Les plus belles citations de Jean-Jacques Goldman
Tout sur l'actualité de Jean-Jacques Goldman
La vie de Jean-Jacques Goldman, de ses origines à aujourd'hui
Tout sur les chansons de Jean-Jacques Goldman
Tous les albums de Jean-Jacques Goldman
Tous les DVD et les cassettes vidéo de Jean-Jacques Goldman
Toutes les tournées de Jean-Jacques Goldman depuis 1983
Interviews, essais, livres
Robert Goldman : l'autre Goldman
Pierre Goldman : le dossier
L'histoire des Restos du Coeur et les tournées des Enfoirés
Les sondages de Parler d'sa vie
Listes de discussion et de diffusion, liens, adresses utiles, recommandations
Goodies : Jeu, fonds d'écran, humour...
Le livre d'or de Parler d'sa vie
Le pourquoi de tout ça...

Goldman parle à trois voix
(Télé 7 Jours n°1597 du 5 janvier 1991)

Goldman parle à trois voix
Télé 7 Jours n°1597 du 5 janvier 1991
Martine Bourrillon
Retranscription de Monique Hudlot

Trois ans après son dernier album, il nous offre dix chansons "Fredericks-Goldman-Jones" en compagnie de Carole et Michael. Ses interviews sont aussi rares que ses disques. Nous avons eu le privilège de l'écouter.

En cinq albums, une soixantaine de chansons et presque autant de titres gagnants, il a multiplié les succès comme d'autres les petits pains. Sans pour autant se prendre pour le messie de sa génération : "Je n'ai pas de message à délivrer, je fais des chansons, je chante". Mais show et business ne sont pas non plus les tasses de thé de Jean-Jacques Goldman. "Non, le succès n'est pas lourd à porter. Il est même agréable. C'est la seule indication vraie du plaisir que l'on a pu apporter aux gens. Mais pour moi, il est très secondaire au plaisir que j'éprouve à faire de la musique. Je pourrais m'en passer. De la scène aussi. Si on me disait aujourd'hui que pour moi le succès, c'est terminé, je m'en remettrais, sans pour autant cesser la musique. Pour moi-même ou pour quelques-uns. Le plaisir de sentir qu'entre la salle et vous il se passe quelque chose, c'est bien sûr très excitant et je ne crache pas dessus. Ce qui l'est encore plus, c'est ce qui se passe sur scène entre les musiciens : le bonheur de créer ensemble". Ce bonheur vient de donner naissance à un nouvel album. C'est un Goldman, mais il porte en titre "Fredericks-Goldman-Jones", par ordre alphabétique. "Parce que toutes les chansons, sauf une, ont été écrites pour trois voix et chantées par nous trois". On peut tout de même s'étonner de ce qu'après trois ans sans nouvel album, Goldman n'ait pas choisi de faire une rentrée en solo. "J'ai voulu éviter le danger de la routine de l'autoplagiat.

Ecrire pour d'autres stimule mon imagination. Je n'ai d'ailleurs jamais rêvé de faire autre chose. A mes débuts dans la musique, je ne pensais pas chanter moi-même. J'ai essayé de placer mes chansons de tous côtés. Ça n'a pas marché. Pour qu'un de mes amis essaie de les vendre à des artistes, à travers une maison de disques, j'ai fait une maquette. Faute d'interprète, c'est moi qui les chantais toutes". La maison de disques retient textes et musiques, et le chanteur avec. "Depuis, j'ai écrit pour d'autres que pour moi, et je compte le faire de plus en plus. Pas un album entier, comme pour Johnny, parce qu'à la réflexion je pense que c'est mieux pour un interprète de piocher dans les univers de différents auteurs. Mais je réécrirais volontiers pour lui, s'il me le redemande. Son instinct, très sûr, et sa confiance en lui, si fragile, me touchent profondément. Je suis allé le voir à Bercy. Dans la salle, pas dans sa loge. Je n'aime pas les rencontres artificielles". Plutôt les ambiances feutrées, entre gris clair et gris foncé, les couleurs de son avant-dernier album, ou entre chien et loup, parce que "rien n'est évident dans nos sentiments, nos jugements, nos amours. Ma dernière tournée, qui a duré 18 mois et qui m'a permis d'aller un peu partout dans le monde, m'a confirmé cette certitude : il n'est facile de juger les autres que de loin". Il en a fait une chanson : "Né en 17 à Leidenstadt". "Né dans une époque, dans une famille, dans une société différente, puis-je jurer que je n'aurais pas été nazi en Allemagne, raciste en Afrique du Sud ? C'est facile de parler du racisme quand on n'est pas confronté au problème. Je ne l'excuse certainement pas, loin de là, mais je trouve que l'on se donne parfois bonne conscience à peu de frais". C'est pourquoi il évite soigneusement de répondre aux invitations des télévisions pour y débattre des sujets du monde. "Je ne suis pas capable de discuter sur des sujets vagues. Ce qu'il faut faire pour lutter contre la faim dans le monde, ou pour éviter la violence dans les banlieues, je n'en sais rien. Je peux parler de la nécessité, pour les artistes français, de la création d'une chaîne musicale qui leur permettra de se faire connaître ailleurs qu'en France ; je peux parler des problèmes qui se posent dans les studios d'enregistrement, mais c'est tout. Quant à parler de moi et de ma vie, je me sentirais trop mal à l'aise. Je respecte les gens qui participent à ces émissions que je regarde souvent, mais je sais que ce n'est pas pour moi".

Sa pudeur ne craque que face à la page blanche ou, guitare en main, dans l'obscurité d'un studio. "J'envie les auteurs féconds. Moi j'arrive tout juste à écrire une douzaine de chansons en trois ans. Il faut que ça monte, que j'écrive poussé par la nécessité". Textes qui trahissent des interrogations sur l'amour, le couple, la famille, la passion. "Quand je vois des jeunes de 20 ans, un samedi, à la sortie de la mairie, et que je songe qu'ils s'imaginent vivre cinquante ans le même amour, cela me fait frissonner. Je n'aime pas les clichés de l'amour que l'on propose trop souvent. Ces bonheurs-façades qui sont des mensonges. Ils font rêver certains, mais ils font mal aussi à ceux qui ne vivent pas sur les mêmes sommets et croient, du coup, avoir raté leur vie". Malentendu sur le mot "amour" autour duquel Jean-Jacques a brodé la chanson "Ce n'est pas de l'amour". "C'est difficile d'expliquer ce qu'est l'amour. On le sait quand c'est là. Et ça n'a rien à voir avec ce que vivent certains couples. La complicité, la connaissance, l'harmonie, l'intelligence, c'est important parce qu'il faut que les enfants aient une famille. Ce n'est pas de l'amour. Ce n'est pas moins bien, c'est autre chose". Le mot amour, Jean-Jacques le ferait plus volontiers rimer avec le mot passion. "Je ne pourrais vivre sans. Parce que la passion pour moi c'est la seule façon de ne pas être en train d'attendre. La passion c'est la vie même". Celle qu'il éprouve pour la musique le comble à tout moment. "Je ne connais pas l'angoisse que certains ressentent à la fin d'une tournée. Les derniers soirs de notre périple de dix-huit mois je n'avais qu'une impatience, me retrouver en studio. Je m'y suis terré neuf mois avec Carole et Michael et des musiciens venus d'horizons différents. Une collaboration très tonifiante qui m'a donné le sentiment d'évoluer sentimentalement. Après ces neuf mois de recherche enthousiaste, je n'ai plus qu'une envie : repartir en tournée".

Dès la fin du mois de mars, il regoûtera de la scène, dans les Caraïbes, pour commencer (Jean-Jacques s'arrange pour faire coïncider voyages professionnels et vacances scolaires), puis en province et Paris, fin juin. "Les concerts dans le sud de la France, qui m'ont permis de jouer dans les Arènes d'Orange ou de Nîmes, m'ont donné l'envie de me reproduire à Paris en plein air. Mais dans un lieu pas trop gigantesque. Au-dessus de 10 000 spectateurs je ne sens plus bien le public". Il prospecte différents sites mais déjà le spectacle est prêt dans ses grandes lignes. Bernard Schmitt, qui réalise ses clips, est chargé de la partie visuelle, Jacques Rouveyrollis des lumières. "Quant à la scène, elle a été conçue par un groupe de jeunes architectes de 25 ans qui m'ont proposé un projet qui nous a tous emballés. On parle moins de ceux qui entreprennent et réussissent parce qu'ils n'ont pas hésité à s'en donner les moyens". Ces jeunes gens têtus qui n'écoutent que leur passion, tel Jean-Jacques qui, dix ans durant, a travaillé dans un magasin de sport avant de pouvoir faire de la musique son métier. "Ça m'a pris par surprise" chante Goldman, se souvenant des disques de Jimi Hendrix ou d'Aretha Franklin qui ont décidé de sa vocation. "J'ai eu de la chance, une chance que certains jeunes aujourd'hui n'ont pas. Ce qu'on leur montre, ce sont des vies où l'on n'a pas grand choix entre vernis et Valium. Les parents, les éducateurs n'assument plus leur rôle. Du moins en ville. En province on sait mieux que la vie, ce n'est pas seulement regarder la télé. Tout ne va pas si mal dans le monde, la vie associative, par exemple, qui est pleine de richesses en objectifs et en hommes. L'ouverture des frontières à l'Est qui me paraît être l'évènement historique vraiment important pour notre génération". Avec quelques réserves pourtant : "Je redoute très fort la remontée de l'antisémitisme, ici et ailleurs, je crois que beaucoup de juifs devront encore immigrer en Israël pour fuir les persécutions… Leur problème n'est pas né d'hier ! Il se posera encore longtemps".

Un temps qui ne se mesurera pas peut-être à celui de sa vie. "A 20 ans on croit que l'on va changer le monde. A bientôt 40 je fais le bilan de tout ce que je ne ferai pas. Comme tout le monde j'aurais aimé vivre cent vies. J'enrage quand j'entends des chansons que je n'ai pas écrites, quand je pense à tous mes actes manqués. Mais c'est ainsi. Je ne suis pas résigné, simplement plus dupe des illusions de mes 20 ans. La suite ? Je n'ai pas peur du temps qui passe. Avoir bientôt 40 ans ne m'inquiète pas… Combien de temps continuerai-je à chanter ? Je ne pense pas en termes de carrière. Je continuerai à composer et à chanter tant que j'en aurai du plaisir, tant que j'en aurai envie".

"C'est le plaisir sur scène de mélanger nos voix qui a donné naissance à mon album". Jean-Jacques Goldman raconte lui-même, dans le livret accompagnant son nouvel album, qui sont ses deux complices: Carole Fredericks née à Springsfield, Massachussets, est la fille d'une institutrice chanteuse de jazz dans un big band et d'un père pianiste parolier. Septième d'une famille d'artistes, dont cinq sont musiciens et deux peintres, elle arrive en France en 79 en chantant des gospels et devient vite l'une des favorites des studios d'enregistrement français. C'est là qu'elle est remarquée par Jean-Jacques, qui l'engage à le rejoindre sur scène dès 86 avant de le suivre en tournée partout au monde. "Une voix étonnante, une véritable show-woman, une actrice et surtout un personnage d'une formidable générosité". Michael Jones, lui, est né à Welshpool au Pays de Galles. Son père était violoniste. Aîné de trois garçons, il débarque en France l'été 71 avec [sic] un groupe de rock qui joue de plage en plage. Il ne repartira pas, alternant bal, studios, groupes éphémères jusqu'au moment où il rejoint le groupe Tai Phong au sein duquel il rencontre Jean-Jacques Goldman, dont il deviendra depuis lors le complice sur disque et scène. Ils ont déjà chanté "Je te donne". "C'est un véritable ami, dont le talent et la virtuosité m'épatent. Quelqu'un de solide et droit. Je regrette que son album solo et les 45 tours qu'il a réalisés pour son propre compte n'aient pas eu en France le succès qu'ils méritent, mais nos relations n'ont pas souffert de ces inégalités face au succès. Le plaisir de jouer ensemble est primordial pour nous deux".


Retour au sommaire - Retour à l'année 1991

- Signaler une erreur Ajouter à mes favoris