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Goldman, il marche seul
(Marianne, 25 août 1997)

Goldman, il marche seul
Marianne, 25 août 1997
Anne Julien
Retranscription de Julien Coen

"Ce faiseur de tubes aime le gris, les traces de temps qui traîne... Son nouvel album, en solo, sort à la fin du mois.

Rien ne filtre jamais de son nuage privé, et les deux ou trois choses qu'on sait de lui ont depuis longtemps éloigné les paparazzi : domicilié à Montrouge, père de trois enfants, gros dormeur, malade en voiture, fan de foot et bon skieur. Réfugié derrière une banalité revendiquée, JJG, devenu "antistar", a la paix. En laissant à d'autres le créneau des existences tapageuses peuplées de courtisans et de dérives sentimentales, il s'assure une tranquillité rare dans le show-biz, à l'image de Prince ou de Springsteen, qui depuis longtemps ont fait passer semblable message : no comment, et l'intimité sera bien gardée. Avec le temps, même ses détracteurs se sont tus.

Lorsque Goldman est apparu en 1981, maladroit, intimidé par son public, de beaux esprits se sont acharnés. Le succès de l'ex-chanteur des Taï Phong, débarqué à 29 ans en grande fanfare sur les ondes avec sa romance revival ("Il suffira d'un signe"), ne pouvait durer. "Bêtasse", "godiche", "degré zéro", "savonnette manufacturée", "voix de castrat endimanché", "produit parfaitement ciblé" : la critique mit aux enchères son sens de la formule pour souligner l'insignifiance de la nouvelle recrue, puis de son deuxième succès : "Quand la musique est bonne". D'autres avaient un jour conseillé à Jacques Brel, lors de son premier passage à l'Olympia, de reprendre le train pour Bruxelles. Leurs enfants aussi se sont trompés : 15 ans plus tard, Goldman chante toujours.

Sa simplicté a ému, ses musiques aussi : un peu démodées, inspirées du répertoire anglo-saxon des années 70. "Comme toi", avec Goldman au violon, qui évoque leur adolescence à ceux qui ont 30 ans - qu'ils le veuillent ou non. "Au bout de mes rêves", "Elle a fait un bébé toute seule"..., ses succès les plus anciens tournent encore sur la FM. L'artiste remplit sans publicité les salles de concerts. Il s'est déjà produit, en un seul mois, dans les 4 grandes salles de Paris - Zénith, Olympia, Palais des Sports et Bataclan - dans une même foulée musicale. Unique aussi, sa décision, en pleine gloire, de partager l'affiche : avec Carole Fredericks, choriste noire américaine formée au gospel, et Michael Jones, gallois, guitariste et ami, il lance "FGJ" en 1991.

On ne l'avait pas vu seul sur scène depuis 6 ans, il fait aujourd'hui un retour en solo. Son succès, il l'a lui-même résumé en deux phrases : "Il n'y a pas de tricherie. On apporte un peu de plaisir, celui de chansonnettes". Le tube de l'automne, la chanson de sa 45ème année, ce sera "Sache que je". "Il y a des ombres dans je t'aime/Pas de l'amour pas que ça/Des traces de temps qui traînent/Du contrat dans ces mots-là..."

A force de "chansonnettes", donc, JJG se trouve à la tête d'une PME. "Benny" comme on l'appelait à l'Edhec, l'école de commerce de Lille (en référence à Goodman, chef d'orchestre américain et clarinettiste fameux), ne descend pas des cimes du hit français. Plus d'un million d'exemplaires vendus pour "Non homologué". Six cent mille pour "Entre gris clair et gris foncé". "Il sait exactement ce qui va marcher, il le sent", commente un critique. Goldman a écrit pour Patricia Kaas - sous pseudonyme - , et pour Johnny Hallyday - sous son nom. L'album "Gang" et son inévitable "Laura" se sont vendus à 600 000 exemplaires. Le dernier album de Céline Dion, "Dans ma chair", [sic !] c'est Goldman. "Aïcha", de Khaled, devenu tube international ? Goldman. La résurrection de Florent Pagny ? Goldman, qui signe aussi des musiques de film. Celle de "L'union sacrée" (avec Bruel) et de "Pacific palisade" (avec Sophie Marceau), c'est lui. Il détient le record de ventes de disques de ces 10 dernières années. Le chiffre d'affaires annuel réalisé par la société dirigée par son frère et manager donne l'ampleur du talent : de 25 à 40 millions, selon le mensuel "Capital".

Ses admirateurs le répètent à l'envi, JJG, à mesure qu'il prenait de la hauteur, n'a pas changé : "C'est un mec tout simple, il ne se prend pas la tête". En automne 87, il entend une chanteuse dans un couloir du métro, l'entraîne sur scène, la présente à son public, l'aide à sortir son album. C'était Sirima. Intacte aussi, la légendaire gentillesse de Goldman. Peu de chanteurs s'attardent trois quarts d'heure en coulisse avec deux inconnues, Nébia et Fatima, pour parler de l'Algérie et des "Barbus". Quand on s'enrichit, le plus souvent on déménage. Goldman vit toujours dans un pavillon à Montrouge, la ville de son adolescence en banlieue sud, en marge du show-biz, comme fidèle à une certaine idée du monde que lui ont transmise ses parents.

Une fois seulement, avec l'écrivain Philippe Labro, Goldman a évoqué son père, dont la disparition fut en 1988, saluée par "le Monde" : son passé de résistant parmi les FTP, sa rupture précoce avec le Parti communiste peu après le scandale des Blouses blanches, ces médecins juifs accusés à tort, en 1953, de tentative d'assassinat contre Staline. "Quitter le PC à cette époque et dans ces conditions, c'était une rupture terrible, expliquait Goldman. On devient un renégat. Mais il a dit : "Il y a manipulation, mensonge". C'est seulement 6 mois après sa mort que j'ai appris par un ministre le rôle essentiel qu'il avait joué dans la Résistance".

Un autre Goldman est entré dans l'Histoire : son demi-frère, Pierre, révolutionnaire et cause célèbre de la gauche intellectuelle des années 70. Accusé de deux meurtres et de trois attaques à main armée, Pierre Goldman est condamné à la réclusion à perpétuité, son procès ensuite cassé pour vice de forme. Il est acquitté en 1976. Trois ans plus tard, il meurt assassiné, et on n'a jamais su quels comptes s'étaient ainsi réglés.

Avec son frère, JJG a en commun le goût des valeurs : amitié, idéalisme, fraternité. Aux Victoires de la Musique, il chantait en arabe au côté d'un Khaled ému qui dira : "Un Arabe qui chante avec un Juif, c'est déjà le début de la paix". Le Goldman pour midinettes est un homme engagé : concert pour l'Ethiopie, SOS-Racisme, qu'il quittera avant que le mouvement ne se politise ("Le jour où la droite ne pourra plus se retrouver dans SOS-Racisme, c'est qu'il y aura un problème", disait-il) ; show-surprise au profit d'Amnesty International à l'occasion du 40ème anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme ; un Zénith pour l'Arménie... Son engagement n'est devenu public que lorsque Coluche l'a prié d'écrire la chanson des Restos du coeur : "Aujourd'hui/On n'a plus le droit/Ni d'avoir faim ni d'avoir froid". Il a toujours refusé d'exprimer un discours politique et s'est agacé que Johnny Hallyday transforme en slogan électoral pour Chirac la chanson ("Je t'attends") écrite par lui.

Sa réserve, il l'a expliquée une fois pour toutes dans le mensuel "Paroles et musiques" : je suis un peu énervé par toutes ces tentatives pour faire dire aux artistes des choses pour lesquelles ils ne sont pas compétents. Ma réflexion n'est pas supérieure à celle des gens qui achètent mes disques. Je pourrais aussi bien écouter leur avis qu'eux le mien". Avec Philippe Labro, il poursuivait : "Je suis souvent énervé par la morgue vertueuse de gens qui défilent, quand je sais qu'il y a des tortionnaires potentiels dans chaque immeuble, qu'il existe des fascistes potentiels au sein des troupes de la vertu. Ça se voit dès qu'un manque apparaît. Il suffit d'une pénurie d'essence".

En 1988, seulement, JJG a accepté de participer au débat public. C'était un face-à-face avec Michel Rocard dans les colonnes du "Nouvel Observateur". Erigé malgré lui en porte-parole de la génération 18-25 ans, l'artiste posait cette question à désespérer Matignon : "Quand un PDG n'a pas de résultats, le conseil d'administration le fout dehors ; quand un chanteur fait un bide, il change de métier. Mais quand un professeur est incapable d'enseigner, dégoûte ses élèves, là, ça peut durer des années, une génération, une carrière. Pourquoi les gens les plus importants pour l'avenir sont-ils les plus protégés ?" C'était, il y a presque 10 ans, l'unique irruption de Goldman sur le terrain du débat politique.

Est-ce cette sensibilité qu'ont perçue ceux qui, en 1986, sont descendus dans la rue ? La jeunesse, les étudiants interpelaient le ministre Devaquet et faisaient entrer Goldman dans le trio des "grands frères spirituels", avec Renaud et Coluche. Un Goldman peu à l'aise dans le rôle officiel de leader de génération. Car le "grand frère" est un solitaire en marge des mondanités. "J'ai toujours dit non. Je ne suis allé nulle part, je m'ennuie dans ce genre d'endroit. Donc, ne plus être convié du jour au lendemain ne me peinera pas du tout. Je n'ai jamais vécu l'ivresse des sommets". Sa fidélité à lui-même, il l'a d'ailleurs chantée :

"S'il vous faut un intellectuel/Un bel esprit un prix Nobel/S'il faut briller dans tout Paris/Sorry..."

"Ses fans aiment aussi Sartre et Mozart"

Si JJG a choisi de sortir son album fin août en anticipant sur la parution prévue mi-septembre, c'est, selon l'un de ses amis, "justement parce qu'il n'y a personne et qu'il ne se passe rien. Pour être tranquille".

Le chanteur fuit la médiatisation, moyennant quoi le staff de Columbia, sa maison de production, demande des "motivations écrites" pour toute demande d'interview et de CD. Ceci est transmis par l'attachée de presse au directeur de marketing, qui exige à son tour un mot du rédacteur en chef du journal certifiant que son journaliste prépare bel et bien un article. Une dizaine d'appels pour écouter enfin le single, "Sache que je". On le sait, Goldman n'a pas besoin de la presse pour vendre ses disques : un fan passe dans un rayon, et tout le réseau s'enflamme. Il a ses fidèles, qui n'hésitent pas à écrire aux journaux lorsqu'ils s'estiment diffamés. Ainsi Laurence, 16 ans : "Une chanson de variétés recherche avant tout une certaine sensualité, ce pour faire danser les ados que nous sommes, et également pour toucher les plus "paumés" d'entre eux, qui, sans rêves et sans musiques, resteraient asociaux [...]. Apprécier Goldman n'exclut pas le fait d'adorer Mozart, et les minettes fans de musique classique étant plutôt rares aux dernières données corrigées, nous pourrons également discuter la qualité de minettes - au masculin comme au féminin - des goldmaniens dans leur totalité..."

Sur le même ton, cette autre mise au point : "Férocement banal, Goldman ? Allons donc ! Banal, d'être sain et équilibré à notre époque ? Banal, de prôner la culture qui seule permet de s'en sortir ("A coups de livres, je franchirai tous les murs") ? Banal, de bannir toute forme de drogue ("Medicament blues") ? Banal, d'être antiraciste viscéralement ? Banal, d'accepter toutes les différences ("Ton autre chemin") ? Hélas ! C'est lui qui a raison: JJG est bien minoritaire, et ça n'est pas banal".

Résumé en deux phrases : "Il serait temps que les intellectuels parisiens cessent de croire que l'archétype du fan de Goldman est une minette de 15 ans qui lit assidûment le courrier du coeur dans OK Magazine [...]. Je fais partie du cheptel qui suit fidèlement Goldman et, pourtant, je vous assure que j'ai eu ma dose de Sartre".

(lettres extraites du courrier des lecteurs du Nouvel Observateur)


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