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Portrait
(Solo n°2, novembre / décembre 1997)

Portrait
Solo n°2, novembre / décembre 1997
Lilianne Roudière
Retranscription de Jean-Michel Fontaine

A l'occasion de la sortie de son nouvel album, "En passant", Jean-Jacques Goldman nous a donné rendez-vous dans un bar au pied du Parc des Princes. C'est une journée très chaude, nous nous installons dehors...

Solo : Vous êtes un auteur-compositeur très fécond. L'écriture se fait-elle dans la douleur ?

JJG : Non. Des idées viennent. Ce sont des tumeurs qui poussent, dont j'ai beaucoup de plaisir à me délivrer. Parce que j'adore ça, je passe beaucoup de temps à ma guitare, c'est ainsi que - tout simplement - naissent les mélodies. Petit à petit et naturellement, les envies aboutissent et à cet instant je me mets au travail. Mais cela reste avant tout un plaisir.

Solo : Après cette étape de conception, orientez-vous votre travail afin que la chanson réponde à "un format idéal et incontournable" pour les radios ?

JJG : J'aurais pu avoir cette réflexion, mais elle est complètement inutile. Je pense que ce serait une erreur de vouloir écrire en fonction des "panels". Pour preuve, ce que j'ai fait jusqu'ici n'était pas très à la mode. Ce qui compte, ce sont les idées. Je suis cependant extrêmement conscient que faire un disque c'est s'adresser aux autres : on doit donc tenir compte de ce qu'ils sont prêts à recevoir... Sinon, on fait un disque pour soi et cela devient la duplication de soi-même. C'est sans intérêt.

Solo : Dans vos entrevues ou dans vos chansons, revient souvent le thème de la danse. Est-ce quelque chose de si important pour vous ?

JJG : C'est le rôle primordial de la musique. On est le seul pays où la musique "sérieuse" doit s'écouter assis. Chaque fois que je vais aux Antilles ou en Afrique, je vois comment les gens réagissent à la musique, je trouve que c'est d'une intimité ou d'un utilité folles... Je trouve ça extraordinairement gratifiant d'avoir ce pouvoir de créer des musiques sur lesquelles les gens s'aiment, se touchent, s'expriment, s'oublient... Il n'y a rien de plus magnifique. Si en plus on peut mettre du sens dans les textes, c'est encore mieux. Si j'avais un jour la tentation de faire autre chose, ce serait de ne composer que de la "musique de danse". Pour moi, rien n'est plus noble que ça.

Solo : Dans vos différentes et nombreuses rencontres professionnelles, qui choisit l'autre ?

JJG : Je n'ai choisi qu'une artiste : Céline Dion. Les autres collaborations sont issues de demandes, de rencontres qui m'ont intéressé.

Solo : Comment gérez-vous cette sollicitation ?

JJG : C'est assez simple. Il faut qu'il y ait trois critères : la personne doit d'abord avoir une voix (car j'y suis très sensible) et certaines capacités techniques. Ensuite, il faut que sa personnalité m'intéresse, enfin je veux avoir l'impression de lui être utile. C'est-à-dire trouver l'angle, l'idée que les autres n'ont pas vue.

Solo : Certains artistes comme Worlds Apart ou Melgroove reprennent vos propres chansons. Comment cela se passe-t-il ?

JJG : Sur le plan légal, on n'est pas obligé de demander l'autorisation à l'artiste. C'est-à-dire que vous, demain, si vous voulez chanter une chanson des Beatles, vous pouvez le faire... Il se trouve que ces gens-là, par correction, m'ont demandé l'autorisation et AVANT d'écouter les versions j'avais donné mon accord. Je trouve qu'il est très gratifiant et touchant pour un auteur-compositeur d'entendre ses chansons chantées par d'autres. Je suis très fier de ça. D'autant plus que je l'ai beaucoup fait moi-même : quand j'avais quinze ou vingt ans, je jouais la musique des autres et je doute que mes interprétations aient plus aux Stones ou aux Beach Boys ! Mais je les faisais avec beaucoup de foi. Je suis sincèrement content que l'on reprenne mes chansons...

Solo : Je pense qu'ils doivent l'être eux aussi ! C'est quand même le bénéfice quasi-assuré de la manne Goldman où tout se passe bien...

JJG : (rire) Tout ne se passe jamais bien...

Solo : L'entreprise Goldman existe, elle est florissante. Y a-t-il un savoir-faire particulier, un label "made in Goldman" ?

JJG : Non. C'est encore une histoire de travail. Nous, on fait des disques, on passe du temps à le préparer, à l'enregistrer et à le "promotionner". D'accord ?

Solo : Ensuite, que se passe-t-il ?

JJG : Il se passe qu'en 78, le nombre d'acheteurs de ce disque était de 12, j'ai donc gagné douze fois mon pourcentage prévu par le contrat par WEA. A présent les ventes sont par centaines de milliers... Bien sûr, plus les chansons achètent de disques et plus cela vous rapporte d'argent. Mais je n'ai rien fait d'autre que ce que je faisais avant : c'est-à-dire être chez moi, composer une chanson, aller en studio, l'enregistrer et ensuite en parler aux médias.

Solo : Vos rapports avec la presse ont parfois été très difficiles. Aujourd'hui, vous demandez à relire les interviews et refusez d'apparaître en couverture. Pourvez-vous expliquer ces restrictions ?

JJG : Il n'y a pas de contrôle draconien en ce qui concerne la presse. J'ai 46 ans et l'expérience de ça depuis 15 ans. Je demande à relire les interviews pour être certain qu'on ne parle pas à ma place. Mais ce n'est pas dans l'idée de censure. Par exemple, je ne demande pas les questions par avance. Quant à mes rapports avec la presse, je n'ai pas connu de grandes difficultés sauf au début de ma carrière. Cela arrive encore aujourd'hui à de jeunes artistes. C'est une question que l'on devrait étudier. Par ce genre d'action, la presse se discrédite et, Dieu merci, elle est moins entendue. En fait, c'est plus un problème pour eux que pour nous.

Solo : Dans certains de vos programmes et dans le livret de l'album "Singulier", vous avez imprimé la "compil" des mauvaises critiques, souvent très violentes. Pourquoi ne pas opter pour l'indifférence ?

JJG : Je voulais d'abord remercier le public de m'avoir suivi malgré tout ça, et ensuite, que ces critiques assument ces écrits, avec leur nom, leur journal. Qu'il y ait des conséquences pour eux aussi.

Solo : Plus que de la nostalgie, votre album "En passant" m'évoque la mélancolie et la définition qu'en donnait Freud : "la perte s'est bien produite, mais on ne parvient pas à savoir avec précision ce qui a été perdu". Puis, dans la chanson "Quand tu danses", arrive cette phrase terrible : "J'ai fait la liste de ce que l'on ne sera plus". Que ne serez-vous plus ?

JJG : "Quand tu danses" est une histoire très claire entre un homme et une femme. Bien sûr, pour écrire cette chanson, il faut avoir vécu ces histoires. On ne peut pas écrire cela à 20 ans. A 20 ans, on ne fait pas la liste de ce qu'on va être : on a juste l'impression de vivre une histoire qui ne finira jamais. On n'écrit pas les mêmes choses à 20 ans qu'à 46 ans. C'est une question qu'on se pose après, au cours de son existence. Se demander : une fois que l'amour est parti, qu'est-ce qu'on devient ? Après avoir été tout, est-ce qu'on devient rien ? Quand on a touché la peau de quelqu'un, est-ce qu'on devient un ennemi ? C'est dommage. Quel est le statut des gens qui se quittent ?

Solo : Avez-vous d'autres certitudes en péril ?

JJG : Une question très claire : Si j'étais né en 17 à Leidenstadt. Quand je nous vois défiler dans des manifestations antiracistes, je suis absolument persuadé que ce n'est pas parce qu'on est meilleur, mais que l'on a été élevé dans certaines conditions, avec une certaine culture, dans un certain confort, ce qui fait qu'on a les moyens d'être comme ça. On peut se poser des questions sur nos propres vertus. Existent-elles vraiment ? Est-ce que l'on ne serait absolument pas dans les tortionnaires si l'on avait été dans ces conditions-là ?

Solo : Vos prises de position sont particulières, réfléchies, discrètes...

JJG : On dira humbles. Dans le sens où ce que je revendique, c'est d'une part le droit d'avoir des réactions, et d'autre part, que ces réactions soient justes celles d'un citoyen, et pas celles de "plus qu'un citoyen".

Solo : Sur scène, parvenez-vous à rester un simple citoyen ? N'avez-vous jamais eu la tentation de succomber à une certaine déification et de faire dire n'importe quoi au public ?

JJG : Je ne crois pas que ce soit possible en France.

Solo : Pourtant, j'ai vu certains concerts de rap où...

JJG : Le rap, ce n'est pas pareil. Je n'ai pas ce public là.

Solo : Croyez-vous que ça vient du public ?

JJG : Beaucoup. Culturellement, énormément. Si, en plein milieu du concert, je faisais passer des consignes politiques, je crois qu'il y aurait un grand silence, je me demande même s'ils ne quitteraient pas la salle... Je suis même sûr de ça.

Solo : Pourquoi refusez-vous de vous produire dans le cadre des festivals ?

JJG : Au début, je suis allé sur scène uniquement pour répondre à une demande du public. Je ne suis pas à l'aise sur scène. En festival, vous jouez devant plusieurs publics qu'il faut convaincre. Et je n'aime pas convaincre !

Solo : Vous avez dit "s'il m'était arrivé à 20 ans ce qu'il m'est arrivé à 30, je serais devenu fou". Comment avez-vous su assimiler le succès et ses revers ?

JJG : J'avais déjà une vie derrière moi. J'avais fait des études, j'avais été dans le vrai monde du travail pendant sept ans, me levant le matin, rentrant le soir... J'étais marié, j'avais deux enfants : j'avais déjà une vie.

Solo : Et votre entourage direct a-t-il été comme vous : sans velléïté de star ?

JJG : Je les ai choisis dans ce sens-là. Cependant, certains, dans ma famille, chez mes proches, auraient bien succombé à ces tentations-là... (rires) J'ai aussi rencontré par la suite des gens auxquels je suis très lié qui étaient justement vaccinés contre ces tentations... On va dire un peu pathétiques...

Solo : Quels sont vos projets ?

JJG : Un album avec Céline Dion, une tournée au mois de mars.

Solo : Peut-on déjà donner les grandes lignes de votre prochaine tournée ?

JJG : J'ai un petit peu d'angoisse à ce sujet, car je trouve - très immodestement - que la tournée précédente était tellement aboutie que je me demande comment ne pas décevoir les gens... Quoiqu'il en soit, toute tournée est très centrée sur l'album : le spectacle sera donc assez intime. Je n'ai pas encore réuni toutes les idées.

Solo : J'ai lu que vous aviez été subjugué par Roch Voisine et qu'un projet est en cours...

JJG : Non, non (rires), pas subjugué. Je trouve que c'est un très bon chanteur. J'aurais bien aimé travailler pour lui, mais je n'ai malheureusement pas le temps.

Solo : Y aura-t-il, oui ou non, un album avec Sardou ?

JJG : Non, pas d'album. Ça a été écrit : il faut que les journalistes prennent leur téléphone et vérifient. Ça s'appelle publier des rumeurs.

Solo : Auriez-vous une envie particulière et nécessaire ?

JJG : (sourire) Je n'ai pas beaucoup d'envies... J'ai des petites envies, qui sont celles de continuer à écrire des chansons, de faire de la scène. Je n'ai jamais eu d'envies fondamentales. Je n'ai jamais été dévoré par des voeux ou des regrets.

Solo : Y'a que les routes qui sont belles, c'est ça ?

JJG : Oui... Je sais ça.

Solo : Un dernier souhait pour tous ?

JJG : Inch Allah !


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