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Rencontre avec Gildas Arzel
Entretien enregistré le 11 septembre 1999
Retranscription de Marie-Laure Bonnamy

 

Entretien réalisé dans le home studio de Gildas Arzel, le 11 septembre 1999, entre Orléans et Paris. Merci à Michael Jones grâce à qui cette rencontre a pu avoir lieu.

Bonjour Gildas.

Bonjour.

Tout d'abord, merci d'avoir accepté l'invitation de Radio Kol Hachalom. C'est vrai qu'on te voit peu dans les médias finalement. C'est un choix de ta part ?

Non, de leur part [rires]. Moi, je fais de la promo quand je sors un disque et je fais des concerts, et il m'arrive de voir des gens surtout pendant les concerts, avant et après, et en général je fais quelques télés. Mais il est difficile de passer à la télé sans passer à la radio, donc il faut d'abord passer à la radio, et les radios attendent qu'on passe à la télé, donc c'est un peu un problème.

Alors si tu le veux bien on va revenir ensemble sur ta carrière.

Oui, allons-y.

Tu as passé ton enfance un peu partout dans le monde. Ton père était ingénieur en travaux publics, je crois.

Il n'était pas ingénieur. Il avait le grade équivalent. Il a commencé comme ajusteur. Ensuite il a fait 16 ans comme mécanicien dieseliste dans les sous-marins, et il est arrivé dans les travaux publics un peu par hasard : il s'occupait des machines. Donc on est allés un peu partout dans le monde, là où il y avait des gros camions. Les mécaniciens de la marine étaient assez réputés pour ça, apparemment. Donc ça c'est fait comme ça pour lui, et pour moi.

Et qu'as-tu retiré de ces multiples expériences ? Est-ce que ça t'a rendu plutôt solitaire, ou au contraire est-ce que ça t'a facilité les contacts pour rencontrer les gens ?

Au niveau des contacts, on peut avoir un contact immédiat, et en même temps garder un certain recul. C'est vrai que lorsque j'étais petit il m'arrivait de changer cinq fois d'école dans l'année, donc il fallait bien se faire accepter, donc il y a une recherche du contact, mais il y a aussi un côté un peu "hors match". On n'est pas franchement toujours bien intégré.

Et d'un point de vue musical, est-ce que tu étais solitaire, donc ça t'a conduit à apprendre la musique dans ton coin, ou est-ce que ça s'est fait par hasard ?

Non, c'est ça. Je pense que pense que j'étais un gamin assez calme. Je n'éprouvais pas le besoin de tout le temps être en bande. Ça m'est arrivé, bien sûr, mais j'aimais bien bosser tout seul. Ça coulait de source.

Et de quels instruments joues-tu et comment as-tu appris à en jouer ?

J'ai appris tout seul. J'ai toujours aimé tout ce qui est à corde, et dès que ça fait du bruit, quand je voyage, j'achète un truc du coin, et j'arrive toujours à en faire un. A la base je suis guitariste, je ne sais jouer vraiment que de la guitare. Tous les instruments que je joue, je bricole. Je ne suis pas un bon violoniste, je ne suis pas un bon banjoïste.

Ça reste des instruments à corde.

Ça reste des instruments à corde. Le seul truc que je peux faire un peu, c'est de l'harmonica, de la flûte irlandaise, et pour travailler, je joue du clavier, mais juste pour travailler au fur et à mesure, mais je n'ai pas besoin de jouer tout un morceau en entier, sinon je me planterais. Je ne suis pas vraiment pianiste.

Ta famille s'est fixée à Marseille au début des années 70, et Canada a vu le jour en 76. Tu avais 15 ans à l'époque. Comment as-tu rencontré Erick Benzi et Jacques Veneruso ?

J'ai rencontré Jacques au lycée. J'avais monté un groupe, et mon guitariste était parti parce que ses parents n'aimaient pas trop qu'il fasse du bruit la nuit à cet âge-là. Donc Jacques est rentré dans le groupe parce qu'il était au lycée et c'est le frère de Jacques qui nous a présentés à Erick : il connaissait un mec qui jouait du clavier et qui était dans un autre lycée à Marseille. On a rencontré Erick et on a formé le groupe à partir de là.

En 1982, vous êtes montés à Paris, et vous avez signé chez EMI. Vous avez sorti un premier titre en 82, "Les yeux dans les yeux", puis un second en 85, "Touché au cœur". De quoi viviez-vous à l'époque ?

On a sorti le premier 45 tours en 84, je crois. Mais on est montés à Paris en 82, puis le temps de s'installer, de trouver des locaux de répétitions, un endroit pour enregistrer, etc. A l'époque, à Paris j'ai fait magasinier à Pier Import, je crois. J'étais dans un truc de manutentionnaire magasinier. Quand on me demandait ce que j'avais comme diplôme, je ne disais pas "j'ai le bac" parce que sinon, ils avaient peur de toi.

C'était trop ? !

C'était trop, oui, pour les boulots que je visais. Erick était vendeur de guitares, ce qui est toujours amusant. [rires] J'aurais bien aimé avoir son boulot. Et Jacques vendait des bouquins, je crois.

Tu n'as jamais été gardien de phare ?

Je n'ai jamais été gardien de phare à mon grand dam. Parce que je trouve que ça doit être marrant, quand même.

Alors en 87, Canada réalise enfin son premier succès avec "Mourir les sirènes". Quelle est l'histoire de cette chanson ?

L'histoire de cette chanson est bizarre, puisqu'à l'époque on travaillait avec quelqu'un chez EMI, après on a changé. Et la nouvelle personne avec qui on était supposés travailler, donc un nouveau Directeur Artistique qui s'appelait Gérard Jardilier, qui est resté un super ami à nous, a pris toute l'histoire en cours de route, donc il a voulu nous voir au local de répétitions et qu'on lui joue tout ce qu'on avait. On a tout joué, puis on a bu un café ensemble et il nous a dit "c'est tout ? Il n'y a que ça ?", et je ne sais plus lequel d'entre nous lui a dit "il y a aussi celui-là qu'on a bossé hier et qu'on n'a pas joué". On avait carrément oublié. Donc après le café, en fait, on a fait ça, un bonus track, en plus, et quand il a entendu ça, il a dit "ouh la la, là il y a un problème". On était un peu dingues, c'est à dire qu'on était pas forcément branchés comme les gens des boîtes de disques ou les radios. Ça n'a pas beaucoup changé, remarque [rires]. On a un peu plus de chance maintenant. Bon, pour moi, "Mourir les sirènes" c'était une chanson comme une autre, pas plus, je ne sentais pas vraiment le potentiel commercial éventuellement de la chanson. Et même, ce n'est pas celle que je voyais le plus.

On va l'écouter tout de suite et on se retrouve juste après.


[Canada : "Mourir les sirènes"]


A l'instant on vient d'écouter "Mourir les sirènes". C'est une chanson qui est sortie plus de dix ans après la création du groupe. C'est également votre troisième single en cinq ans. Quel était votre état d'esprit au moment où vous avez enregistré la chanson. Est-ce que c'était "bon, cette fois, si ça ne marche pas, on arrête tout" ou faisiez-vous de la musique avant tout pour vous faire plaisir ?

On n'a jamais pensé à arrêter, de toute façon, quoi qu'il arrive, on continue. D'ailleurs je ne sais faire que ça, Jacques aussi je pense. Erick aurait peut-être un peu plus de chances, d'ailleurs il est réalisateur pour d'autres gens, donc il est assez doué pour plein d'autres trucs, mais mois je ne sais faire que ça donc je n'ai aucun choix. Notre état d'esprit c'était quoi, à l'époque ? Au moment où on a enregistré, on a quand même senti qu'il y avait quelque chose dans la chanson, et moi je me suis battu pour qu'il y ait des cornemuses dans la chanson. Les autres étaient pas tout à fait pour - aujourd'hui il y a une mode de musique celtique - mais à l'époque c'était plutôt ringuard. Tous mes potes genre Stivell, Dan Ar Braz, tout ça, étaient plutôt dans le creux de la vague.

On en parlera tout à l'heure.

Et donc le fait d'insister pour mettre ça n'a pas été tout de suite accepté à l'intérieur du groupe, après oui, et ensuite on a mis quand même neuf mois avant que ça passe à la radio. Quand les mecs le recevaient en radio, il disaient "pourquoi vous ne mettez pas un solo de saxophone là dedans au lieu du grin grin breton ?".

En 88, l'album de Canada "Sur les traces" est sorti. On retrouve évidemment "Mourir les sirènes", que Roch Voisine a repris sur son nouvel album. Quel regard portes-tu sur "Sur les traces" onze ans plus tard ?

En fait, "Mourir les sirènes" n'était pas dans l'album vinyl. Ça fait partie des folies…

Il est sur le CD.

Il est sur le CD, mais à l'époque, il n'y avait pas de CD. Ça n'est pas si vieux que ça, le CD. Quand on a sorti l'album, on avait une vision des choses qui était complètement chevaleresque, c'est-à-dire qu'on s'est dit "Les gens ont déjà acheté le single, il n'y a aucune raison qu'ils achète deux fois un truc". Donc on ne l'a pas mis sur l'album. Le mec de la boîte de disques, un moment, ils ont renoncé, ils se sont dit "De toute façon, eux, ils sont ingérables. Ils se sont trompés de siècle". Et c'est vrai que maintenant ça paraît fou de ne pas mettre le truc qui va vendre l'album sur l'album. On était comme ça, quoi.

Cette année là, en 88, vous avez fait la première partie de la tournée d'été de Jean-Jacques Goldman. Comment s'est passée la rencontre avec Jean-Jacques Goldman, et comment s'est passée cette tournée ?

La tournée s'est super bien passée. La rencontre, c'était à la radio. Je ne sais pas si c'est lui qui nous a invités sur RTL, je crois.

Studio 22.

Studio 22, voilà. Et je ne sais plus si c'est lui qui nous avait invités ou si RTL nous avait invités. Je pense que c'est à sa demande, parce qu'il aime bien rencontrer les gens, même ceux qu'il n'aime pas a priori, pour voir s'ils sont aussi nuls que ça [rires]. Donc il nous aimait bien, et on s'est rencontrés comme ça, on est allés le voir dans son studio de répétitions, et il nous a proposé de faire la première partie, donc c'était vraiment génial, parce que en été, comme ça, dans les Arènes, il fait une chaleur d'enfer, les gens sont décontractés. Le système des Arènes est très bien, parce que c'est très grand, il y a beaucoup de monde, mais on peut les toucher, pratiquement. Ça a été un gros succès. Lui était très content parce que c'est quand même un grand inquiet devant l'éternel. Il n'est jamais sûr. Il pourrait faire deux heures qu'avec des tubes, mais enfin ça ne suffit pas pour le rassurer. Donc il préfère que tu ailles au charbon d'abord pour tester. Donc depuis il a refait le coup. Il m'envoie au charbon, et si c'est bon, il vient.

Sur la dernière de cette tournée-là en 88, vous avez chanté ensemble "Toute la musique que j'aime". Est-ce que c'est comme ça que tu définirais ton style musical, tes goûts musicaux ? Est-ce que "elle vient de là, elle vient du blues" ?

Oui, une grande partie en tout cas. C'est-à-dire que j'aime bien tout ce qui vient du blues. Historiquement, c'est difficile à dire, c'est assez mélangé entre le blues, le country et le rock, mais le blues était quand même à la base a priori de tout. Donc j'aime bien tout ça, la musique cajun aussi. J'ai en plus avec moi le côté celtique de l'histoire, par mes racines, par ma famille, et pas mal de trucs que je suis obligé d'élaguer un peu, parce que si je mettais tout dans un album, ce serait quand même incompréhensible. C'est ce que j'ai fait d'ailleurs, et d'ailleurs c'était incompréhensible [rires]. J'évite un peu et je lève le pied sur les trucs arabes ou pakistanais que j'aime bien. Moi, les chanteurs que je préfère, c'est les gens comme ça, soit Stevie Wonder ou des mecs qui sont imparables, ou les grands chanteurs de rock, ou alors ce qu'on appelle musiques ethniques.

C'est ce que tu as rencontré pendant ton enfance. C'est l'avantage d'avoir passé ton enfance dans le monde entier.

[après une hésitation] Oui. Je n'ai pas passé mon enfance dans le monde entier, mais dans certains pays assez phares, comme la Syrie ou le Pakistan qui ont des cultures vraiment séparées. Moi j'adore les gens qui chantent des trucs qui sont sacrés pour eux, c'est-à-dire qu'il se passe un truc comme le blues. Naturellement il se passe autre chose que chanter le texte qu'un autre mec a écrit. Quand c'est directement le Coran, les mecs ont tendance à être "dans le match".

En 91, tu sors ton premier album solo. Comment est venue la décision d'abandonner le concept du groupe Canada pour mettre en avant le chanteur Gildas Arzel ?

En fait, ça faisait déjà quinze ans qu'on était ensemble. Dans le groupe, il y a un côté famille, protecteur, mais c'est pareil : on adore sa famille, mais on finit par la quitter, normalement. Donc il y a une espèce d'émancipation comme ça. Je pense que pour prolonger les trucs de groupe au-delà de la trentaine, c'est bizarre. Soit c'est par intérêt, soit c'est une espèce de prolongement artificiel de l'adolescence, et je trouve que ce n'est pas bon. Et je pense qu'on avait une image de merde. Les gens pensaient qu'on était un groupe à minettes parce qu'on avait une chanson à l'époque dans le Top 50. Il fallait presque s'excuser d'être dans le Top 50. Je n'y peux rien, moi, je ne vais pas empêcher les mecs d'acheter le disque, quand même. [rires] Donc on avait cette réputation. On apprenait le métier en même temps qu'on le faisait, donc c'était idiot. On a fait des trucs qu'on n'aurait pas dû faire. A l'époque, il y avait des plateaux FM. Toutes les radios organisaient des grands plateaux dans toutes les villes. Tu étais confondu avec la multitude de mecs genre Image, Niagara, Gold, à l'époque, et comme tu n'avais pas le temps, qu'il y avait trop de monde, tu chantais en play-back. Moi j'essayais d'avoir le micro ouvert, de chanter vraiment, même si on ne jouait pas vraiment, mais c'était complètement bizarre. Et comme on nous expliquait que c'était ce qu'il fallait faire pour arriver à vendre des disques, donc à amener des gens sur la scène, c'était le but de la manœuvre, on a fait des trucs qui étaient un peu idiots, et on a été catalogués là-dedans. Moi, j'ai pensé à un moment donné qu'il serait beaucoup plus dur de sortir de cette image avec le groupe entier que tout seul. Les autres ont prouvé depuis qu'ils avaient d'autres trucs à faire aussi que simplement le groupe.


 

[ "Jean Johnny Jean"]

 


C'est à partir de 1991 que tu entres définitivement dans le cercle de Jean-Jacques Goldman. Il a fait des chœurs sur ton album. Tu a joué des guitares sur le premier Fredericks-Goldman-Jones. Erick Benzi a également participé à l'album de l'époque, et tu étais en première partie de la tournée d'été de Fredericks-Goldman-Jones. Comment définirais-tu Jean-Jacques Goldman aujourd'hui, puisque cela fait dix ans que tu le connais ?

Je le définirais comme un mec bien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de différence entre ce qu'il dit, ce qu'il est et ce qu'il fait. Il exagère peut-être un peu son côté bougon ou timide quand il est… Je ne sais pas s'il est vraiment vraiment comme ça avec une caméra ou un journaliste. On a fait des interviews ensemble, je n'aurais pas aimé être à la place du journaliste. " Oui, non, oui, non", enfin… Par contre après, il parle facilement. Je ne sais pas si c'est complètement contrôlé de sa part, ou s'il est vraiment comme ça, mais c'est un mec bien, en même temps. Je ne sais pas, je ne connais personne qui ne l'aime pas, donc il doit y avoir une bonne raison.

Et si tu avais une question à lui poser, quelle serait-elle ?

Quand est-ce que tu arrêtes ?

De chanter ? [rires] Ou d'écrire ?

[rires] De tout. Il nous squatte le marché, on ne peut rien faire avec ce mec.

Il y a Obispo, quand même.

Oui, en plus !

On en parlera tout à l'heure.

Ah bon ? !

On va marquer une nouvelle pause avec une chanson de Jean-Jacques Goldman. Quelle chanson aimerais-tu écouter, et pourquoi ?

J'aime bien "Là-bas".

On écoute "Là-bas" tout de suite.


[Jean-Jacques Goldman et Sirima : "Là-bas"]

 


En 1994, avant la sortie de ton second album solo "Entrer dans la danse", les radios ont reçu un single quatre titres promo, qui comprend un titre inédit en anglais, "Kirell". Que peux-tu nous dire sur cette chanson ?

Cette chanson, c'est une petite chanson que j'ai faite comme ça, pour la naissance du fils d'Erick, qu'il a appelé "Kirell" parce que sa maman était bretonne. Kirell Benzi, j'ai toujours trouvé ça assez nul, mais bon… Ce n'est pas sa première faute de goût, mais celle-là elle va durer, donc… Il m'a appelé, il m'a dit "je vais à la clinique, normalement elle va avoir le bébé". Je suis allé au studio, j'ai fait la chanson dans la foulée. Je lui ai donné la cassette, il l'a foutue dans le walkman, et donc le bébé, c'est la première chanson qu'il a entendue, donc la sienne.

Cette chanson, on ne la trouve nulle part ailleurs.

Elle est en face B de "Leave it". Je crois.


[ "Kirell"]

 


Quel regard portes-tu sur "Entrer dans la danse" ?

Je pense que c'est un album qui a des bonnes chansons. La production n'est pas terrible. J'ai essayé de sortir un peu de l'esprit qu'on avait dans le premier, qui était assez ce qu'on appelle "gros", c'est-à-dire qu'il y avait beaucoup de reverb, des grosses guitares, etc. J'ai voulu faire un truc un peu plus rock brut, et c'est peut-être un peu trop brut [rires]. C'est vrai qu'il n'y a pas un grand son, par contre il y a pas mal de bonnes chansons, dont certaines d'ailleurs que j'ai reprises dans le troisième album.

 


[ "Entrer dans la danse"]

 


En 1997, tu sors ton troisième album solo. C'est un album où on peu retrouver des influences celtiques plus marquées, avec notamment les cornemuses de Bruno Le Rouzic, qui faisait partie de Soldat Louis. Est-ce qu'on peut parler de Rock n'Roll Celtitude ?

Waouw. En fait, les cornemuses, j'en ai toujours mis, puisqu'il y en avait déjà dans Canada. Il y en a peut-être un peu plus dans cette mouture là, mais je n'en suis même pas sûr.

C'est peut-être un tout petit peu plus marqué, notamment dans les thèmes comme "Au cœur des pierres levées".

Oui, c'est à dire que c'est devenu un instrument qu'on met plus devant, parce qu'on peut. Il suffit de me laisser le choix, et j'en mets. Comme j'ai toujours le choix, j'en mets. Alors Rock n'Roll Celtitude [rires], ouais, c'est assez… Mais le côté celte, en ce moment, est un peu bizarre quand même. Il faut tout relativiser, c'est à dire que c'est un truc créé de toutes pièces par Stivell, le plan celtique entre les Irlandais, les Gallois, les Écossais, la Gallice maintenant, c'est créé de toutes pièces. Il y a un cousinage, mais il y a quand même moins de différences entre un Breton et un Marseillais, d'ailleurs ils peuvent se parler, même s'ils ont un petit peu de mal au début avec l'accent marseillais, mais il y a moins de différences qu'entre un Gallois et un Breton, quand même. Même si il peut y avoir des points communs : au niveau de la langue, il y a des racines communes, on se retrouve entre le gallois et le breton, d'après ce que je sais. Je ne parle pas l'ancien gaélique, donc je ne pourrais pas t'expliquer mieux que ça, mais j'ai l'impression que c'est un peu dangereux, c'est à dire qu'il commence à se créer des trucs : on parle d'esprit celtique. Si l'esprit celtique c'est la mer, les grandes marées, le sel, l'océan, tout ça, oui, mais il n'y a pas que les Celtes qui ont l'océan. Il y apparemment autant de vestiges dans les Vosges qu'en Bretagne. C'est la France qui était celte, et même l'Europe. Donc il faut calmer un peu tout ça. Ça prend des proportions un peu bizarres : tout le monde s'en réclame, et au bout d'un moment ça va être une sélection par la "Celtitude", c'est n'importe quoi.

Justement, c'est une question que je voulais te poser, puisque ton album est sorti quelques mois avant le déferlement d'une vague celtique qui dure encore actuellement. On a eu droit à Manau, Matmatah, Wazoo, le retour d'Alan Stivell, de Tri Yann, le triomphe de Dan Ar Braz à Bercy. Qu'est-ce que tu penses du renouveau de la culture celte, de tous ces groupes qui apparaissent. Apparemment, c'est vrai que c'est assez artificiel. Ça devient du marketing, maintenant. Tu mets "celte" et ça marche.

Oui, à part moi, tout le monde marche. Donc moi ça n'a pas suffi. Je vous rassure [rires]. Disons que je suis content, ça marche bien. Ça marche peut-être moins bien que Manau, mais ça, c'est une histoire de… Je pense qu'il y a des tas de trucs bien là-dedans, et il y a des tas de trucs moyens. J'aime bien Manau, finalement. Quand c'est sorti, je trouvais ça ridicule, et là, je trouve ça bien, en fait. Je m'y suis fait. Parce qu'en fait, ils ont repris le truc de Stivell…

Toi tu connaissais, mais tous les jeunes ne connaissaient pas.

Ah ! "Tri Martelod", en plus, c'est une des rares chansons de Stivell qui me gonfle, c'est-à-dire que je la trouve déjà lourde à l'origine… enfin à l'origine… elle est plus vieille qu'Alan Stivell. Et donc c'était déjà le choix de la chanson que je ne trouvais pas génial, mais par contre c'est efficace. Et c'est vrai que ça donne lieu à réfléchir, parce qu'ils ont quand même introduit cette forme de musique dans le crâne des gens qui écoutent du rap, qui étaient a priori à des années lumière, ce qui prouve que les gens ne sont pas si loin, et qu'il ne faut pas être sectaire. J'ai écouté mieux, et en fait c'est efficace. Alors les textes, j'ai 38 ans, je n'ai pas leur âge, alors j'appelle ça de la Celtitude à 20 francs.

"Le retour de la belette" tire un peu sur la corde…

Il y a celle-là que je n'aime pas non plus, quelques trucs comme ça qui m'ont toujours gonflé. Mais bon "Le loup, le renard et la belette", il y a des versions différentes de cette chanson au Canada, en Louisiane, partout, ce n'est pas forcément breton.

Avec le recul, penses-tu que si ton album était sorti un an plus tard, tu aurais pu surfer sur cette vague celtique ?

Je n'en sais rien. Ça, on ne sait jamais. Oui, il y a une question de timing, après il y a une question de marketing, c'est-à-dire comment tu vends l'histoire, c'est-à-dire que les gens ont besoin de plus en plus d'une étiquette précise, donc moi j'ai fait un boulot normal : envoyer dans toutes les radios, et puis concerts, etc. Ça, on ne pourra jamais dire. Mais le côté celtique, je n'ai pas envie qu'il me colle non plus, parce que j'aime ça, mais je n'aime pas que ça, et je n'ai pas envie d'être obligé de mettre des cornemuses quand je n'ai pas envie d'en mettre. Ça m'arrange aussi, donc tout va bien.

 


[ "Au cœur des pierres levées"]

 


Sur cet album, un retrouve une chanson du premier album, et trois chansons du second album. Est-ce que tu avais l'impression que ces chansons n'étaient pas achevées dans leur première version ?

C'est surtout que, quand on a fait le troisième album, on l'a co-réalisé avec Erick Benzi et Jean-Jacques Goldman, et leur idée était de mettre tout à plat et de considérer tout ce que j'avais fait, même les autres albums, comme des maquettes, finalement. C'est ce qu'on a fait. Un morceau comme "Prends ma main", par exemple, qui était dans le premier album, je ne l'aurais pas mis. Mais Jean-Jacques m'a dit "c'est vachement bien, on peut faire une version plus comme ci et comme ça". C'est la première fois de ma vie que j'ai délégué, c'est à dire que je n'étais pas tout seul à décider du choix des titres, donc c'est venu de leur truc à eux, c'est à dire que Erick aimait plus une chanson, Jean-Jacques plus une autre, et dans la mesure où ça ne me gênait pas, on l'a fait. Mais ce n'était pas mon choix, en fait.

Et c'est cela surtout qu'ils t'ont apporté : cette capacité à affiner, déblayer ?

Oui, Jean-Jacques a fait ses preuves à ce jeu, quand-même, genre "ça ça va marcher, ça ça ne va pas marcher". Donc il ne s'est planté qu'une seule fois dans sa vie, c'est avec moi [rires]. Le dernier truc qu'il m'a dit, c'est "Comme ça tu sais" il faut vraiment le sortir, c'est la meilleure chanson. Je crois que c'est celle qui n'est pas du tout passée en radio, et les autres sont plutôt passées.

 


[ "Comme ça tu sais"]

 


J'avais entendu dire que Nicky Matheson, la femme de Gabriel Yacoub, devait adapter ton album en anglais, comme elle l'a fait pour l'album d'Anggun. Où est-ce que ça en est ?

Tu es bien renseigné, oui. On est en train de travailler sur le dernier, et sur le prochain, c'est à dire qu'elle va adapter les textes du prochain dès que je les aurai faits en français, et ce n'est pas gagné, je suis un peu à la bourre [rires].

Ça a bien marché avec Anggun.

Ça a bien marché avec Anggun, oui, mais enfin, je ne sais pas si c'est à cause des textes de Nicky.

Benzi, il est fort, il faut le reconnaître.

Il n'est pas mauvais, le petit Erick. Et puis elle chante très très bien, Anggun. Elle a un petit cul sympa, aussi. Ne nous cachons rien [rires].

En octobre 97, tu as fait une dizaine de dates dans des petites salles. J'étais au premier concert au Transbordeur à Lyon. Ce concert-là, franchement, c'est celui qui m'a le plus marqué en tant que spectateur. Le premier concert de la tournée en 97. Qu'est-ce que tu ressens, toi, quand tu es sur scène ? Parce que je ne sais pas comment t'expliquer cela, mais personnellement, j'adore tes chansons, et quand je t'ai vu jouer notamment "Brazebeck", j'avais des frissons dans le dos. Je ne sais pas comment tu arrives à faire ça. Qu'est-ce que tu ressens quand tu es sur scène ? Tu es en transe ?

En transe non, c'est notre boulot, donc, je ne dis pas qu'on s'ennuie, mais c'est quand même contrôlé. D'abord "Brazebeck" en général ce que je ressens, c'est la peur, parce que c'est le premier morceau, et il y a juste une nappe de synthé et la guitare, et si je me mange, ça se voit. Donc c'est une façon de mettre la barre haut, c'est à dire que si je passe celui-là, le reste, c'est bon. Alors déjà, je ressens ça, c'est à dire que au départ, il n'y a jamais rien qui marche comme on veut. Donc je lance le morceau, je vois si techniquement, j'entends, donc il y a toute une partie du boulot, et à la moitié de la chanson, quand je vois que ça marche bien, je commence à jouer vraiment. Là, je m'éclate. Sinon, moi, la scène, c'est ce que je préfère. C'est là que je suis vraiment bien.

Après les concerts, justement, tu passes un long moment à discuter avec ton public. Quelles relations entretiens-tu avec tes fans ?

J'ai des relations qui sont vachement saines, je trouve. Justement, même le terme de fan paraît presque désuet, parce que c'est plus profond que ça. Je reçois des lettres plutôt intelligentes, contrairement à ce que je recevais à l'époque de Canada : "Je veux me marier avec toi", tout ça c'est fini. Mais c'est plus vieux, aussi, donc j'ai beaucoup changé. [rires] Ce sont souvent des lettres qui m'aident vachement parce que ce sont des gens qui me disent "dans cette chanson, tu as voulu dire ci, tu as voulu dire ça", alors que je n'avais pas du tout voulu dire ça, et ça me donne l'occasion d'expliquer aux journalistes ce que j'ai vraiment voulu faire, parce que je ne le savais pas, moi. Donc ils m'aident vachement, et ils me proposent des trucs : "tu devrais faire ci, tu devrais faire ça". C'est très gentil, mais c'est rarement fan transi.

Tu réponds à ton courrier ? Tu en reçois beaucoup ?

Je n'en reçois pas beaucoup. J'en reçois pas mal, mais c'est raisonnable. Et je ne réponds jamais.

Pourquoi ?

Parce que je trouve ça dangereux. Je trouve que la musique, ça suffit. J'ai eu des histoires comme ça avec une nana qui voulait se suicider. Elle appelait ma mère, qui est une vieille dame, et qui elle ne se rendait pas compte que ça posait des problèmes. Les gens rentrent dans ta vie. Ils n'ont pas de limites si ce sont des cas psychiatriques, ça arrive, donc, comme ça m'a fait peur, c'est un peu con, mais je me passe de ça. J'aime bien recevoir les lettres quand même, mais je ne réponds pas.

Justement, il y a quelqu'un qui a écrit une chanson pour toi, un jeune auteur compositeur interprète, d'origine bretonne aussi, qui s'appelle Gaëtan Namouric, et qui habite à Lyon. Il a fait une chanson qui s'appelle "Les voix des sirènes". On va l'écouter tout de suite, et tu vas nous dire ensuite ce que tu en penses.

 


[Gaëtan Namouric : "Les voix des sirènes"]

 


Je réagis à chaud, directement. Je ne suis pas sûr que ça lui fasse plaisir. Salut Gaëtan. Tu as un joli nom, tu as beaucoup de talent à mon avis, par contre c'est quand même bien bien calqué, calqué c'est peut-être un mot sévère, mais enfin c'est bien inspiré de Jean-Jacques, peut-être un peu trop, parce que tu as déjà un timbre de voix qui ressemble assez à ça, donc je te suggère d'essayer de te démarquer un peu, parce qu'il n'y a pas de raison. C'est vachement bien, je trouve. "Les voix des sirènes", je trouve ça joli. Ça frotte un peu justement avec le titre parce que c'est voulu mais voilà, bonne chance.

C'était un hommage. On revient à ta tournée de 97 : cette tournée n'est pas passée inaperçue, puisque tu avais comme guitariste un certain Jean-Jacques Goldman. A l'époque, il était en promotion de "En passant". Est-ce toi qui lui as demandé de t'accompagner, ou est-ce lui qui s'est proposé ?

On était en studio ensemble pour mon album, et comme on se marrait bien, je ne sais pas comment c'est venu dans la conversation. On a dû écouter le morceau en disant "ça, sur scène, tu vas t'éclater", et Jean-Jacques a dû dire "j'aimerais bien jouer ça sur scène, ça doit être la folie". J'ai peut-être répondu "tu n'as qu'à venir". Et c'est ce qu'il a fait. C'est vrai que c'est assez rare : c'est quand-même le numéro un français au niveau de la notoriété, et même au niveau sondage, c'est un des mecs les plus populaires. L'Abbé Pierre, Cousteau, et Jean-Jacques n'est jamais très loin, vu qu'il s'occupe des Restos du Cœur. Bon, il y a le phénomène Céline Dion aussi, mais…

L'Abbé Pierre chante moins bien.

Je ne sais pas. Il dit plus de conneries, par contre, ça c'est sûr. En tout cas, Jean-Jacques, il aime les Juifs [rires]. Donc il est venu, et il s'est vraiment fondu dans l'histoire. Il était musicien parmi les musiciens, et on s'est amusés, c'est à dire qu'il est vraiment entré dans mon système : dans mon groupe tout le monde joue un peu de tout, c'est à dire que le batteur a un poste plus ou moins fixe, mais sinon les autres peuvent changer : guitare, banjo, mandoline, violon. Jean-Jacques a fait ça aussi, il s'est éclaté. Il a une super technique de violon classique, mais il n'a pas le feeling des trucs irlandais. C'est beaucoup de décorations qui donnent vraiment le style. Il s'est pris au jeu, il a bossé ça, et il y a des moments où il était au violon avec Bruno à la cornemuse, et en fermant les yeux, j'avais l'impression d'avoir un grand rouquin aux yeux verts derrière moi, alors que j'avais un petit chauve aux yeux noirs. Il a fait ça vraiment très très bien, et ça c'est vachement bien passé. Son public est assez intelligent. En fait, on avait peur qu'il y ait la moitié du public ou plus pour lui, juste pour voir. Il y avait des gens qui venaient pour le voir, souvent ils partaient conquis par l'ensemble. Il a amené des gens, mais pas tant que ça, finalement. On l'a vu, et c'était assez agréable. Il y a quelques journalistes, des crétins, qui n'ont rien compris, dont un mec à Nancy qui était content de claironner le lendemain matin, pour une salle de 500 ou 600 places "Jean-Jacques Goldman remplit le Terminal Export". Heureusement pour lui, quand-même… 500… Vu qu'il peut faire à peu près un mois au Zénith, c'est pas un problème. A part quelques crétins comme ça, tout le monde a bien compris le système du truc sympa. Ce n'est pas parce que c'est une star qu'on devrait tous les deux se priver du plaisir de jouer ensemble. Ça ne doit pas être rédhibitoire.

C'est vrai que ce n'était pas joué d'avance, parce que finalement, il fallait faire savoir qu'il était là, sans que ça se sache trop pour éviter que des gens viennent uniquement pour lui. A Lyon, comme je te disais, je suis venu avec un dizaine d'amis, parce-qu'on aime beaucoup ce que tu fais, et on a vu des personnes qui avaient des T-shirts Jean-Jacques Goldman, et on s'est dit "aïe aïe aïe", et j'ai vu des gens, après le concert, qui sont venus te voir en te demandant de faire dédicacer "En passant" par Jean-Jacques. J'ai trouvé ça déplacé. J'ai vu quelques journalistes également qui ont posé des questions à Jean-Jacques, et pas à toi, ou très peu à toi.

Oui, mais c'est ce que je te dis : il y a toujours des mecs qui ne sont pas… ce n'est pas méchant, ce ne sont pas effectivement des grands princes du tact, mais sinon, il y en a peu. Dans n'importe quelle situation, il y a toujours une partie des gens qui ne sont pas bien, mais il y en a très peu. Mais si le mec est vraiment fan de Jean-Jacques, il n'y a aucune raison que…

…Qu'il se prive du plaisir de te découvrir !

Voilà. Je ne peux pas lui en vouloir de venir voir son idole faire autre chose dans un autre cadre. A moi de convaincre le mec que je suis intéressant aussi éventuellement. C'est ce qui s'est passé la plupart du temps pour ces gens là. Mais en plus, souvent, le public de Jean-Jacques n'est pas hermétique une seconde à la musique que je fais. Ils sont peut-être moins fidélisés, mais ce n'est pas antinomique. Donc ça se passe bien.

On a parlé tout à l'heure de vague celtique, mais depuis deux ou trois ans, on assiste également à un autre phénomène, qui est le retour d'une certaine chanson française : les chanteurs à voix. Ce n'est peut-être pas ce que tu écoutes le plus, mais des gens comme Céline Dion, Lara Fabian, Notre Dame de Paris, qui ont une "grosse voix", qu'en penses-tu ?

Moi j'adore les chanteurs. Il y a des tas de gens pour lesquels je ne suis pas fan de leur musique. Je ne peux pas dire que je sois fan de la musique de Florent Pagny, même si j'ai écrit des trucs pour lui. Ou là, je vais peut-être écrire… non, je ne le dis pas, parce que ce n'est pas fait… pour un mec qui vit avec Lara Fabian et qui [rires]… et qui chante très fort. Et je suis vachement pote avec Daniel Lavoie depuis très longtemps : je suis allé le voir à Notre Dame de Paris. Je devais bosser avec Plamondon pour Garou, mais là, je ne sais pas. Ça fait six mois qu'il ne m'a pas appelé, donc je ne sais pas. J'ai écrit des chansons pour Hallyday, pour des mecs comme ça. Ce ne sont que des mecs qui chantent vraiment très très bien. Je suis plutôt content, mais ils ne sont pas très rock. C'est la chanson française : il y a de la bonne et de la moins bonne. Sinon c'est plutôt bien, oui. Céline Dion… Les gens qui critiquent Céline Dion en disant qu'elle chante des conneries, je trouve ça un peut idiot, puisque ce sont des textes de Jean-Jacques, ils sont rarement idiots. Il a toujours un minimum syndical qui, sans pousser, arrive souvent à la hauteur du record d'un mec un peu plus poussif. Jean-Jacques, je le considère un peu comme Aznavour : je n'ai jamais entendu une mauvaise chanson d'Aznavour. Il y en a d'excellentes, et il n'y en a pas de mauvaises, c'est à dire qu'il a toujours un minimum de bon goût. Et Céline, c'est un phénomène. J'ai joué pour elle dans certains albums, mais elle n'était pas là. Je l'ai rencontrée quand on a fait une émission de télé avec Roch Voisine…

"Tapis Rouge".

"Tapis Rouge". J'ai joué, et les trois ont chanté. J'ai répété avec elle, je ne le croyais pas. Elle est vraiment musicienne dans la tête : elle a une mémoire phénoménale, elle s'approprie le truc, c'est une grande chanteuse.

C'est ce que disait Jean-Jacques : tu lui proposes une maquette, elle te fait tout de suite quatre lignes mélodiques sur la chanson.

Je crois que la chanson du Titanic était une maquette, en fait. Ils ont fait la chanson, ils ont proposé ça à la production du film, qui a dit "c'est super". Alors ils ont voulu aller en studio pour la faire, et la production a dit "ne touchez à rien, ce n'est pas la peine". C'est hallucinant, ça prouve quand même qu'elle chante bien.

Là, on vient de parler des interprètes, mais du côté composition, il y a quelqu'un qui en trois ans a sorti un album pour lui, des albums pour Johnny, Florent Pagny, Patricia Kaas, Zazie. Il travaille également avec Patrick Fiori actuellement pour son prochain album. On le compare souvent à Jean-Jacques Goldman. Je ne sais pas si tu les connais bien tous les deux, mais en tous cas, tu connais bien Jean-Jacques. Que penses-tu de la carrière de Pascal Obispo en tant qu'interprète et en tant que compositeur ?

Je m'en fous un peu, déjà. Gentiment, je l'aime bien. Mais je trouve que c'est quand même exagéré. Je n'ai absolument rien contre Pascal, il a du talent, mais je trouve que même pour Jean-Jacques, c'est délirant. Dans le show business, ils sont un peu fous. Ils ont peur de tout, donc si un mec fait un succès, ils vont lui demander de tout faire, c'est à dire que pendant trois ans, c'est l'enfer. On n'entend que du Goldman chanté par d'autres, ou maintenant que du Obispo chanté par d'autres. C'est idiot : il y a des tas de mecs partout, à Paris, en Province, qui ont du talent pour écrire des chansons, et qui n'ont accès à rien parce que le show business a peur de faire confiance aux jeunes mecs. Donc il faut d'abord faire un gros succès : on ne prête qu'aux riches. Le mec qui a déjà un succès va en avoir quatorze parce qu'on a peur de prendre des risques, et c'est un peu idiot.

Ce qui s'est passé pour Patricia Kaas, c'est qu'apparemment, elle avait une vingtaine de chansons de jeunes auteurs compositeurs pas très connus, et Obispo s'est ramené avec cinquante chansons en disant "et bien voilà, tu as ton album".

Oui, je ne sais pas. Je suis allé faire une guitare qu'ils n'ont pas gardée, d'ailleurs. Même si une chanteuse va préférer des chansons de quelqu'un d'autre, la pression de la maison de disques fait qu'on leur dit "c'est mieux pour toi, pour ta carrière, d'avoir Obispo, parce qu'on va pouvoir en parler". C'est un peu con, car ça ne se juge pas sur la qualité de la chanson. C'est plus qui l'amène que la chanson en elle même qui compte. Donc c'est un peu idiot.

Toi aussi, tu est auteur compositeur. A partir de 94, tu as entamé une carrière, comme Erick Benzi et Jacques Veneruso, d'ailleurs. Ça s'est fait comme ça, ou était-ce vraiment une volonté de mettre en avant tes chansons plus que toi en tant qu'interprète ?

Ce n'est pas une volonté. En fait, c'est parti du fait que Roch Voisine m'a repris une chanson du premier album…

"Jean Johnny Jean".

"Jean Johnny Jean", qui a un peu marché ici, mais qui a surtout cassé la baraque là-bas, au Québec. Donc c'est parti de là. Ensuite, je ne sais plus. Je crois qu'on a fait l'album d'Hallyday… ?

Il y a eu Pagny, avant.

Oui, peut-être, oui. J'ai écrit un duo, donc entre Hallyday et Pagny…

"Jamais".

Merci ! [rires] Après j'ai fait l'album "Lorada" avec les Canada Brothers et Goldman. Ensuite, on nous a demandé des trucs, donc je les ai faits. J'ai fait un album entier, toujours avec mes potes de Canada, pour Nanette Workman, Carole Fredericks, aussi.

Michael Jones

Michael Jones, oui. Il y en a pas mal. Souvent, c'est parce que c'est des potes. Carole et Michael, c'est la famille rapprochée. Des gens comme Nanette Workman, c'est la plus grande chanteuse de rock du monde. Quand elle m'a demandé de faire un album, j'étais vachement content.

Surtout que l'album est magnifique. Des chansons comme "Le temps de m'y faire", on croirait entendre Tina Turner.

Oui, mais un peu trop, généralement [rires]. Avec Erick, on s'est dit qu'on devrait lui faire un truc un peu comme ça, parce qu'elle a la voix un peu genre Tina Turner. Quand il est arrivé avec la chanson, je lui ai dit "un peu comme Tina Turner, pas le même !" [rires].

On sait que Jean-Jacques Goldman a un petit carnet sur lequel il prend des notes, ensuite il compose puis il écrit un texte en fonction des thèmes qu'il a accumulés ces dernières années. Comment fais-tu pour travailler tes chansons ?

On l'aime bien, Jean-Jacques, hein, on ne parle que de lui depuis tout à l'heure ! Moi, je ne fais pas ça, et c'est dommage, d'ailleurs, parce que je me retrouve avec dix chansons en yaourt et avec la Bible à écrire, c'est assez démoralisant. Mais je ne suis pas très organisé et ordonné. C'est un chantier, je fais ça au feeling.

Tu as écrit des chansons pour Florent Pagny, Carole Fredericks, Nanette Workman, Johnny Hallyday, Michael Jones, Roch Voisine. Roch Voisine et Johnny Hallyday ont également repris plusieurs de tes chansons. On peut dire que la plupart de ces chansons ont eu un grand succès. Je sais qu'il est probablement difficile de répondre à une telle question. Franchement, de ma part, ce n'est pas une question mesquine, parce que je suis le premier à me la poser : comment expliques-tu qu'en tant que guitariste, en tant qu'auteur compositeur, tu as énormément de succès - et ça te permet sûrement de très bien en vivre - et qu'en dépit de ta voix, tu as beaucoup moins de succès en tant qu'interprète ? Autrement dit, à quoi tient le succès ?

La musique que je fais pour moi est quand même plus… pas hermétique, je trouve ça très facile. Mais à la base, j'ai quand même des racines très très américaines, donc c'est toujours basé sur le blues, le rock, le country, ou le folk, et on ne peut pas dire que ce soit des musiques qui soient vraiment implantées en France. Il y a toujours des contre-exemples : Téléphone va cartonner, etc., mais même dans les textes, ils ont un côté très français que je n'ai pas. Ou les grandes mélodies genre Pagny, "Savoir aimer" [il fredonne la mélodie] c'est un style, et je ne l'ai pas vraiment.

Mais tu pourrais le faire ?

Je ne sais pas, ce n'est pas si facile que ça. Je l'ai fait, oui. Pour Hallyday, un truc comme "Ne m'oublie pas", c'est assez écrit comme ça. Et ça a marché. Mais ce n'est pas la musique que je préfère, et pour moi je fais exclusivement la musique que j'aime. Donc c'est un peu plus dur. C'est plus facile d'aller voir Jurassic Park qu'un film de Godard, parce qu'il y a un code, il faut prendre du temps, il faut rentrer dedans. Je ne fais aucun jugement de valeur, j'adore les deux, mais il y a des trucs plus ou moins accessibles, donc j'ai un peu plus de mal pour ça. Mais dans le tas, il faut reconnaître que je ne fais pas beaucoup d'efforts. Mais pour le prochain album, je vais quand même essayer d'en vendre un peu, donc il y a quelques chansons qui sont apparemment plus évidentes pour tout le monde. Et je ne me suis même pas forcé, c'est venu tout seul.

On va marquer une nouvelle pause avec une chanson que tu as écrite pour quelqu'un d'autre. Laquelle voudrais-tu écouter ?

Une chanson que j'ai écrite pour quelqu'un d'autre ? Nanette Workman, alors. Tiens, on a fait un duo ensemble qui est bien. "Sauve-moi".

 


[Nanette Workman et Gildas Arzel : "Sauve-moi"]

 


Donc aujourd'hui, nous sommes à Charmont-en-Beauce, une petite commune quelque part entre Orléans et Paris. Tu n'habites pas très loin d'ici. Est-ce que ces paysages correspondent à ta personnalité, à tes goûts ?

Non ! ! ! [rires]. Pas du tout ! C'est à une heure de Paris, et c'est à la campagne. Je ne supporte pas Paris, et j'avais des copains qui habitaient là, et qui m'ont trouvé une maison.

La Bretagne, c'est plus loin.

Voilà, la Bretagne, c'est vachement plus loin. J'aime bien la Bretagne. L'hiver en Bretagne, je ne suis pas certain, quand même. Il faut quand même éviter tout ce qui est objets tranchants, tout ça, à cause des suicides, mais sinon, ça va. Ici, ce n'est pas le paysage que je préfère : ce n'est pas tellement valonné. J'aime bien la mer. On en est assez loin, mais par contre je suis tranquille, et je suis à une heure de Paris, et je suis amené à y aller quand même assez souvent, donc c'est un choix stratégique.

Si je te parle d'Internet ?

Je ne vais pas tarder à me brancher sur Internet, parce qu'il y a des trucs bien. Par exemple, j'aime bien les guitares américaines, des vieilles guitares qu'on ne trouve que là-bas. Il y a des magasins qui bossent exclusivement avec Internet, et on peut voir un peu ce qu'il y a. Mais le contact avec les ordinateurs me gonfle. Je travaille toute la journée avec un ordinateur, et je n'ai donc absolument aucun rapport ludique avec l'ordinateur. Donc pour moi, c'est un objet essentiellement pratique. Je ne m'amuse pas avec.

Il y a quelques pages qui te sont consacrées sur le site de Sony Music. Tu les as vues ?

L'autre jour, Erick a essayé de me faire passer dans le XXIè siècle, donc il m'a montré un peu. 2 500 trucs citent mon nom, mais pas grand chose. Mais pourquoi pas ?

On parle actuellement d'un gildas-arzel.com. Tu es au courant de ce projet ?

Il y a un mec qui m'en a parlé hier. Ce n'est peut-être pas le même d'ailleurs…

Stéfane Fauran.

C'est ça. Oui. Il faut faire attention quand même que les mecs ne rentrent pas dans ta vie privée. Ils veulent des informations, et il y a une limite à l'information.

Il y a aussi tout ce qui est problèmes de piratages, de MP3, de real audio. Tu t'intéresses à ça ?

A chaque fois qu'il y a eu des trucs comme ça, quand les cassettes audio sont sorties, on disait "c'est la fin du disque". C'est vrai que c'est plus dangereux, parce que la qualité est égale, alors que les cassettes étaient quand même moins bien que les disques, mais il ne faut pas s'affoler. Les mecs des major companies savent nager. Ils vont trouver un système pour coder, ils ne vont pas laisser faire ça longtemps. Après, c'est tout le problème d'Internet : la limite de la liberté… Je ne suis pas spécialement qualifié, pas plus et pas moins que qui que ce soit, mais est-ce qu'il faut tout autoriser ou interdire certains trucs ? Au nom de quoi ? C'est un grand débat.

Et le fait de savoir qu'il y a plusieurs pirates de tes concerts qui circulent ? Tu es plutôt honoré ?

Je ne le savais pas, donc tu me l'apprends, aussi. Tu as bien fait de venir !

Merci. [rires]

Non, je ne suis pas spécialement content, parce qu'en concert, il se passe un truc sur le moment, et je n'aime pas les live. A part Springsteen, parce que de toute façon c'est magique, quoi qu'il se passe. Je n'aime pas les live, parce que tu peux faire un pain monstrueux qui ne se voit pas, parce que tu as fait un mouvement avec ta guitare, avec ton bras, et tu as mis l'accord à côté, mais dans le mouvement et dans l'instant, ça passe comme une lettre à la poste, et quand c'est gravé pour l'éternité, c'est plus dur. Donc je ne trouve pas ça sympa et pas normal que des mecs fassent des pirates. Même s'il ne faut pas sacraliser ni les gens, ni la musique, il y a un minimum de décence : tu peux au moins informer le mec en lui disant "je te fais ça, est-ce que ça ne te gêne pas ?", ou me faire écouter avant. C'est de la correction, non ?

On va parler de tes nouveaux projets, maintenant. Ce soir, tu chantes avec Michael Jones. Est-ce que tu peux nous parler de tes relations avec Michael ?

Elles sont strictement sexuelles. [rires]

Je n'en doute pas [rires]. C'est bien connu dans le milieu du show bizz [rires]

[rires] Ben ouais, il en faut, il en faut. Donc c'est tombé sur lui, et tant pis [rires].

On a dit que Roch Voisine était très beau, donc… [rires]

[rires] Oui, oui. C'est n'importe quoi, ce genre de truc. Michael, c'est un mec qui n'a aucune méchanceté. Je ne lui trouve aucune méchanceté. C'est la gentillesse. Voilà, il a 70 ou 75 kilos, je ne sais pas, de gentillesse. Il est complètement fou. Il est anglais, déjà.

Gallois.

Gallois, oui. Il y a comme un cousinage. Donc il a des raisonnements extrêmement particuliers : huit soixante douze et demi, pour lui, c'est un chiffre [rires]. Je ne sais pas, c'est indescriptible. Il est gallois, mais je crois qu'il est croisé plutonien, aussi, vénusien, ou un truc comme ça. Mais il est extrêmement gentil. C'est un super guitariste, c'est un bon chanteur. Il n'a pas une personnalité extraordinaire quand il chante. On ne peut pas, en claquant des doigts, dire immédiatement "ça c'est Jones", sauf si on est vraiment fan absolu. Mais c'est un excellent side man. En carrière solo, il a plus de mal, mais parce qu'il est comme ça. Il est en arrière. Même sur ses tournées, quand c'est lui la star, il a un recul sur lui même. On dirait que même lui, il n'y croit pas, c'est marrant. Mais il est super sympa.


[Michael Jones et Gildas Arzel : "Un grand frère"]

 


Je crois savoir que tu prépares un nouvel album avec Christophe Battaglia. Pour nos auditeurs qui ne le connaîtraient pas, c'était ton clavier pendant la tournée de 97. Il vient de réaliser le nouvel album de Carole Fredericks, et il est en train de travailler sur plusieurs projets qui devraient voir le jour l'année prochaine. J'ai lu quelque part que tu achetais tes instruments de musique dans le magasin de ses parents quand tu étais à Marseille. Vous vous connaissez donc bien. Est-ce que tu peux me parler de Christophe et de ce nouvel album ?

Ah oui. Il est beaucoup plus jeune que moi. Il a dix ans de moins que moi. Donc quand j'achetais des cordes à son père, quand je me faisais voler par son père [rires], il était petit, donc je ne le calculais pas. Je l'ai rencontré vraiment quand j'ai fait mon deuxième album "Entrer dans la danse", il a été vraiment fan. Il voulait travailler pour deux personnes : Daran ou moi. Donc il a postulé pour être assistant, gratuitement. Je l'ai trouvé hyper efficace. Je ne savais pas, il se servait des magnétos, et tout., mais un soir, il y avait le piano, je l'ai vu jouer, et je lui ai dit "tu joues vachement bien. Si un jour j'ai besoin de quelqu'un, je t'appellerai". Ça s'est trouvé, donc je l'ai appelé, et il est monté à Paris. Il faut savoir aussi que c'est un cousin éloigné de Erick et Roland Benzi. La mafia, quoi. Marseille Connection. Il a un grand talent de producteur, de bonnes oreilles.

Il fait de très bons remixes.

Oui, je ne sais pas, il a ce talent là. Là, on bosse tous les deux sur mon prochain album, qui est l'album le plus cool de l'histoire du Rock n'Roll, parce que je le fais chez moi, et on est deux. Je joue à peu près tout. Je vais peut-être prendre un batteur, parce que je n'ai pas le niveau suffisant peut-être pour faire la batterie. Mais sinon, j'essaie de faire tout moi même, à part les cornemuses, aussi. Il y aura Bruno.

Il y a une sortie prévue ?

J'espère, oui…

[rires] Bon, je repose la question. Est-ce qu'il y a une date prévue pour la sortie ?

Quand j'ai fini. J'aimerais bien que ce soit au printemps, genre février mars. Ce serait bien, parce qu'on va essayer de monter la tournée aussi immédiatement, donc ce serait l'idéal. Mais maintenant, si vous avez des idées de textes, 3615 Arzel.

On fera suivre. Dernière question. C'est Christophe Battaglia qui a une question pour toi. Il m'a écrit et m'a demandé de te poser la question suivante : "Quand est-ce-que tu changes de barbecue ?"

[rires] Christophe a un gros problème avec ça, c'est que quand on est à la maison, je lui fais des côtes de bœuf sauce Roquefort. Ce n'est pas un plat, c'est un meurtre. Le problème, c'est que j'ai un barbecue qui commence à dater un peu, et il disait qu'avec la qualité de la viande que j'avais, ce n'était pas normal que ce soit antinomique avec la qualité de mon barbecue. Donc c'est un problème aigü pour lui. Donc, tu vois, entre Jones et Battaglia, il y en a quand même pas mal en liberté qu'on devrait enfermer, je trouve.

Alors "Chanter", l'émission dans laquelle nous sommes ce soir, est une émission consacrée à la chanson française. Si tu le veux bien, on va se quitter avec une chanson française, celle que tu veux.

Celle que je veux ? Dans le genre français, je n'aime pas grand monde, mais j'aime bien Nino Ferrer, ou Polnareff. Polnareff, tiens.

Quelle chanson ?

[Il chante] "Sous quelle étoile suis-je né…". J'aimais bien, celle-là quand j'étais petit.

Très bien. Merci Gildas d'avoir consacré autant de temps pour cette émission. Et à bientôt sur les route l'année prochaine.

Et bien je compte sur tout le monde. Salut et merci.


[Michel Polnareff : "Sous quelle étoile suis-je né ?"]


Cette interview a été diffusée en deux fois dans le cadre de l'émission "Chanter", sur Radio Kol Hachalom (100 Mhz à Grenoble).
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