?

Stéphan Caussarieu : Ce qui s'est passé quand je suis rentré dans le groupe… Moi, je composais depuis longtemps parce que, parallèlement à la batterie, j'ai toujours travaillé d'autres instruments tels que le piano et la guitare. Donc, quand je suis rentré dans le groupe, j'avais déjà des morceaux qui pouvaient très très bien s'intégrer à la musique de Taï Phong. Mais les musiques étaient déjà composées pratiquement pour deux albums. Donc, je n’allais pas arriver et puis dire "Bon, ben voilà, je vous propose ça". Le premier album, de toute façon, quand je suis arrivé, c'était évident qu'il était tout à fait composé, que je n'avais plus qu'à m'intégrer dans le groupe et à travailler les parties. Ce qu'on a fait pendant trois ou quatre mois avant de rentrer en studio, et là, on travaillait pratiquement tous les soirs. Le deuxième album, j'ai déjà proposé une chanson, je m'en souviens, qui a retenu l'attention de tous les membres du groupe puisqu'on est allé l'enregistrer en maquette. On a dû enregistrer trois maquettes. Il devait y avoir "North for winter", qui est le deuxième 45 tours. Il y avait un de mes morceaux, donc, ce morceau que j'ai proposé et puis, je crois, un morceau de Jean-Jacques. Et c'est le morceau de Taï, en fait, qui a été retenu. C'était assez démocratique, à cette époque là, dans le groupe. On proposait des chansons. On se disait "Celle-là, celle-là, celle-là sont vraiment intéressantes, on va les maquetter". Donc, on rentrait dans un petit studio de maquettes et puis on les maquettait. Et puis, ensuite, on les écoutait bien et puis, pratiquement, on votait pour le morceau qu'on allait prendre pour le single ou pour l'album. Donc, ce morceau n'a pas été retenu en fin de compte. Il est resté, je l'ai toujours, avec les voix de Jean-Jacques, avec les voix de Khanh, de Taï. C'est un collector absolument incroyable [rires]. C'était plutôt un morceau de single donc, il n'a pas fait partie du deuxième album. Et puis après, le troisième album, il s'était passé deux ou trois ans. J'étais passé un peu à autre chose, donc, j'ai proposé d'autres titres.

Ludovic Lorenzi : Quels souvenirs vous gardez de la tournée de 1977 ? Est-ce que vous avez fait beaucoup de dates avec le groupe ?

Stéphan Caussarieu : Non, on n'a pas fait beaucoup de dates. C'est un groupe qui a quand même eu beaucoup de malchance. 77… on avait prévu effectivement une tournée sur la côte Atlantique. Il y a eu l'Amoco Cadiz, ce pétrolier qui est venu s'échouer sur les côtes. Ça paraît bête, mais il n'y avait vraiment pas grand monde, cet été là, sur les côtes Atlantiques. Donc, on a été obligé de couper court à cette tournée. J'ai des souvenirs, évidemment, de ces concerts. C'était bien mais ça demandait à être rodé. On n'a pas fait 200 concerts, comme maintenant un groupe qui tourne réellement, qui est connu, va faire 200 dates. Je ne sais plus, à l'époque, combien on a pu faire de concerts. C'était pas énorme et ça demandait certainement beaucoup plus de temps pour que le groupe soit très très efficace sur scène.

Ludovic Lorenzi : Surtout que, apparemment, vous aviez six claviers. J'avais lu quelque part que vous étiez allé jusqu'à Limoges pour aller rechercher Jean-Alain Gardet pour qu'il vienne faire au moins les premiers concerts.

Stéphan Caussarieu : Oui, ça c'est une drôle d'histoire. Jean-Jacques avait dit, quelque temps avant, qu'il ne voulait pas faire les concerts. C'est vrai que Jean-Jacques avait un trac fou à l'époque. Je pense qu'il l'a toujours. Mais maintenant, quand il rentre sur scène, il a un public qui est vraiment acquis. Alors, je pense que ça doit être un petit peu plus facile. Mais, à l'époque… Je me souviens d'un concert avec lui où il était vraiment… gravement malade de trac. Mais il avait tout à fait bien assuré ses parties, et de guitare, et de chant, mais quand même, c'était assez impressionnant de le voir à ce point avoir le trac. Mais, quand Jean-Alain a vu que Jean-Jacques ne faisait pas partie de la scène… lui aussi a un petit peu jeté l'éponge. Il s'est dit, "Bon, j'ai pas très très envie". Ça faisait déjà quelques années qu'il pensait quitter le groupe mais il n'en parlait à personne. Et puis tout d'un coup, il est parti. Jean-Alain était vraiment pour moi un ami, donc j'ai tout fait pour aller le retrouver. Effectivement, il était parti à Limoges. Donc, j'ai pris ma voiture, je suis parti à Limoges, j'ai réussi à le retrouver et il jouait du piano dans un bar, il accompagnait un artiste de là-bas. Une histoire absolument incroyable et je suis resté deux, trois jours. J'ai vraiment failli le ramener à la raison. Mais non, non. Il avait vraiment décidé d'arrêter complètement. Ça s’est vraiment passé du jour au lendemain et c'est vrai qu'on avait des concerts deux semaines après et des grands concerts en plus : des très très belles salles, et donc là, on s'est dit qu'on n'avait pas le temps de prendre un seul musicien. Tout n'était pas sur partition puis, comme vous le savez, ce n'était pas une musique qui était simple à jouer puisque ce n'était pas des chansons de trois minutes trente, couplet, refrain mais qu'il y avait des longues envolées de guitares, de voix, etc… Mais pour un clavier, il y avait beaucoup de travail. Donc, on s'est dit on va prendre un clavier qui va faire deux chansons, un autre qui va en faire deux ou trois, l'autre qui va en faire deux et on fera un concert comme ça et puis on en parlera sur scène, on expliquera un petit peu la chose et c'est d'ailleurs ce que j'ai fait sur scène. Je me suis levé pour féliciter tous les claviers de nous avoir aidés et pour expliquer un petit peu au public ce qui c'était passé mais sans animosité particulière contre Jean-Alain. Mais il fallait que le public comprenne ce qui se passait sur scène parce qu'il voyait des gens partir toutes les deux chansons et qui revenaient. Enfin, voilà. Mais, c'est tout. Je veux dire qu'on a fait ce concert qui était un petit peu un concert de mise en place mais ensuite on n'a pris qu'un seul musicien pour faire le concert. Donc, il y a eu peut-être un ou deux concerts avec six musiciens. Après l'affaire a été réglée et ensuite on a pris Pascal Wuthrich qui a donc joué dans le troisième album.

Ludovic Lorenzi : Sinon, après le deuxième album, Jean-Jacques a décidé de ne pas tourner. Pourtant, si on regarde bien, il n'aura jamais été aussi présent sur le plan discographique. Il était parti pour ne pas faire les concerts mais il était d'accord pour rester pour les disques. En fait, j'ai noté qu'il avait fait quatre singles sans Taï Phong : les trois en solo plus le "Sweet Memories". Les trois singles, les trois 45 tours de Taï Phong qui suivaient : c'était "Follow me", "Back again" et "Fed up", les faces A sont de lui et il a quand même placé deux titres sur "Last flight". Alors, comment est-ce que vous expliquez que Jean-Jacques ait pris une part aussi importante dans le groupe à ce moment-là ?

Stéphan Caussarieu : Je crois que ce n'est pas vraiment réfléchi. Il n'y a pas un lien de cause à effet. Je ne sais pas. Ce n'est pas parce que, tout d'un coup, il disait qu'il n'allait pas faire la scène que, donc, on lui a donné plus de travail sur les disques. Je crois que c'est tout à fait parce que ses chansons étaient toujours de qualité, évidemment, mais que je pense qu'elles s'intégraient vraiment bien dans la période qu'on vivait musicalement. Et bon, c'est vrai qu'à partir de 1977, Taï Phong s'est recherché puisqu'on avait fait deux ou trois disques qui n'avaient pas marché, après "Sister Jane", au moins deux plutôt, et que c'était toujours un petit peu dans la même veine, un peu de morceaux lents. Il y a eu la période disco. Alors, sans tomber dans la période disco… c'est vrai que le style de Jean Jacques est quand même un peu un style plus nerveux, plus rock. Donc, il a proposé des chansons, où il y avait peut-être un peu ce côté disco dans certaines. Mais il y avait quand même toujours ce côté rock, qu'il a toujours de toute façon, avec des guitares saturées, etc, etc… Et donc, ce n'était pas si éloigné que ça du style de Taï Phong, qu'on pouvait retrouver dans d'autres morceaux comme "Goin' away" dans le premier album ou "When it's the season". Sauf que c'étaient des morceaux qui duraient douze-dix minutes. Et là, il avait évidemment compris qu'il fallait faire des chansons de trois minutes trente, quatre minutes mais avec des morceaux qui étaient rapides et avec une petite connotation qui collait à l'époque, le disco. C'est tout, mais en fait, ce qui était disco, c'était le pied de grosse caisse qui était sur tous les tempos, comme on faisait dans ces années là. Mais, comme je dis souvent, puisqu'on me dit : "Oui, c'était disco", non, il n'y avait que ça. Sinon les guitares, c'était pas très très disco, c'était plutôt rock. Donc, voilà, je crois que c'est vraiment un hasard. Les morceaux de Jean-Jacques collaient vraiment à ce qu'on voulait essayer de proposer à cette époque là. Mais ça n'a pas marché en fin de compte.

Ludovic Lorenzi : Parce qu'en fait, j'avais remarqué que dans cette période là, de "Follow me" à "Last flight", il y avait un style un peu plus rythmé au niveau du groupe alors qu'avant c'était carrément un peu plus planant. Et c'est vrai que j'avais remarqué que les morceaux de Taï et de Khanh étaient des morceaux lents, des slows, et ceux de Jean-Jacques, rapides. C'est pour ça que je vous posais la question. sinon, en ce qui concerne "Last flight", vous y placez votre première composition, c'est "Farewell gig in Amsterdam". Ça s'est fait dans quelles circonstances ? Vous aviez beaucoup de compositions prêtes à l'époque ? Stéphan Caussarieu : Il faut que je me remette dans l'époque justement et les souvenirs… [rires]. Oui, je crois que j'avais effectivement beaucoup de compositions. Mais là, par contre, j'ai eu envie de proposer un morceau. Parce qu'on ne peut vraiment plus parler d'une chanson, parce que c'est un morceau assez complexe avec différentes parties. Il n'y en a pas eu d'autres à ce point dans les albums de Taï Phong. Donc, c'est vrai que j'avais envie… C'était le troisième album, on était un petit peu dans une phase de se poser des questions, à se dire "Vers où allons-nous aller musicalement ?". Et c'est vrai qu'à cette époque là, il y avait la période punk, et cette période disco dont les chansons étaient minimalistes du point de vue des harmonies, des mélodies. Et moi, je n’avais pas du tout envie de proposer ce genre de choses. Je n'écoutais plus la musique style Yes, Genesis à l'époque. Je continuais de penser que Taï Phong était plus un groupe d'albums avec des morceaux riches musicalement qu'un groupe réellement de tubes. Ça faisait quand même cinq ans qu'on n'avait pas fait de tube. Je pense toujours qu'il aurait fallu continuer dans cette voix- là en essayant toujours d'avoir des chansons de radio, ciblées radio. Mais si ça ne fonctionnait pas, ça aurait pu ne pas être grave. Je veux dire que le groupe aurait pu continuer. Genesis, c'est un groupe qui n'a pas toujours fait beaucoup de tubes. Phil Collins en a fait beaucoup. Genesis est un groupe qui n'a pas fait énormément de tubes, même Yes. Ils ont réussi à tenir des années et des années, mais c'est vrai que ce sont des groupes anglais, c'est peut être plus facile pour eux. Je pense qu'on aurait pu continuer dans cette voie et parce que, à chaque fois qu'on sortait un album, même le troisième puisque… souvent, il est un peu critiqué. Même nous musiciens de Taï Phong, on dit que c'est certainement l'album le moins intéressant du groupe. C'est certainement vrai mais un groupe, de toute façon, ne fait pas toujours un album meilleur que le précédent. De temps en temps, on se trompe un peu. Je pense qu'on aurait dû continuer dans cette voie là au début des années 80. Voilà. Mais les choses se sont passées comme ça, on s'est arrêté.

Ludovic Lorenzi : En 86, c'est le retour de Taï Phong après la séparation en 80. A ce niveau-là, vous avez une place plus importante puisque vous êtes à l'initiative du 45 tours "I'm your son". Vous avez composé la chanson. Je voulais savoir si vous aviez prévu des promotions à cette époque là car le 45 tours n'a quand même pas marché. Il parait que vous aviez prévu un clip ? Stéphan Caussarieu : Il a été prévu. Il a été fait, il a été tourné. Encore une fois, le groupe, si je peux m'exprimer ainsi puisque là on n'était plus que deux, Khanh et moi… je ne me souviens plus de ce que je veux dire.

Ludovic Lorenzi : Pour "I'm your son", il y avait eu un clip. Il aurait dû y avoir des diffusions sur TV6, qui a disparu. Ça s'est passé comment ?

Stéphan Caussarieu : Ça s'est passé comme ça. C'est aussi simple que ça. Effectivement, il y a eu un contrat avec TV6 pour un nombre de passages déterminé. Le clip avait été enregistré et puis il s'est passé que TV6 a été racheté. Donc, le clip a dû passer cinq ou six fois alors qu'il devait passer cinquante fois. Encore une fois, on peut parler de malchance parce qu'il est certain si ce clip et cette chanson étaient passés sur TV6 une cinquantaine de fois, certainement que ça aurait été différent pour l'avenir de cette chanson. Donc, ça s'est un petit peu arrêté là. Ludovic Lorenzi : Surtout qu'à l'époque Jean-Jacques Goldman marchait bien. On parlait de Taï Phong comme l'ancien groupe de Jean-Jacques Goldman et revoir un 45 tours de Taï Phong dans les bacs, ça ne pouvait pas échapper à l'œil. Moi, ça ne m'avait pas échappé. Le problème, c'est qu'on ne l'entendait jamais à la radio. Est-ce que vous aviez beaucoup de diffusions radio, est-ce que vous aviez des accords avec les grandes radios ? Non ?

Stéphan Caussarieu : Non, non. Il n'y avait pas d'accord avec les grandes radios. Non, je pense qu'à cette époque là, les gens se disaient "Taï Phong, oh la la, c'est dépassé, c'est fini, on passe à autre chose". Mais, par contre, cette chanson est beaucoup passée en club, a eu beaucoup de succès en club. C'était évidemment bien, mais ce n'était pas suffisant. Il faut aussi savoir que dans cette chanson, Jean-Jacques est venu chanter. Il est venu m'épauler un petit peu à la fin de la chanson. C'était un petit peu pour le plaisir et c'était bien agréable. Ludovic Lorenzi : Et vos soirées au Zénith que vous avez passées avec Jean-Jacques Goldman, vous en gardez quel souvenir ?

Stéphan Caussarieu : Un souvenir extraordinaire, évidemment. Puisque là tout d'un coup on se retrouvait dix-quinze ans en arrière. Donc, c'était assez fantastique de voir un public venir évidemment pour Jean-Jacques, et quand nous nous rentrions sur scène avec Khanh, c'était vraiment un grand succès et on voyait les gens applaudir. On était même un peu étonnés… On ne savait pas à quel point les gens, les jeunes connaissaient le groupe Taï Phong. Il y avait déjà dix-quinze ans derrière, dix ans. C'est ce qui nous a donné en fait l'envie réellement de… enfin on l'avait déjà depuis longtemps, l'envie, mais ça nous a fait concrétiser "I'm your son", justement. D'ailleurs, c'est pendant cette période-là où j'étais dans une maison de disques en tant qu'artiste solo, et j'avais cette chanson dans un fond de tiroir que je trouvais bien pour Taï Phong comme je fais toujours : j'ai toujours des compositions que je sens pour moi et d'autres que je sens pour le groupe Taï Phong, je sens plus en anglais ou dans le style de Taï Phong. Et donc, j'ai fait écouter à Khanh, j'ai fait écouter à la maison de disques dans laquelle j'étais et tout le monde a été intéressé, accroché par l'idée. On est parti dans cette voie et c'est vrai qu'on pensait faire ce single et tout de suite continuer avec un album derrière. Comme il y a eu ces problèmes, comme TV6 n'a pas passé le single, comme les radios n'ont pas voulu le passer… il n'y avait que les clubs qui fonctionnaient sur l'histoire. Encore une fois, c'est un petit peu tombé à l'eau et il nous a fallu encore quelques années pour nous remettre dans le bain, de se dire "et si il y avait vraiment quelque chose : l'histoire, il y a un son". Pour arriver à ce dernier album, à ce quatrième album…

Ludovic Lorenzi : Et en ce qui concerne Pascal Wuthrich, parce que vous dite que vous n'étiez plus que deux dans le groupe à l'époque mais il y a encore Pascal Wuthrich. Sur la pochette, derrière, il est marqué comme musicien additionnel et non pas comme faisant parti du groupe. Alors, pourquoi ?

Stéphan Caussarieu : Trés honnêtement, je ne me souviens plus du contexte exact. Musicien additionnel, c'est vrai que là on faisait venir des musiciens de studio : un bassiste, un guitariste qui ne faisaient pas réellement partie du groupe. C'est vrai qu'il avait fait partie du groupe sur le dernier album et dans les concerts qui ont suivi… A mon avis, c'est une question de contrat tout simplement. Il n'en faisait pas partie : sur le contrat de disque était mentionné "Khanh et Stephan" de l'ancien groupe Taï Phong.

Ludovic Lorenzi : En ce qui vous concerne vous, vous êtes entré chez Barclay en 1983. Comment ça s’est fait et pourquoi vous en êtes parti ?

Stéphan Caussarieu : Encore une histoire de malchance [sourire]. C’est très simple, en 83 ou 82, j’ai téléphoné à Jean Mareska, l’ancien directeur artistique du groupe, avec qui j’avais toujours de bonnes relations, et je lui ai dit : "J’ai des chansons que je trouve intéressantes". On s’est vu, je lui ai fait écouter et il a vraiment beaucoup apprécié. Lui est reparti de chez moi avec les cassettes sous le bras… des cassettes, à l’époque [rire]… et il a fait écouter à une ou deux maisons de disques. Et tout de suite, ça a été très simple. Il y avait un titre qui était fort, qui s’appelait "Tous les nights and days". Tout de suite, Barclay a bien voulu me signer. On a sorti ce 45 tours dans la foulée. Et puis, c’est encore une très mauvaise période pour Barclay… et moi, je ne le savais pas, mais j’étais vraiment à la fin de l’histoire de Barclay. Il y a eu très très peu de promo. Encore une fois, c’est un disque qui a marchoté. J’ai fait une petite tournée dans l’est de la France. Ça a bien marché en club, il y a eu quelques ventes mais, bon, ça n’a pas eu le succès escompté, évidemment. Il y a eu rupture de contrat après puisque Barclay n’existait plus. Donc, ça s’est arrêté là. Il m’a fallu du temps ensuite pour m’en ressortir et arriver à retrouver une signature. Ce que j’ai fait en 85, justement, chez Vogue.

Ludovic Lorenzi : En fait, vous étiez chez Vogue mais, à la même époque, Axel Bauer était aussi chez Vogue. Il avait eu des problèmes, lui aussi, parce que Vogue avait arrêté. Ce n’est pas ce qui s’est passé aussi pour vous ?

Stéphan Caussarieu : Oui, c’est exactement la même chose. C’est toujours les mêmes choses. Ça peut paraître incroyable mais c’est vrai. J’ai signé chez Vogue. Et puis, le disque que j’ai sorti chez eux n’a eu aucune promotion. Aucune, aucune, aucune. Par contre, je ne connais pas du tout l’histoire d’Axel Bauer, donc, je ne peux pas en parler. Mais, pour moi, il ne s’est rien passé… Et d’ailleurs, on a sorti, dans la foulée, cette chanson, "I’m your son" pour Taï Phong, parce que justement, j’étais chez Vogue et que je ne pouvais pas signer ailleurs. Contractuellement, j’était obligé de leur proposer cette chanson, et je leur ai dit "Voilà, ce serait pour le groupe Taï Phong". Ils ont été très intéressés par la chose mais, bon, niveau promotion, il ne s’est pas passé grand chose. Voilà, énième disque qui tombe dans l’oubli et sur lequel il ne se passe pas grand chose. C’est vrai que ça peut paraître incroyable mais c’est vraiment la réalité.

Ludovic Lorenzi : En fait, chez Vogue, vous avez sorti deux 45 tours : un en 85, un autre en 87. Vous n’aviez pas d’autres projets ? Parce que finalement, en deux ans, faire deux 45 tours, ça paraît peu.

Stéphan Caussarieu : Ce n’est pas si facile que ça. Il faut faire le tour des maisons de disques. C’est ce que je faisais avec mes chansons sous le bras. On ne se rend pas compte mais les choses prennent énormément de temps. Pour arriver, de temps en temps, à signer un contrat dans une maison de disques, il peut se passer huit mois, dix mois, un an. Les gens qui écoutent une chanson et qui se disent "Oui, c’est bien. Oui, oui, c’est vrai que ça paraît pas mal. Oui, oui, je vais réécouter". Ou alors "En ce moment, on est en train de travailler avec tel artiste donc, on va s’en occuper après…". Ça, je l’ai entendu des dizaines et des dizaines de fois. Bon, maintenant, il est vrai que quand on a une chanson qui est vraiment très très forte, comme j’avais eu avec "Tous les nights and days" en 83, ou "I’m your son", ou… Généralement, ça ne pose pas trop trop de problèmes, ça se fait relativement vite. Mais bon, ça s’est passé comme ça. A cette époque là, on faisait d’abord un single, et ensuite, si ça fonctionnait, on faisait un album. Donc, je faisais ce single mais, le problème, c’est que comme ils n’ont pas fonctionné, je devais toujours recommencer à zéro. Généralement, il y avait rupture de contrat avec la maison de disques… comme Barclay qui a arrêté… Vogue, pareil. Donc, j’étais obligé de repartir à l’assaut des maisons de disques. Et c’est vrai, j’avoue que après toute cette période Barclay et Vogue, j’ai été un petit peu fatigué, un peu lassé de tout ça. J’ai un petit peu mis la clé sous la porte à ce niveau là, dans les années 90. J’ai pris un temps de réflexion en me disant que j’allais réfléchir… Il faut bien voir aussi autre chose, je ne faisait pas que ça. J’ai toujours été musicien, donc, à coté de ça, j’accompagnait des artistes, je faisais d’autres musiques, j’étais à l’étranger, je revenais… etc, etc… Je présentais mes chansons quand j’en avais le temps. Et tout ça, ça prend du temps.

Ludovic Lorenzi : En 1993… Je dis "Vous" réenregistrez "Sister Jane", en fait, ce n’était pas vous. C’était Hervé Acosta avec des musiciens de studio, d’après ce que m’avait dit Khanh. C’était une initiative de Jean Mareska. Alors, vous avez pris ça comment, le fait que Jean Mareska ait réenregistré "Sister Jane", l’ait crédité à Taï Phong mais ne vous ait pas tenu au courant ?

Stéphan Caussarieu : Oh, si, si, si, il m’a tenu au courant quand même. Si, il m’a téléphoné pour me demander si j’autorisais cette chose là. De toute façon, je n’avais pas grand chose à dire puisque, normalement, c’est le compositeur qui doit vraiment donner l’autorisation. Donc, c’était même plus par amitié, puisqu’on travaillait vraiment beaucoup ensemble dans les années 80 avec Jean. Voilà, il me l’a dit… Bon, je n’ai pas trouvé ça fantastique comme idée. Je ne voyais pas vraiment ce que ça allait nous apporter à nous. Mais, bon, ça s’est fait… et puis voilà, sans plus.

Ludovic Lorenzi : Entre 1993 et 2000, donc, vous avez rencontré Hervé Acosta. Pourquoi est-ce que cela vous a pris aussi longtemps pour faire le nouvel album ? Encore des questions de démarches, j’imagine.

Stéphan Caussarieu : Exactement ! Alors là, vraiment, c’est l’histoire la plus incroyable, c’est vrai qu’on pourrait presque écrire un livre. Parce qu’il a fallu presque dix ans. Quand je vous ai dit tout à l’heure que dans, les années 90, j’ai un peu posé ma valise en me disant "Bon, qu’est-ce qu’on fait. Est-ce que je continue à être chanteur chantant en français ou est-ce que je refais Taï Phong ou… etc… Ou est-ce que je fais musicien ?" Toute personne, de temps en temps dans sa vie se pose des questions. Je me suis un petit peu posé toutes ces questions-là. Donc, j’ai un petit peu mis de côté les chansons en français et je me suis mis à écrire beaucoup plus pour… dans l’optique de refaire quelque chose avec Taï Phong. Khanh, je le voyais très très souvent. Je lui en ai parlé. Lui, évidemment, était toujours intéressé. En fait, c’est assez drôle, avec Khanh, on s’est toujours suivis. Depuis le début, et dans toutes les années 80, c’est le seul avec… bon, je voyais Jean-Jacques, évidemment, à la fin des années 70, début des années 80… etc, etc… Mais bon, Jean-Jacques n’avait plus rien à voir avec Taï Phong. C’était plus du tout son histoire, et on le comprendra bien. Mais Khanh, c’est exactement le contraire. Lui, c’est totalement son histoire, c’est que ça. Moi, j’ai d’autres histoires puisque je suis musicien professionnel et je compose aussi des chansons en français, chose que j’adore. Encore une fois, dans les années 90, j’ai appelé Khanh et je lui ai dit "Il y a des chansons. J’ai des chansons. Toi, j’imagine que tu en as. Faisons le groupe à deux. C’est pas grave, on va trouver d’autres musiciens quand, vraiment, il y aura les moyens, la production. Mais faisons le groupe à deux, présentons des titres". Khanh, de son coté, a préparé ses maquettes avec Hervé Acosta. Moi, comme je me sens chanteur, j’ai fait mes maquettes avec ma voix. Et puis, comme dans Taï Phong, il y a toujours eu deux ou trois chanteurs, ce n’était pas très très grave. J’ai présenté ces chansons, encore une fois à Jean Mareska. La date exacte, je ne saurais le dire mais je pense, dans les années 94, 95. Je suis allé un jour chez lui, je lui ai dit "Voilà…". Et là, il y avait une dizaine de titres. Et bon, il est tombé par terre parce que ça tenait vraiment bien debout. Il y avait d’autres chansons que celles qu’on entend sur l’album "Sun". Ayant beaucoup de connaissances dans les studios, travaillant avec des musiciens, je lui ai dit "Ecoute, voilà. On peut produire, co-produire à moindre coût avec un studio, des musiciens… etc, etc…" Donc, évidemment, ça lui a semblé tout à fait intéressant de… Là, c’était plus du tout l’histoire d’un single donc il pouvait vraiment se planter. Je reviens un petit peu à ce que je disais il y a dix minutes, là on revenait vraiment à un album. Et comme Taï Phong a toujours été un groupe d’albums, ça voulait dire vraiment que le groupe pouvait retourner sur scène, présenter une musique qui était forte, une musique qui peut toujours plaire à des gens, avec des plages de dix minutes ou des choses comme ça… En se disant, ce n’est pas grave si ça passe pas en radio. On va essayer de toucher un public, peut-être moins important, mais malgré tout un public qui pourra peut-être faire vivre le groupe. Les choses ont pris énormément de temps, beaucoup plus de temps que prévu. Malgré tout, on a commencé à enregistrer l’album "Sun" dans les années 96, ensuite, on a vraiment fini en 97. En juin ou juillet 97, c’était fini, tout était enregistré. Et l’album est sorti en 2000. Donc, là, ça a été de nouveau la pêche au contrat. C’est à dire que, on allait voir les maisons de disques et c’était pareil. Les gens n'étaient pas du tout intéressés parce que c’était un groupe qui chantait en anglais. Sur l’album, il y avait deux ou trois chansons qui avaient un potentiel radiophonique mais c’est vrai qu’il n’y avait pas quinze chansons de trois minutes trente, il y en avait deux-trois. Et puis, bon, toujours l’idée de Taï Phong, malgré tout, groupe très très ancien. La question des gens était "Comment ça peut fonctionner, qu’est-ce qu’on va faire avec ce groupe-là ?" On a mis trois ans… il y eu aussi une maison de disques qui nous a fait croire qu’elle allait nous signer et ça a duré un an… un an ou un an et demi. Et, donc, en fin de compte, on a signé dans cette maison de disques qui s’appelle XIII Bis et l’album est sorti, avec maintes péripéties, en 2000. Ce qui est vraiment très tard. Je vous dis, ça a, à peu près, mis huit à dix années. C’est assez incroyable, encore une fois.

Ludovic Lorenzi : En ce qui concerne Jean-Alain Gardet, apparemment, il devait faire partie de l’aventure. Est-ce que lui était partant ?

Stéphan Caussarieu : Jean-Alain Gardet n’est plus de ce monde. La dernière fois que j’ai eu Jean-Alain, c’était tout à fait par hasard. Je l’ai eu au téléphone. J’étais chez un ami qu’on avait en commun et il a appelé ce jour-là. C’était dans les années 80 et je l’ai pas eu depuis. Et dans les années 80, déjà, il disait qu’il était souffrant, qu’il était malade… et je ne l’ai pas eu depuis. Je n’aurais même pas su où le contacter, de toute façon. Et puis, quand on a commencé à penser à cet album, il était déjà décédé.

Ludovic Lorenzi : Et en ce qui concerne Pascal Wuthrich, on n’en entend plus parler. Vous ne l’avez pas recontacté ?

Stéphan Caussarieu : Non, parce que je sais qu'on a travaillé ensemble au début des années 80… et puis je crois qu’il est parti de Paris dans les années 85-86. Je n’ai plus eu vent de lui. Chacun a fait sa route. La seule personne que j’ai essayé de contacter, c’était Michael Jones, qui pouvait être intéressé par la chose. Et moi, je trouvais que ça, c’était vraiment intéressant, de faire Taï Phong avec Michael à la guitare et au chant. Il était très occupé à cette période-là, il était sur un album avec Jean-Jacques… Donc, nous, on a commencé à faire les prises. On s’est dit "Bon, on va commencer à faire l’album et puis, à la limite, il viendra s’il a envie de faire une guitare". Les choses ne se sont pas faites, donc cet album s’est fait sans Michael. Oui, ça, ça aurait pu être intéressant.

Ludovic Lorenzi : En ce qui concerne le nouvel album, sur les huit nouveaux morceaux (j’exclus "Sister Jane"), vous avez quand même écrit cinq titres. Donc, vous avez pris une place importante ou alors, est- ce que ça s’est fait par rapport au choix des morceaux que vous aviez proposés ?

Stéphan Caussarieu : Je pense que là, c’est plus facile d’être démocratique dans un groupe quand on n’est plus que deux [rires]. Mais ce n’est jamais si facile. C’est tout le problème des groupes, de toute façon, quand il y a beaucoup de compositeurs. C’était le problème de Taï Phong dans les années 70 : pratiquement, chaque musicien était compositeur. Ça crée quand même des problèmes, et puis, en plus, avec des styles de temps en temps très différents. Quand j’en ai parlé à Khanh au début des années 90, je lui ai dit… je sais qu’on est différent, Khanh et moi, au point de vue des compositions… Donc, je lui ai dit "Il faut absolument qu’on essaie tous les deux de rapprocher nos compositions, peut-être d’éliminer celles qui sont vraiment trop loin de ce qu’apprécie l’autre. Il faut qu’on puisse parler vraiment d’un groupe". J’ai fait écouter mes chansons à Khanh et je dirais qu’il a un petit peu fait son choix dans mes titres. Et puis, Khanh a proposé des titres et, bon, c’est pareil. Je lui ai dit "Oui pour ça. Ça, pas trop". Voilà, ça s’est passé comme ça. Et donc, aussi de façon, je dirais, démocratique, on a essayé de scinder l’album un peu en deux du point de vue des deux compositeurs. C’est un groupe un peu à deux têtes même si, malgré tout, il y a eu un énorme travail d’arrangements sur les morceaux… pas sur tous, mais sur beaucoup… de la part d’Angelo Zurzolo, qui a travaillé beaucoup avec Khanh et puis ensuite avec moi. C’est un groupe à deux têtes, mais il y a quand même aussi quelqu’un qui est derrière et qui est un très très bon arrangeur. Et puis, bon, Manu Ducloux à la basse, aussi, est venu bien s’impliquer, qui est un musicien avec qui on avait déjà travaillé auparavant. Voilà comment ça s’est fait au niveau du choix des compositions. On s’est même retrouvé avec Jean Mareska qui est évidemment le producteur. Il avait son mot à dire et on a passé l’après-midi à écouter des titres, des chansons et à déterminer ce qu’allait être l’album de Taï Phong. Je pense que, même si c’est difficile, on a réussi relativement à faire un album homogène. Même si de temps en temps, effectivement, il peut y avoir des chansons qui sont très différentes les unes des autres. Mais, je pense que, à l’écoute de l’album, on retrouve quand même une atmosphère de groupe. Chose qu'on avait peut-être perdue pour le troisième album, justement, où là, il y avait des chansons qui partaient un petit peu dans tous les sens et dans tous les styles. Je pense que là on a cerné le problème et c’est relativement homogène.

Ludovic Lorenzi : Est-ce que vous pensez que, par la suite, Hervé Acosta pourrait se mettre à la composition pour le groupe ? Parce qu’il compose lui aussi.

Stéphan Caussarieu : Éventuellement, ça peut être possible. Je pense que les compositions d’Hervé Acosta ne sont pas tout à fait dans l’esprit de ce que fait Taï Phong. Et je pense, en plus, si on ne veut pas retomber dans les travers d’un groupe avec plusieurs compositeurs, avec plusieurs styles différents, je pense qu’il ne vaut mieux pas aller dans cette voie là. Mais bon, maintenant, tout est possible, évidemment. C’est toujours pareil. Quelqu’un qui arrive avec une chanson extraordinaire, on ne va pas dire "Non, non parce que c’est toi qui l’a composée". Non, c’est évident, le but de Khanh et de moi, c’est de faire fonctionner Taï Phong. On connaît le son de Taï Phong, et donc, si quelqu’un de l’extérieur, Hervé ou quelqu’un d’autre arrivait avec une très très bonne chanson… Pourquoi pas.

Ludovic Lorenzi : En ce qui concerne les projets, vous avez un nouvel album. Est-ce qu’il est bien avancé ?

Stéphan Caussarieu : Comme on a proposé beaucoup de chansons pour cet album-là, pour "Sun", je crois que de toute façon… et c’est vrai qu’on a beaucoup de chansons qui sont maquettées, de la part de Khanh ou chez moi… Mais pour l’instant, on n’en a pas parlé. On en est à essayer de faire fonctionner cet album, ou plutôt, essayer de trouver un tourneur pour faire des concerts. C’est toujours pareil, si cet album-là ne fonctionne pas, ce sera certainement difficile de trouver encore une fois un producteur qui va s’investir… et investir. Là, ce n’est pas à l’ordre du jour, ce n’est pas le cinquième album. Il faut avant tout que cet album fonctionne un petit peu pour que quelqu’un puisse dire "Je suis content, on a fait quelque chose qui a un petit peu fonctionné. Qui n’a pas été un énorme succès mais qui donne envie de continuer". Si ce n’est pas ça, il faudra encore une fois aller à la pêche au contrat, au producteur et… Bon ! C’est difficile. Au bout d’un moment, c’est un petit peu fatiguant, tout ça [rires].

Ludovic Lorenzi : Et l’album "Sun", vous en avez vendu combien, à peu près, jusqu’à maintenant ?

Stéphan Caussarieu : Franchement, je n’en ai aucune idée. Alors là, vraiment… Non, non. Je n’ai aucune idée. Je sais que ça a bien démarré mais depuis un bon bout de temps, je n’ai pas eu de nouvelles de la maison de disques. Je ne m’en suis pas vraiment occupé à ce niveau-là, c’est vrai qu’il faut que je le fasse mais… Non, des chiffres exacts, je ne sais pas.

Ludovic Lorenzi : Sinon, en ce qui concerne la tournée, vous avez déjà fait un concert à Aubervilliers. Ce n’est pas trop dur de jouer de la batterie et de chanter en même temps ?

Stéphan Caussarieu : Si ! Surtout qu’à ce concert, j’ai eu un manque de chance incroyable puisque mon retour est tombé en panne. Donc, j’espère que je ne chantais pas trop faux. Je ne m’entendais pas chanter [rires]. Bon ! Vous dites non. Merci [rires]. Il y a des parties difficiles mais je ne sais pas. Souvent, les gens me disent ça… Je crois que je suis très habitué, je le fais depuis toujours. Je suis très très habitué à le faire. Voilà. Non, ça ne me pose pas énormément de problèmes. De temps en temps, quand il y a des choses un petit peu plus complexes rythmiquement à mettre en place avec la voix qui fait quelque chose et le batterie qui fait autre chose… Je le travaille. Je le travaille chez moi pour essayer que ça sorte comme ça très librement. Voilà. Non, je suis habitué.

Ludovic Lorenzi : La dernière question. Je vais vous citer tous les titres que vous avez composés, un par un, et je vais vous demander ce qui vous a inspiré pour écrire ces titres. Donc, on commence par le premier, "Farewell gig in Amsterdam" de 1979.

Stéphan Caussarieu : C’est un peu l’histoire de Taï Phong et c’était un peu l’histoire de Taï Phong sur sa fin. C’est à dire que c’était un peu le dernier concert à Amsterdam. On n’est jamais aller jouer à Amsterdam mais ce n’est pas grave, c’est parce que je trouvais ça très… [rires] c’était plus mélancolique encore, les canaux et ces villes du nord, comme ça. Mais musicalement, par contre, c’était une époque où j’étais très très à l’écoute des musiques assez complexes que faisaient Genesis, Yes ou même un petit peu du Jazz rock qui s’écoutait beaucoup à l’époque et que je jouais avec d’autres musiciens dans d’autres groupes. Et j’avais envie que Taï Phong aille un petit peu dans ce créneau là, ne reste pas sur des musiques, des chansons très très cool, Pink Floyd et tout ça. J’avais envie que ça bouge un peu plus. Je pense que Jean-Jacques aussi avait cette envie là mais, lui, dans un style plus rock. Moi, c’était plus rock anglais, je dirais. Voilà.

Ludovic Lorenzi : "I’m your son", en 1986 ?

Stéphan Caussarieu : "I’m your son", c’est le type même de la chanson, entre guillemets, "tube". Pour moi, c’est une belle chanson. Je sais que je l’aime beaucoup. Voilà, il n’y a pas grand chose à dire. J’avais envie d’écrire une belle chanson qu’on a plaisir à écouter sans se poser trop de questions.

Ludovic Lorenzi : "Everything’s wrong" ?

Stéphan Caussarieu : La question, c’est sur le texte ou la musique ?

Ludovic Lorenzi : Sur tout.

Stéphan Caussarieu : Sur tout… En tout cas, sur le texte, c’est un peu une rupture. Mais là, c’est plutôt une rupture dans un couple, en disant que tout est faux ou tout était faux, parti sur des mauvaises bases. Mais là, ça n’a pas grand chose à voir avec le groupe Taï Phong. Musicalement, je pense que ça doit s’entendre avec beaucoup de chansons de l’album "Sun", enfin de mes chansons en tout cas, il y a une connotation, je ne vais pas le nier, "Supertramp". Ça s’entend un petit peu. J’ai toujours adoré ce groupe et j’ai toujours, moi, composé un petit peu dans ce style là. Ce qui fait la musique de Supertramp, c’est quelque chose de très rythmique… et je suis quelqu’un de très rythmique puisque je fais de la batterie… Ce sont des pianos à la Supertramp, même si c’est très droit, c’est très rythmique. Des mélodies un petit peu mélancoliques, je suis assez porté là dessus, je suis un grand client. C’est une chanson un peu médium, tempo médium. Mais dans "Farewell gig in Amsterdam", en 1979, on retrouve aussi certaines parties qui ont un côté Supertramp. Je ne me suis pas dit "Tiens, je vais composer comme ça", j’ai toujours composé dans cet esprit. Mais c’est vrai qu’à une certaine période, je m’empêchais un petit peu de le faire en me disant "Il ne faut pas que ce soit une copie". Et puis, là, je me suis lâché. Je me suis dit "Non, c’est mon style, je vais jouer ça". De toute façon, Taï Phong a le droit d’avoir un petit peu ce style parce que c’est presque un groupe anglais.

Ludovic Lorenzi : "Now I know" ?

Stéphan Caussarieu : Donc, là, on retrouve encore un petit peu ce côté Supertramp, je pense. Et puis là, c’est vraiment une chanson très seventies, dans le rythme, dans la facture. Même si j’ai pas réussi vraiment, faute de temps, faute de moyens dans l’enregistrement à réellement créer l’ambiance que je voulais créer dans "Now I know". C’étaient vraiment des sons encore plus seventies au niveau des guitares, ou des choses comme ça… C’est un peu "Apocalypse now"… c’est un petit peu ça.

Ludovic Lorenzi : "Lady Love" ?

Stéphan Caussarieu : "Lady Love", ça rejoint un peu "I’m your son". C’est une très très vieille chanson. "Lady Love", j’ai composé cette chanson dans les années 86-87. Pour vous dire qu’il y a des chansons qui étaient dans des tiroirs depuis très très longtemps. Il n’y a pas grand chose à dire. Je pensais que ça pouvait être une chanson qui pouvait faire l’objet d’un single pour Taï Phong. D’ailleurs, tout le monde le pensait. Au niveau même de la maison de disques, quand j’ai fait écouter ces chansons-là, "Lady Love" faisait partie des titres qui pouvaient sortir en single. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui la chante, c’est Hervé… Je l’ai chantée en studio, Hervé l’a chantée, et on s’est dit "Bon, qu’est ce qui est le plus intéressant ?". Ça a été difficile à prendre cette décision, mais on a décidé que cette chanson serait chantée par Hervé.

Ludovic Lorenzi : "Last friend" ?

Stéphan Caussarieu : Je dirais que "Last friend", c’est un petit peu l’histoire de Jean-Alain Gardet. Mais aussi parce que j’avais des amis qui étaient décédés dans des conditions de longue maladie. Voilà, j’ai écrit cette chanson en disant "Je ne veux pas être ton dernier ami", en espérant qu’il y aurait aussi d’autres amis. Mais, ainsi va la vie et la mort.

Ludovic Lorenzi : Et le dernier, "Sun" ?

Stéphan Caussarieu : "Sun", c’est typiquement un morceau de scène. C’est à dire que là, j’avais envie d’écrire une chanson et rapide… vraiment qui soit énergique mais qui ne parte pas dans tous les sens rythmiquement, avec des changements comme on faisait dans les années 70, comme Taï Phong faisait dans ces années là. Donc, là, j’ai essayé de composer une chanson, qui pendant six ou sept minutes, gardait ce tempo martelant… Je suis assez content de cette chanson et je sais qu’à Aubervilliers, c’est très bien passé. Sur scène, on peu faire vraiment quelque chose avec cette chanson-là.

Un grand merci à Stéphan pour sa collaboration. 1

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