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Radio Suisse Romande, mai 1995
(Retranscription de Christel Gumy)

Radio Suisse Romande, mai 1995
Retranscription de Christel Gumy

A l'occasion de son concert à la patinoire du Sentier en mai 1995, les journalistes de la Radio Suisse Romande ont interviewé Jean-Jacques Goldman.

Radio Suisse Romande : D'où vous est venue l'idée de cette tournée intimiste ?

Jean-Jacques Goldman : En fait, c'est né un peu par hasard. On devait faire quelque chose pour Amnesty et on avait décidé de faire quatre petits concerts dans un tout petit club à Paris qui s'appelle le "New Morning" en acoustique, comme ça. Et on a retrouvé des sensations à cette occasion-là qui nous ont bien fait plaisir puisqu'on avait un peu oublié le temps où on faisait des clubs, des bals, des choses comme ça. Et donc, c'est là qu'on s'est dit que ça serait bien de refaire une petite tournée comme ça, une fois que tout serait terminé, de refaire comme ça pour le plaisir une tournée de petites salles. Et puis après, on s'est dit que, quitte à faire des petites salles, pourquoi pas faire des endroits - ce serait stupide de faire une petite salle à Lausanne, par exemple, ou à Lyon, ou à Nantes - autant aller dans des endroits où on va jamais. C'est un caprice, c'est vraiment pour le plaisir. Il n'y a aucune envie de faire plaisir aux gens, d'une certaine manière, - si ça fait plaisir aux gens, c'est très bien - mais au départ, c'est franchement pour nous faire plaisir à nous, voilà.

Pour décider des endroits, puisque nous, on ne connaît pas, chaque fois on a fait appel aux organisateurs locaux - c'est-à-dire, les gens avec lesquels on est habitués à travailler pour les concerts conventionnels, je dirais - et donc, c'est eux qui probablement nous ont proposés cet endroit, que je trouve moi un peu grand par rapport à ce qu'on fait en France. C'est pas vraiment une petite salle ça.

Radio Suisse Romande : Non, c'était pas vraiment une petite salle, puisqu'il s'agissait d'une patinoire pouvant contenir, eh bien, 2 000, 2 400 personnes, un petit peu moins peut-être, enfin, bref, c'est pas tellement important. Ce qui est important, c'est la musique, et donc le spectacle.

Jean-Jacques Goldman : Là, le spectacle est divisé en deux. Il y a une première partie qui est vraiment spécifique à cette tournée, qui est une partie qui est acoustique, où nous, on est assis. Bon, c'est une tournée où les gens sont assis, ça aussi c'est différent. Le rapport est différent au départ. Et puis à peu près à la moitié du spectacle, il y a une espèce de résumé de la "Grosse tournée". Simplifiée évidemment, parce que déjà, ne serait-ce que par l'exiguïté des endroits, on peut pas enfin, donc on a gardé quelques clins d'œil, comme le visage, un peu de cinéma, quelques choses comme ça. On perd en puissance, mais on gagne en proximité et ça c'est sûr.

Radio Suisse Romande : Oui, bien sûr, c'est quand même un peu comme de passer d'une Rolls sur une autoroute confortable à une jeep sans suspensions sur une piste du Nevada. Donc, nécessairement, il y a des différences entre les spectacles proposés pour les grandes scènes et les autres dont celui-ci.

Jean-Jacques Goldman : Moi, je trouve que la chose fondamentalement différente, c'est que les gens soient assis. Et qui ne soient pas trop nombreux et déjà ça donne la plupart du temps une qualité de silence qui est différente. Quand les gens sont debout, qu'ils attendent depuis une heure ou deux avant le concert, on peut pas avoir une qualité d'attention ni de convivialité, surtout quand ils sont cinq ou six mille dans des salles très sonores, donc on gagne en énergie. Il se passe des choses dans les grandes salles - moi j'aime bien - mais il y a des choses qu'on manque. Disons, et c'est vrai, on ne fait pas du Mozart. Mais il y a des moments quand même de convivialité ou et de silence et d'attention qui sont possibles. On n'est pas Gun's and Roses non plus [rires]

Radio Suisse Romande : On peut revenir également sur le début de l'histoire, à savoir, Fredericks-Goldman-Jones, ou comment est-ce que tout ça a commencé, n'est-ce pas ?

Jean-Jacques Goldman : Je vais être extrêmement original et pertinent : c'est la musique. Michael, je le connais depuis une quinzaine d'années puisqu'on était dans un groupe ensemble qui s'appelait Taï Phong dans les années 78-79. Et Carole c'est depuis presque une dizaine d'années. Elle était venue faire des chœurs sur une tournée. Voilà. Et moi, j'ai toujours aimé chanter à plusieurs. J'avais déjà fait des duos : avec Michael, un duo qui s'appelait "Je te donne", avec une chanteuse qui s'appelait Sirima, j'avais fait un duo qui s'appelait "Là-bas". Donc j'aime déjà ça, et voilà. C'est une formation qui est née vraiment sur le plaisir, pas du tout sur la nécessité, puisque tout allait bien pour tout le monde, et en particulier pour moi, donc et elle mourra de l'absence de plaisir. Pour l'instant ce plaisir perdure.

Radio Suisse Romande : C'est vrai que c'est un plaisir qui perdure. Il perdure de belle manière, puisque en fait, même s'ils se connaissaient déjà avant, c'est vrai que c'est quand même Jean-Jacques Goldman qui était mis en avant. On a forcément remarqué que c'est toujours lui qui donne les interviews. Profitons-en également pour parler artiste et conceptions de l'artiste.

Jean-Jacques Goldman : Ma conception de l'art, c'est avoir des émotions et de réussir à les transmettre. C'est pas très original, donc, c'est tout. Je pense qu'on peut être extrêmement traqueur, extrêmement capricieux, extrêmement "artiste" et nul, par exemple. On peut [rires]. Il y en a, et puis on peut être en même temps, voilà. C'est pas forcément incompatible. Ni compatible d'ailleurs.

Radio Suisse Romande : C'est vrai. Il a tout à fait raison. On ne peut qu'approuver ce genre de paroles. On peut également faire remarquer à Jean-Jacques Goldman que quelque part, il est en train de réaliser une véritable OPA sur la chanson française, puisqu'il écrit pour absolument tout le monde, y compris pour des gens dont on sait qu'ils vendent des disques, à savoir Johnny Hallyday et Céline Dion.

Jean-Jacques Goldman : Moi, j'aime bien écrire des chansons, j'aime bien les très belles voix. Je suis un amoureux des voix. C'est pour ça que je travaille avec Carole et Michael. Voilà. J'ai du pot, ça marche bien, donc quand je propose à des gens ou alors on me propose de travailler pour eux, ça me plaît vraiment beaucoup. Ça peut éventuellement uniformiser un hit-parade pendant deux-trois mois, mais je pense malheureusement qu'on ne peut pas faire plus.

Radio Suisse Romande : Quelque part, Jean-Jacques Goldman n'est pas du tout un chanteur engagé.

Jean-Jacques Goldman : Moi, je suis un chanteur incompétent sur ce plan-là quoi. Je ne pense pas que le fait d'avoir chanté "Quand la musique est bonne" me donne la compétence pour pouvoir dire aux gens que dans tel type d'idéologie et tel type d'engagement, par exemple, les relations sociales entre les entreprises et tout ça vont changer [rires]. Vous comprenez ? Donc, quand on me pose des questions sur un domaine de compétence, comme l'état des salles en France, la musique, les droits d'auteurs, les problèmes de tout ça, je réponds. Mais j'avoue que je suis un peu court sur le plan politique. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui croient qu'ils ont plein de choses à dire et en fait qu'ils se trompent, donc ils ne disent rien. Et puis il y en a d'autres qui sont pas persuadés de ça et le font simplement par exemple en votant. Je sais que je suis un des seuls chanteurs qui vote. Parce qu'il y en a plein qui revendiquent de ne pas voter. voilà. Donc, je vote. Je vote en fonction de mes convictions [rires]. Et quand je rentre dans l'isoloir, je prends tous les petits papiers et je réfléchis à l'intérieur.

Radio Suisse Romande : Oui, mais ça d'accord, bon, on agrée complètement. Mais quand même, vous êtes un personnage public, Jean-Jacques Goldman, et donc, vous avez quand même des responsabilités envers votre public.

Jean-Jacques Goldman : Je ne crois pas que un chanteur est suivi par un public, je crois qu'un public choisit un chanteur en fonction de ce qui leur sied. Et si je change de discours, ou si j'ai un discours qui ne leur plaît pas, et bien, ils me lâchent, comme ils en ont lâché plein. Non, je ne crois pas du tout dans le pouvoir des chanteurs sur les gens. Je crois au contraire que ce sont les gens qui les choisissent parce qu'ils disent ce que eux ont envie de dire.

Radio Suisse Romande : Donc, il y a un moment où finalement, vous ne direz peut-être plus du tout ce que les gens ont envie d'entendre, peut-être. Alors, à ce moment-là, faudra peut-être songer à abandonner et généralement, ça intervient à un âge situé aux environs de la cinquantaine, voire la soixantaine. Jean-Jacques Goldman à soixante ans, à quoi ça ressemblera ?

Jean-Jacques Goldman : La seule mauvaise nouvelle, c'est que c'est dans seize ans, c'est-à-dire, c'est assez peu de temps [rires]. Je ne sais pas, peut-être que j'aurai plus de cheveux, on ne sait pas [rires]. On aura peut-être trouvé quelque chose pour les faire repousser. Je trouve ça très, très, très, nul de dire "Moi, je veux partir en pleine gloire, je ne veux pas être un vieux chanteur." Je trouve ça prétentieux quoi, parce que je ne vois pas ce qu'il y a de mieux dans l'existence que d'être devant même cent ou deux cent personnes ou trois cents personnes et de leur procurer du plaisir à vous entendre. Je ne vois pas ce que eux doivent avoir de beaucoup plus intéressant à faire dans l'existence que ça. On peut se débrouiller pour que ce soit pas pitoyable. Là, on a joué dans une toute, toute petite ville qui s'appelle Mauron et il y avait une salle des fêtes et j'ai vu une photo de Léo Ferré au mur, je ne me compare pas, mais ça veut dire que Léo Ferré, quelques mois avant sa mort, je crois que c'était dans l'année précédente, est venu chanter à Mauron sur bande d'orchestre. Je suis sûr que ce n'était pas pitoyable.

Radio Suisse Romande : Jean-Jacques Goldman, pendant toute l'interview affiche l'air détaché du type qui manifestement ne va pas monter sur scène dans moins d'une heure et ne fait pas une tournée loin de tout le monde, de ses amis, de sa famille, enfin, etc., etc., et qui surtout n'est pas en lutte aux problèmes techniques. Donc, évidement, on se demande ce qui peut bien énerver Jean-Jacques Goldman.

Jean-Jacques Goldman : Les techniciens m'énervent. Je dis ça parce que ça m'a énervé aujourd'hui. Parce que leur problème technique est une finalité. C'est-à-dire, un technicien, mais vous devez avoir aussi ça en radio, par exemple, son problème c'est que le son soit bon, là. C'est pas que l'interview soit intéressante. Un technicien de lumière, il fait un concert de lumière fondamentalement. Là, on a un roadbook qui a été fait par un technicien sur un ordinateur avec un programme qui est absolument inutile et illisible, mais je suis sûr que le gars était content. Il y a cette espèce de suffisance, de jouissance technique et où on oublie complètement la finalité de pourquoi, pourquoi c'est fait, dans quel but et tout ça, ça m'énerve et on s'y heurte à peu près toutes les quarante-cinq secondes, à ça.

Radio Suisse Romande : Alors au fond, finalement, Jean-Jacques Goldman, qu'est-ce qui est vraiment important, vraiment, mais vraiment important ?

Jean-Jacques Goldman : Je nesais pas. Mais j'ai l'impression quand même que rien n'est important quoi, globalement. Qu'est-ce qu'il disait Gainsbourg ? Un "à-quoi-bonniste" ? On connaît un peu la fin quoi quand même. Essayer de le faire proprement quoi. pas du tout désabusé, non, non, non. J'adore la vie. Mais bon, vous me dites « qu'est-ce qui est important ? », je ne sais pas. Rien... rien et tout quoi. L'appétit de vivre quoi, la gaieté, le fait de se dire qu'on va mourir et que donc, c'est pas un problème, la mort puisqu'on va mourir. Et puis que par contre, il y a une vie. Là. C'est un coup de pot, on ne sait pas trop pourquoi. On ne sait pas trop comment, mais on y est quoi et il y a plein de trucs à saisir et voilà. Qu'il faut se méfier des gens tout le temps heureux, mais que dans cette espèce de déprime sur l'incertitude de notre condition, il y a plein de choses à saisir du premier moment où on se réveille, jusqu'à où on se couche et même tout compris. On est des privilégiés. C'est peut-être ça qu'il faut transmettre. Qu'on a une chance inouïe de vivre et pis qu'il faut en profiter rapidement quoi.

Radio Suisse Romande : Discret bien que célèbre, c'est vrai que Jean-Jacques Goldman ne fait absolument pas la Une des magazines à scandales. Il révèle quand même qu'il a des enfants, mais enfin, ça bon, ce n'est pas forcément une révélation tout à fait croustillante pour les lecteurs de ce genre de magazines et donc, nous on se pose la question de savoir si ses enfants font de la musique, ce qui semblerait être un parcours tout à fait naturel.

Jean-Jacques Goldman : C'est un peu un échec là-dessus. Ils en ont tous joué parce qu'ils étaient obligés, mais aucun par avidité comme nous on a pu l'être, mais je pense que ils sont trop sollicités les mômes, maintenant. Ils ne s'ennuient pas. Ils n'ont pas l'ennui qu'on avait, les gens de notre génération. On n'avait pas de télé, on n'avait pas d'écran. On avait aussi vingt-quatre heures par jour d'ennui profond quoi, qui faisaient qu'on lisait, qu'on écoutait des disques, qu'on travaillait la guitare, quoi. Et eux, ils n'ont pas besoin. Il y a le cinéma, y a vingt-quatre chaînes de télé, des jeux vidéos. Ils n'ont pas la chance de s'ennuyer comme nous on s'est ennuyés. Je vais avoir quarante-quatre ans quand même, donc... Ça fait beaucoup plus que vingt-quatre et beaucoup moins que soixante-deux, mais quand même beaucoup plus que vingt-quatre.

Radio Suisse Romande : Oui, ça c'est vrai, c'est une constatation tout à fait simple. Alors on peut aussi se dire que pendant son adolescence, sans télévision, sans jeu vidéo, sans tout le reste quoi, qu'est-ce qu'il y avait en plus, d'ailleurs ?. Non, j'étais en train de man demander s'il n'y avait pas autre chose. Mais non, en fait il y a quoi ? Il y a la télévision, les jeux vidéos, pui il y a quoi ? Ben c'est tout. Il y a encore des livres pour quelques temps encore. Donc, Jean-Jacques Goldman, il a eu le temps de faire beaucoup de choses. Il a eu le temps de travailler sa guitare, il a eu le temps de lire. Il a eu le temps de faire des études, peut-être même du sport, on ne sait jamais. Mais il a surtout eu le temps d'écouter de la musique. Ah oui, voilà ! C'est l'autre chose qu'on oublie. C'est qu'on peut aussi écouter de la musique de temps en temps. Et là, logiquement, on peut se demander quelles étaient ses influences à l'époque, sachant qu'il a quarante-quatre ans. Et surtout qu'il ne me réponde pas les Beatles comme tout le monde, parce que là, sinon, on se roule par terre.

Jean-Jacques Goldman : Non, j'ai jamais aimé les Beatles. Ben tiens, c'était la conversation du dîner hier soir, où il y avait les pro-Stones, les pro-Beatles, les pro-... Moi, j'ai jamais aimé les Beatles tellement. Les références musicales, c'était dans les années soixante-soixante-cinq, c'est l'arrivée du rythm'n blues, voilà. Du blues..., et alors, il y avait d'un côté le rythm'n blues qui venait des Etats-Unis et alors c'était Simon Dave, Aretha Franklin, etc. et de l'autre côté, il y avait le blues anglais qui était personnifié surtout par un type qui s'appelait John Maile (?) et où sont passé tout le monde, c'est-à-dire les Peter Green, Eric Clapton, et Mike Plitwood (?) et tout ça. Et donc, ... les Bluesbreakers, ça s'appelait. Bon, ça, plus d'autres choses comme Jimi Hendrix, mais les années soixante-cinq-soixante-quinze ont été des années absolument prodigieuses sur le plan de la musique. Moi, je ne crois pas qu'on évolue, d'ailleurs. Je crois que personne n'évolue. Vous écoutez un disque de Dylan maintenant, ou de McCartney, c'est du Dylan et du McCartney. Donc, je ne pense pas, il y a des évolutions dans la forme, mais au fond, on reste avec les mêmes tics musicaux, le même bagage musical, et, le même vocabulaire, les mêmes centres d'intérêts, quoi. On refait un peu tout le temps la même chanson. Je crois que c'est valable pour tout le monde.


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